Chirurgie prophylactique et risque de cancers chez les porteuses de mutation BRCA1 et BRCA2

Il est maintenant bien connu que les femmes porteuses d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 ont un risque accru de développer un cancer du sein et un cancer de l’ovaire. Le risque de développer un cancer du sein durant la vie est alors estimé entre 56% et 84%. Le risque de cancer ovarien se situe, quant à lui, entre 36% et 63% pour les porteuses de mutation BRCA1 et entre 10% et 27% pour les porteuses d’une mutation BRCA2. Les femmes porteuses de ces mutations font l’objet de recommandations spécifiques parmi lesquelles s’inscrivent un dépistage annuel, une hormonothérapie préventive, une annexectomie et/ou mammectomie prophylactique. Du fait de la difficulté de dépistage du cancer ovarien, l’annexectomie est vivement recommandée une fois le projet familial complété. Cependant, le bénéfice attribuable pourrait différer selon l’antécédent ou non de cancer préexistant. De plus, quelques données suggèreraient que le profit pourrait être variable selon que la mutation porte sur le gène BRCA1 ou sur le BRCA2.

Une étude multicentrique prospective s’est attachée à suivre une cohorte de femmes porteuses de ces mutations afin d’y apprécier le bénéfice d’une chirurgie prophylactique selon d’une part leur antécédent ou non de cancer antérieur et d’autre part leur type de mutation. Ainsi, entre 1974 et 2008, 2482 femmes avec mutation de BRCA1 ou BRCA2 ont été suivies jusqu’en 2009. Le but était de vérifier la relation entre mammectomie ou annexectomie prophylactiques et les risques ultérieurs de cancers et de mortalité.

La mammectomie prophylactique permettait une réduction du risque de cancer du sein : durant le suivi, aucun cas de cancer su sein n’était apparu si cette chirurgie avait été pratiquée contre 7% de survenue de cancers du sein chez les femmes non opérées.

L’annexectomie bilatérale offrait des bénéfices majeurs en réduisant :

  •  le risque de survenue de cancer ovarien de 86% chez les femmes antérieurement traitées pour un cancer du sein et de 72% chez celles sans antécédent carcinologique, et ce quelque soit leur type de mutation.
  • le risque d’apparition d’un premier cancer du sein de 37% en cas de mutation de BRCA1 et de 64% pour les  mutations de BRCA2 : la différence pourrait provenir du plus grand nombre de tumeurs ER+ en cas de mutation de BRCA2.
  • de 60% la mortalité toute cause confondue.
  • de 56% la mortalité liée au cancer du sein.
  • de 79% la mortalité liée au cancer de l’ovaire.
  • ces effets positifs sur toutes les causes de mortalité se retrouvaient quelque soit l’âge lors de l’annexectomie , contrairement à ce qui était retrouvé dans des études antérieures.

Les effets sur la mortalité, toute cause confondue mais également celles spécifiquement liées aux cancers, concernaient principalement les femmes porteuses d’une mutation de BRCA1. Le nombre plus faible de femmes et les évènements plus rares chez les porteuses de mutations de BRCA2 ne permettraient-ils pas de retrouver des modifications significatives ?

En dehors des problèmes psychologiques, loin d’être négligeables posés par ce type de prise en charge, de nombreuses questions restent posées : quel est le bon timming pour proposer la chirurgie prophylactique ? Comment en compenser les effets néfastes notamment ceux liés à la carence hormonale prématurée ? La moindre réduction de mortalité en cas de mutation de BRCA2 est-elle liée au risque plus faible de développer un cancer ovarien chez ces femmes ? La différence observée provient-elle de la plus grande agressivité des tumeurs en cas de mutation de BRCA1 ? Bien d’autres études sont nécessaires pour tenter de répondre à ces questions.

La décision de proposer une chirurgie prophylactique en cas de mutation n’est jamais simple. Elle impose une concertation pluri-disciplinaire dans laquelle la patiente est partie prenante. L’aspect psychologique est toujours très délicat à gérer et le recours à des psycho-oncologues hautement recommandé. Ainsi, sur le papier cette chirurgie devrait être largement préconisée dans nombreux cas de mutation de BRAC1 ou BRCA2 mais dans les faits elle nécessite une intense et profonde réflexion pour et avec chaque femme.

Domchek S, Friebel T, Singer Ch, Evans D, Lynch H, Isaacs C, Garber J, Neuhausen S, Matloff E et all. Association of risk-reducing surgery in BRCA1 or BRCA2 mutation carriers with cancer risk and mortality. JAMA 2010;304(9):967-975.

 
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