État des lieux du dépistage du cancer du sein en France

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme avec près de 58 500 nouveaux cas en 2018 en France. L’âge moyen au diagnostic est de 63 ans et plus de 80 % des cancers sont diagnostiqués après 50 ans [1]. Le dépistage du cancer du sein se fait principalement grâce à la mammographie. C’est un dépistage organisé depuis 2004, sous la tutelle des CRCDC. Son but est de réduire la mortalité par cancer du sein, améliorer la qualité de vie avec des traitements moins lourds et réduire les inégalités sociales. Des résultats présentés aux Journées Françaises de Radiologie en 2022 [2] à partir du croisement de registres de cancer et des données de CRCDC sur 2007-2015, ont montré que chez les femmes de 50 à 74 ans, 75 % des cancers étaient diagnostiqués après une participation au dépistage organisé dans les 2 années précédant le cancer, dont 17 % de de cancers de l’intervalle (cancer survenant entre 2 mammographies de dépistage). 85% des cancers diagnostiqués chez les participantes au dépistage organisé étaient de stade précoce contre 61% chez les femmes ne participant pas au dépistage organisé. Les cancers de stade avancé étaient plus fréquents chez les femmes défavorisées.

Le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie tous les 2 ans s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans de la population générale. En cas de situations particulièrement à risque, une surveillance spécifique est mise en place, comme par exemple en cas de prédisposition génétique au cancer du sein et/ou de l’ovaire, en cas d’antécédent d’irradiation thoracique dans l’enfance, en cas de lésions atypiques du sein ou d’antécédent personnel de cancer du sein [3]. Ces femmes doivent avoir un dépistage plus fréquent en raison d’un risque augmenté de cancer du sein. Les recommandations de dépistage dans ces situations spécifiques datent de 2014 (Haute Autorité de Santé[3]) et 2017 pour les recommandations de dépistage des femmes avec mutation BRCA1/2 (Institut National du Cancer [4]).

Le dépistage organisé propose aux femmes de 50 à 74 ans, sans situation de haut risque spécifique de cancer du sein (cf supra) une mammographie bilatérale 2 incidences (oblique externe et face pour chaque sein) tous les 2 ans auprès d’un radiologue agréé (réalisant minimum 500 mammographies/an), couplé à un examen clinique. Les examens sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale, sans avance de frais. Les femmes sont invitées par un courrier envoyé via les CRCDC à réaliser cette mammographie et une liste des radiologues agréés pour le dépistage dans leur département leur est fournie. Le dépistage organisé du cancer du sein répond à une démarche d’assurance qualité qui repose sur un cahier des charges pour les installations de mammographie, des contrôles internes et externes et une formation spécifique des radiologues. Les mammographies faites dans le cadre du dépistage organisé et interprétées comme étant normales (ACR1 ou ACR2) sont systématiquement relues quelques jours après par un autre radiologue également agréé (réalisant minimum 1500 mammographies/an). Ce système de deuxième lecture fait partie de la démarche d’assurance qualité du dépistage organisé. On estime que la seconde relecture permet de diagnostiquer environ 6 % des cancers « en rattrapage ».

Un rapport de l’IGAS en 2022  a souligné quelques faiblesses du système français actuel ; incluant une gouvernance complexe [5]. Par ailleurs et malheureusement, le dépistage organisé souffre actuellement d’un taux très moyen de participation, aux alentours de 50 %, bien loin de nos voisins européens et de l’objectif de 70% recommandé par le conseil européen en 2003 (2003/878/CE) ([5]. Après une augmentation progressive jusqu’en 2012-2013 avec un taux de participation à 52.3%, le taux de participation est en baisse avec en 2019 une participation de 42.8%, 42.6% en 2020 (suite à la pandémie COVID19) [6]. En 2021, le taux de participation est remonté 50,6% [7]. Cependant, une spécificité française est la réalisation de mammographie à titre individuel, hors cadre du dépistage organisé, ce qui complexifie les moyens d’avoir des chiffres fiables. Environ 11% des femmes entre 50 et 74 ans sans situation de risque spécifique de cancer du sein font leur mammographie dans le cadre d’un dépistage individuel (mammographie prescrite directement par leur médecin). Dans ce cadre, il n’y a pas de deuxième lecture de la mammographie.

Une des pistes d’avenir d’amélioration du dépistage est celle du dépistage personnalisé du cancer du sein, stratifié en fonction du risque de développer un cancer du sein invasif dans les prochaines années. Cette approche repose sur l’évaluation d’un niveau de risque de cancer du sein, via des algorithmes qui prennent en compte les facteurs de risque et facteurs protecteurs connus pour le cancer du sein : les facteurs classiques comme les facteurs hormonaux, le poids, les antécédents familiaux, etc mais aussi la densité mammaire, nouveau marqueur de risque de cancer du sein, et dans le cadre de la recherche, les polymorphismes de l’ADN. Des scores de risque utilisant une analyse en intelligence artificielle, des images de mammographie, semblent également assez prometteurs [8]

Il est nécessaire de démontrer qu’une telle approche basée sur le risque individuel est faisable, efficace et non délétère.  Une vaste étude européenne coordonnée par la France, l’étude MyPeBS, a pour but de démontrer que cette approche basée sur le risque est non-inférieure, voire supérieure, au dépistage standard basé sur l’âge. Son critère de jugement principal est l’incidence de cancer du sein de stade avancé (stade 2 ou plus) à 4 ans.  Elle se déroule dans 6 pays : la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Belgique et Israël. Les femmes volontaires entre 40 et 70 ans sont randomisées entre poursuivre le dépistage dans le cadre des recommandations actuelles, ou un dépistage personnalisé en fonction de leur risque de de développer un cancer du sein. Le dépistage personnalisé est essentiellement basé sur la mammographie, dont la fréquence, durant les 4 ans de suivi, dépend du niveau de risque de développer cancer du sein invasif dans les 5 ans. Plus le risque est élevé, plus la fréquence augmente (mammographie tous les 2 ans ou annuelle), une IRM mammaire annuelle peut même être proposée en cas de très haut risque. A l’inverse, si le risque est faible, la fréquence diminue (prochaine mammographie dans 4 ans). Cette étude unique au monde a débuté en 2019 et la période d’inclusion va se poursuivre jusqu’à mi 2023 avec pour objectif d’inclure 56000 femmes au total  [9].

Enfin, des nouvelles recommandations de l’Union européenne datant de septembre 2022, proposent de débuter le dépistage par mammographie à 45 ans, et d’ajouter une IRM mammaire pour les femmes aux seins très denses  [10–13].

Le dépistage du cancer du sein tel qu’on le connait actuellement pourrait donc profondément se modifier dans les années à venir.

[1]       Les cancers en France en 2018 - L’essentiel des faits et chiffres (édition 2019) - Ref : ETKAFR19 n.d. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-public… .

[2]       Molinié F, Delacour S, Boyer S, Delafosse P, Hammas K, Trétarre B, et al. Impact du dépistage organisé pour les femmes françaises résultats des croisements de données des Centres Régionaux Coordination Dépistage Cancers et des Registres, étude DO CS STAD 2022.

[3]       Haute Autorité de Santé - Dépistage du cancer du sein en France : identification des femmes à haut risque et modalités de dépistage n.d. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-… (accessed January 24, 2018).

[4]       Synthèse - Femmes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2 / Détection précoce du cancer du sein et des annexes et stratégies de réduction du risque - Ref : RECOBRCASYNTH17 2020. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-public… (accessed April 27, 2020).

[5]       Le dépistage organisé des cancers en France n.d. https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article854 (accessed October 12, 2022).

[6]       Taux de participation au programme de dépistage organisé du cancer du sein 2019-2020 et évolution depuis 2005 n.d. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/can… (accessed October 12, 2022).

[7]       Dépistage du cancer du sein : quelle participation des femmes en 2021 ? n.d. https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2022/depistage-du-can… (accessed October 13, 2022).

[8]       Eriksson M, Destounis S, Czene K, Zeiberg A, Day R, Conant EF, et al. A risk model for digital breast tomosynthesis to predict breast cancer and guide clinical care. Sci Transl Med 2022;14:eabn3971. https://doi.org/10.1126/scitranslmed.abn3971.

[9]       Accueil. MyPeBS n.d. https://www.mypebs.eu/fr/ (accessed September 9, 2021).

[10]     Factsheet - European Health Union: cancer screening. Eur Comm - Eur Comm n.d. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/fs_22_5586 (accessed October 13, 2022).

[11]     Duffy SW, Vulkan D, Cuckle H, Parmar D, Sheikh S, Smith RA, et al. Effect of mammographic screening from age 40 years on breast cancer mortality (UK Age trial): final results of a randomised, controlled trial. Lancet Oncol 2020;21:1165–72. https://doi.org/10.1016/S1470-2045(20)30398-3.

[12]     Bakker MF, de Lange SV, Pijnappel RM, Mann RM, Peeters PHM, Monninkhof EM, et al. Supplemental MRI Screening for Women with Extremely Dense Breast Tissue. N Engl J Med 2019;381:2091–102. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1903986.

[13]     Kregting LM, Sankatsing VDV, Heijnsdijk EAM, de Koning HJ, van Ravesteyn NT. Finding the optimal mammography screening strategy: A cost-effectiveness analysis of 920 modelled strategies. Int J Cancer 2022;151:287–96. https://doi.org/10.1002/ijc.34000.

 

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.