Faut-il dépister le cancer du sein dès 40 ans ?

Auteurs

 

Tout d’abord il convient de rappeler quelques chiffres, l’institut de veille sanitaire (INVS) estime qu’en 2011 il sera diagnostiqué 53 000 nouveaux cas de cancers du sein. On en a noté 49 814 en 2005 dont 10 599 avant 50 ans et 8 211 cas  entre 40 et 50 ans: soit 16,5%  de l’ensemble des cancers du sein. Le nombre de femmes concernées n’est donc pas négligeable. D’ailleurs entre 45 et 50 ans le pourcentage de femmes atteintes est superposable à la tranche d’âge 50-55 ans. Sur les 11 000 décès observés par an, 250 surviennent entre 40 et 50 ans reflétant en fait plutôt la mortalité des femmes diagnostiquées plus jeunes.

Le dépistage organisé permet-il de réduire la mortalité chez ces femmes ? Aucun essai n’a permis de mettre en évidence un tel effet par contre une réduction de la mortalité a pu être démontré par  plusieurs méta- analyses avec de 15 à 20% de bénéfice.

Quels sont les risques du dépistage pour cette tranche d’âge ? Le sur diagnostic pas vraiment, si on peut l’évoquer pour les femmes plus âgées et notamment celles de plus de 70 ans, la probabilité qu’un cancer diagnostiqué à 42 ans n’évolue pas du vivant de la femme est fort peu probable. On va par contre avoir plus de faux positifs et de faux négatifs, en raison de la densité de la glande mammaire et des difficultés d’interprétation de la mammographie que l’on sait plus importantes. Faudra-t-il introduire de manière systématique l’échographie ? Mais à quel coût, avec quel contrôle de qualité, comment gommer l’effet opérateur dépendant ? On va donc augmenter le taux de rappel des patientes et induire de l’anxiété, on va générer davantage de biopsies….

La mammographie de par son irradiation peut participer de la carcinogenèse et en débutant la mammographie tôt on augmente ce risque ce d’autant que le sein des femmes jeunes est plus sensible aux agents carcinogènes et donc à l’irradiation. Yaffe (1)  estime que pour une cohorte de 100 000 femmes effectuant une mammographie annuelle de 40 à 55 ans puis tous les deux ans jusqu’à l’âge de  74 ans on pourrait induire 86 cancers du sein et 11 décès, ce qui est à mettre en balance par rapport à la réduction de mortalité obtenue grâce au dépistage organisé qui permettrait d’éviter 497 [*]décès .

Le dépistage systématique est maintenant bien codifié chez les femmes jeunes porteuses d’une mutation génétique authentifiée de type BRCA, ou chez celles ayant des antécédents familiaux multiples même en l’absence de gènes mis en évidence ou chez celle ayant eu une irradiation thoracique thérapeutique (maladie de Hodgkin et irradiation en mantelet) mais le risque est la majeur justifiant la mammographie, l’échographie et l’IRM annuelle associé à un examen clinique tous les six mois….Il s’agit cependant d’une population spécifique.

Quelles sont les recommandations de part le monde ? Elles sont en fait multiples comme le montre la liste sous-jacente qui les résume :

•      U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) : individualiser le dépistage et si oui, tous les deux ans

•      American Cancer Society : tous les ans à partir de 40 ans

•      National Comprehensive Cancer Network (NCCN) : tous les ans à partir de 40 ans

•      National Cancer Institute (NCI) : tous les ans ou tous les deux ans dès 40 ans

•      American college of physicians: individualiser  le dépistage et si oui, tous les un ou deux ans

•      American college of radiology: tous les ans à partir de 40 ans

•      Canadian task force: individualiser la décision, si oui tous les un ou deux ans

•      National Health Service U.K. (NHSUK) : tous les trois ans entre 47 et 73 ans

 

Alors ? Je crois que nous pourrions proposer une mammographie de référence à partir de 40 ans et adapter le rythme de la surveillance en fonction des facteurs de risque des femmes en restant dans le cadre du dépistage sur prescription individuelle. Le risque c’est de majorer les inégalités en ne permettant pas ainsi l’accès à toutes les femmes à ce dépistage. Je crois que nous devrions rediscuter de la place du dépistage organisé à partir de 45 ans et du bénéfice risque attendu en débutant le dépistage organisé dès cette tranche d’âge.

Nos autorités de santé prévoient pour 2012 une nouvelle expertise sur le dépistage organisé dès 40 ans.

(1) Yaffe MJ Radiology 2011 volume 258 N° 1 98-105


[*] Il s’agit de projections de « dégats » théoriques à faibles doses réalisées à partir des dégats observés après irradiations massives (Hiroshima…). On ne sait pas si ces projections reflètent vraiment la réalité.

Pour info : Il semble d’après une étude récente du docteur Catherine Colin à Lyon (thèse de science) que les lésions du génome soient plus importantes en cas de répétition rapide de l’exposition (clichés complémentaires). Les lésions génomiques seraient également plus dangereuses d’un point de vue carcinogénèse avec des rayons X de faibles énergie (diffusé…).

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.