Incidence du cancer du sein réduite sous anastrozole en prévention primaire chez des femmes ménopausées à risque !

Le cancer du sein est le plus commun des cancers féminins avec 1.4 millions de nouveaux cas dans le monde en 2008. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer son incidence croissante : le vieillissement de la population, l’amélioration globale du statut socio-économique, l’augmentation de l’obésité et autres modifications du style de vie avec, entre autres, réduction de l’activité physique, première grossesse plus tardive et moindre recours à l’allaitement. Les améliorations du mode de vie sont toujours préconisées en termes de prévention et chez les femmes à risque de cancer du sein, des mesures prophylactiques chimiques sont régulièrement évaluées.

Des essais thérapeutiques ont déjà permis de démontrer la supériorité des anti-aromatases par rapport au tamoxifène en termes de prévention secondaire chez les patientes ménopausées traitées pour cancer du sein.

Une étude antérieure sous exemestane avait évoqué, chez des femmes non atteintes mais à risque de cancer du sein, une réduction d’incidence de 53% des cancers du sein tous types confondus et de 65% des cancers invasifs après 3 ans de suivi (1).

Une nouvelle étude randomisée en double-aveugle versus placebo, multicentrique publiée dans le Lancet, évalue sur 5 ans l’effet de l’anastrozole chez 1920 femmes ménopausées à haut risque de cancer du sein (2).

Les femmes, âgées de 40 à 70 ans, étaient recrutées dans 153 centres répartis dans 18 pays. Toutes les patientes étaient ménopausées avec un risque de cancer du sein estimé au moins à  5% dans les 10 ans (histoire familiale, carcinome canalaire in situ, carcinome lobulaire in situ ou hyperplasie canalaire atypique). Les patientes éligibles étaient alors randomisées pour recevoir, sur une durée de 5 ans, soit 1 mg/j d’anastrozole soit un placebo. L’objectif principal était d’évaluer l’incidence des cancers du sein avec confirmation histologique (cancers invasifs ou carcinomes canalaires in situ). Les objectifs secondaires appréciaient le taux de cancers ER+, la mortalité par cancer du sein, la survenue d’autres cancers mais aussi celle de maladies cardio-vasculaires, de fractures, d’effets secondaires et de décès non liés au cancer du sein.

3864 femmes furent ainsi initialement randomisées avec une moyenne d’âge de 59,5 ans et 18% âgées de plus de 65 ans. Près de la moitié de ces femmes avaient au moins 2 apparentées du premier degré atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire et ce pour plus d’un tiers avant l’âge de 50 ans. Les patientes bénéficiaient d’un examen clinique et radiologique à l’entrée dans l’étude, puis la mammographie était réalisée tous les 2 ans.

A l’issue de 5 années de suivi, l’observance était de 68% dans le groupe anastrozole et de 72% dans le groupe placebo (p=0.0047), l’arrêt  étant principalement lié aux effets secondaires. L’incidence du cancer du sein tous types confondus était diminuée de plus de 50% dans le groupe anastrozole (HR 0.47, IC à 95% 0.32-0.68 ; p<0.0001). Ce bénéfice était retrouvé principalement pour les cancers canalaires in situ et pour les invasifs ER+ (HR 0.42, IC à 95% 0.25-0.71 ; p<0.001) mais pas pour les ER-. L’anastrozole diminuait de 65% l’incidence des tumeurs de haut grade. L’incidence cumulée prévisible sur 7 ans était doublée dans le groupe placebo comparativement au groupe anastrozole. Les bénéfices restaient identiques près ajustement sur divers paramètres tels que l’âge, l’IMC, l’utilisation antérieure d’un THM ou un tabagisme.

Concernant les autres cancers, il était noté une incidence significativement diminuée des cancers colorectaux et cutanés (mélanome et autres cancers cutanés) mais pas de différence sur d’autres cancers (endomètre, ovaire, poumons, tractus urinaire). Globalement, sur cette période la mortalité (globale et par cancer du sein) était identique dans les 2 groupes.

Concernant les effets secondaires :

  • il n’apparaissait pas de différence significative concernant le nombre de fractures ou la nécessité de prise en charge par biphosphonates, le nombre d’évènements thromboemboliques ou d’accidents cardio-vasculaires
     
  • on notait plus de phénomènes d’arthralgies, de canal carpien, de symptômes vasomoteurs, de sécheresse oculaire, d’hypertension artérielle et à l’inverse moins de problèmes vaginaux.
     

Cette étude confirme l’efficacité d’un anti-aromatase chez des femmes ménopausées à risque de cancer du sein en termes d’incidence du cancer du sein. Le bénéfice semblerait supérieur à celui obtenu sous tamoxifène mais un maintien de l’action préventive sur 10 ans a été retrouvé avec cette dernière molécule (3).

Les actions de prévention par anti-estrogène semblent donc efficaces en termes de réduction de l’incidence des cancers du sein hormono-dépendants chez les femmes à haut risque. Cependant, l’enthousiasme doit être probablement tempéré : - sur les durées de suivi à ce jour, aucune ne semble modifier la mortalité par cancer du sein, - les effets secondaires ne sont pas toujours acceptables, - enfin, il est urgent d’établir des moyens d’identifier les femmes pour lesquelles le bénéfice serait le plus important. L’avenir permettra, espérons-le, de répondre à ces attentes !

 

  1. Goss PE, Ingle JN, Ales-Martinez JE, et al. Exemestane for breast-cancer prevention in postmenopausal women. N Eng J Med 2011;364:2381-91.
  2. Cuzick J, Sestak I, Forbers JF, et al. Anastrozole for prevention of breast cancer in high-risk postmenopausal women (IBIS-II): an international, double-blind, randomised placebo-controlled trial. Lancet 2014;383:1041-48.
  3. Cuzick J, Sestak I, Bonanni B, et al. Selective oestrogen receptor modulators in prevention of breast cancer: an updated meta-analysis of individual participant data. Lancet 2013;381:1827-34.

 
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