Réhabilitation Améliorée après Chirurgie pour cancers gynécologiques

Camille Jauffret, Guillaume Blache, Clément Brun, Gilles Houvenaeghel, 
Éric LAMBAUDIE, Département Oncologique 2
 

Institut Paoli Calmettes
MARSEILLE, France

 

La Réhabilitation Améliorée après Chirurgie (RAC) est définie par la Haute Autorité de Santé (HAS) comme « une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie » (HAS 2016). C’est en 1997 que Khelet (1) décrit pour la première fois, en chirurgie générale, ce concept d’approche multimodale de la physiopathologie post-opératoire et de la réhabilitation, dont les objectifs seront finalement définis par l’HAS ainsi : une meilleure satisfaction du patient, des complications postopératoires réduites ou équivalentes à la prise en charge conventionnelle et en conséquence, une durée de séjour hospitalier plus courte. Il s’agit bien plus d’une amélioration de la qualité de la prise en charge que d’une réduction à tout prix de la durée de séjour.

La mise en place d’un programme RAC en chirurgie gynécologique oncologique repose sur 3 piliers : Des protocoles de soins qui regroupent une vingtaine de mesures pré, per et postopératoires, le patient qui participe activement à son chemin clinique et une équipe coordonnée qui assure la mise en œuvre des chemins clinique dans leur globalité et leur évaluation régulière. (2)

Les protocoles de soins (dont un exemple est disponible en annexe) doivent être établis de façon concertée entre tous les acteurs médicaux et paramédicaux, et adaptés aux spécificités médicales et organisationnelle de chaque équipe.

Ils associent des mesures qui ont un effet bénéfique direct ou indirect sur les réactions métaboliques post-agressives : diminution du catabolisme musculaire et diminution de l’insulino-résistance, et qui d’autre part, ont un effet démontré par des études cliniques sur la diminution du taux de complications et la diminution de la durée de séjour.

Parmi ces mesures, la chirurgie mini-invasive occupe une place prépondérante car elle permet de réduire l’importance de plusieurs effets négatifs liés à l’intervention chirurgicale : moins de douleurs et moins de nécessité de drain ou de sonde.

La participation active des patients est absolument nécessaire pour mettre en œuvre un chemin clinique RAC : ils doivent avoir compris la finalité de ce nouveau mode de prise en charge péri-opératoire. Cette participation active du patient passe par une étape d’informations précises qu’il convient de donner en amont de l’hospitalisation pour éviter tout effet de surprise. L’accompagnement numérique des patients via une application peut être très intéressant dans ce contexte, afin de sécuriser au maximum le retour à domicile, tout en proposant au patient une « présence virtuelle » de l’équipe soignante, même en cas de sortie précoce.

L’équipe, enfin, est une équipe élargie, intra et extra hospitalière qui associe Chirurgiens, Anesthésistes, IDE dans le Bloc, dans les Unités de Soins et les IDE libérales et les Médecins Généralistes qui interviennent au domicile du patient mais aussi les aides-soignantes et selon les besoins : les kinésithérapeutes, les diététiciennes, et tout autre acteur de soins susceptible d’intervenir auprès des patients.

Ainsi établis, les chemins cliniques RAC vont permettre de proposer aux patientes devant bénéficier d’une intervention de chirurgie gynécologique oncologique une prise en charge améliorée, sécurisée et adaptée : en effet, il n’y a aucune contre-indication à une prise en charge RAC mais une adaptation des protocoles aux patients fragiles, âgés ou porteurs de comorbidités est nécessaire.

A l’Institut Paoli Calmettes, les programmes RAC en chirurgie gynécologique oncologique ont été progressivement implémentés depuis Novembre 2015. A ce jour, 570 patientes ont pu en bénéficier, pour des interventions de type hystérectomies et / ou curages pelviens et lombo-aortiques.

Les principaux résultats sont présentés dans le Tableau 1.

Parmi les résultats importants nous avons constaté :

  • une augmentation de la part des interventions réalisées par voie mini-invasives (de 60,5 % à 81,6 %), avec une répartition des indications qui reste assez similaire,
  • une diminution des durées de séjour ont pu être réduites de 2 jours en moyenne, sans que cela ne s’accompagne d’une augmentation du taux de ré-hospitalisations, ou du taux de complications sévères. Pour le groupe avant RAC, s’agissant d’une analyse rétrospective, le taux précis de complications de Grade I-II n’est pas connue.

 

   

Avant RAC

Après RAC

   

n=223

n=570

Procédure

Hystérectomie (HTT)

103 (46 %)

256 (45 %)

 

Lymphadénectomie pelvienne (LP)

16 (7%)

29 (5%)

 

Lymphadénectomie lombo-aortique (LAO)

31 (14 %)

106(18,5 %)

 

LP + LAO

9 (4 %)

9 (1,5 %)

 

HTT + LP et/ou LAO

64 (29 %)

170 (30%)

Voie d'abord

Mini-invasif

135 (60,5 %)

465 (81,6 %)

 

Laparotomie

65 (30 %)

105 (18,4 %)

DMS (min-max) jours

5 (1- 16)

3 (0-21)

Re-admissions

22 (10 %)

48 (8,4 %)

Complications post-opératoires

Total

NC

124 (21,7 %)

 

CD I/II

NC

85 (15 %)

 

CD III/IV

9 (4 %)

38 (6,6 %)

 

La RAC constitue une évolution majeure dans nos pratiques et fait aujourd’hui partie des nouveaux parcours de soins chirurgicaux. En terme de qualité de prise en charge, la RAC nécessite un audit régulier des pratiques et un suivi d’indicateurs tel que le taux de complications non réalisé de manière systématique auparavant.

Ainsi, la standardisation des procédures et la diminution de la variabilité interindividuelle qu’elle nécessite, permet d’envisager un transfert vers l’ambulatoire de des procédures chirurgicales lourdes en chirurgie gynécologique oncologique.

Parmi les perspectives que nous pouvons envisager, 2 sont essentielles :

Son intégration dans des parcours de soins complexes avec une préparation nutritionnelle, physique et psychologique de nos patientes les plus fragiles (préhabilitation)

L’étude de son potentiel rôle en terme de survie, comme le suggère 2 études récentes menées en chirurgie digestive. (3,4)

 

Références
1. Kehlet H. Multimodal approach to control postoperative pathophysiology and rehabilitation Br J Anaesth. 1997 May;78(5):606-17.
2. Lambaudie, E., de Nonneville, A., Brun, C., Laplane, C., N’Guyen Duong, L., Boher, J.-M., … Blache, J.-L. (2017). Enhanced recovery after surgery program in Gynaecologic Oncological surgery in a minimally invasive techniques expert center. BMC Surgery, 17(1). doi:10.1186/s12893-017-0332-9.
3. Gustafsson, U. O., Oppelstrup, H., Thorell, A., Nygren, J., & Ljungqvist, O. (2016). Adherence to the ERAS protocol is Associated with 5-Year Survival After Colorectal Cancer Surgery: A Retrospective Cohort Study. World Journal of Surgery, 40(7), 1741–1747. doi:10.1007/s00268-016-3460-y.
4. Curtis, N. J., Taylor, M., Fraser, L., Salib, E., Noble, E., Hipkiss, R., … Francis, N. K. (2017). Can the combination of laparoscopy and enhanced recovery improve long-term survival after elective colorectal cancer surgery? International Journal of Colorectal Disease, 33(2), 231–234. doi:10.1007/s00384-017-2935-0 

 

 

Consulte les annexes

 
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