Consultation d’Oncogénétique pour les prédispositions héréditaires au cancer du sein et de l’ovaire : évolutions médicales, techniques et règlementaires en 2013

L’organisation de la consultation d’oncogénétique

La consultation d’oncogénétique est, à ce jour, le passage obligé entre le médecin spécialiste ou généraliste et la réalisation d’un diagnostic mutationnel sur les gènes de prédisposition aux cancers, en particulier du sein et de l’ovaire. Cette consultation spécialisée garantit une analyse optimale de l’histoire personnelle et familiale de la patiente, une indication adaptée du diagnostic mutationnel, une interprétation précise des résultats, ainsi que leur exploitation au niveau familial. Le volume de ces consultations a augmenté de façon considérable depuis 10 ans grâce aux dotations de l’INCA, néanmoins le délai d’attente reste parfois long dans certaines structures. Les consultations sont pluridisciplinaires car elles comprennent, outre l’oncogénéticien, un(e) psychologue et un(e) conseiller(e) en génétique.

Le contexte pathologique ou pré-symptomatique

La consultation peut être destinée à identifier, chez une personne ayant développé une tumeur, une prédisposition héréditaire suspectée par le médecin qui adresse la patiente. On connait les éléments qui font suspecter la prédisposition héréditaire dans la famille de la patiente: jeune âge de survenue de la tumeur (surtout pour le sein avant 35 ans), bilatéralité, cas multiples de cancers du sein dans la même branche familiale, d’autant plus qu’ils sont de survenue avant 50 ans, antécédents de cancer de l’ovaire personnels et familiaux (de type invasif, non mucineux et non border-line), cancer du sein chez l’homme. La consultation va s’attacher à rassembler les informations les plus précises possibles sur les différents antécédents pathologiques.

Au terme de l’analyse individuelle et familiale, la décision de rechercher, ou non, une mutation sera prise, prenant en compte la probabilité d’une mutation chez la patiente. Dans certains cas, c’est une apparentée indemne qui vient en consultation en raison de ses antécédents familiaux, et l’oncogénéticien devra identifier la personne chez qui le test sera le plus informatif et qui sera prélevée si elle accepte cette participation.

Dans d’autres cas, la mutation est déjà identifiée dans la famille et une apparentée (ou un apparenté) indemne vient pour connaître son statut. Ce diagnostic « pré-symptomatique » se fait dans le cadre d’une consultation pluridisciplinaire déclarée à l’Agence de Biomédecine (Article R1131-5 du code de Santé Publique). Il se pratique chez une personne majeure, et comporte un délai de réflexion et un entretien avec le(la) psychologue. Il faut prendre en compte l’étape de la vie ou se situe la personne, se donner le temps de l’explication, en particulier de la différence entre « être à risque » et « être atteint », être à l’écoute, être attentif aux mots choisis. Il ne s’agit pas d’une consultation unique mais d’un processus d’accompagnement.

Le diagnostic mutationnel

La réalisation d’une recherche primaire de mutation sur BRCA1 et 2 prend actuellement quelques mois dans les laboratoires français, et ce délai est en constante diminution grâce aux nouvelles techniques de séquençage à très haut débit en cours d’implantation dans les laboratoires. Ces techniques permettront en outre d’élargir le champ des gènes testés, et d’analyser ces différents gènes de façon groupée, car il est plus simple, avec ces nouvelles techniques, de tester tout le panel de gènes en même temps que de façon itérative. Le bénéfice, pour la patiente, sera une analyse plus exhaustive de la prédisposition héréditaire. L’écueil de cette multiplication d’analyses sera la possibilité de trouver un grand nombre de « variants » dont la signification pathologique pourra être difficile à préciser. L’expérience du laboratoire et de l’oncogénéticien sera ici cruciale pour affiner l’interprétation.

Lorsque la mutation est déjà connue dans la famille, l’analyse ciblée prend environ 1 mois, et est réalisée sur deux échantillons indépendants.

 

Remise des résultats de l’analyse et prise en charge

La remise des résultats est une étape cruciale et délicate de la démarche diagnostique en oncogénétique. Elle est réalisée par l’oncogénéticien(nne) et sera, si possible, associé à une consultation avec le(la) psychologue. L’annonce d’une mutation chez une personne atteinte est un moment difficile car il intervient dans des contextes personnels et familiaux déjà lourds. Les conséquences du résultat porteront sur la prise en charge, notamment chirurgicale (argument pour mastectomie en cas de mutation) mais aussi sur le choix du traitement, car les tumeurs de l’ovaire liées à BRCA1 et 2 ont montré leur sensibilité aux sels de platine. Les résultats de l’essai thérapeutique en cours avec un inhibiteur mixte de PARP1 et 2 (Veliparib), qui constitue un traitement spécifique des tumeurs ovariennes liées à BRCA1 et 2, et publiés fin juin 2013, sont suffisamment encourageants pour que l’essai soit poursuivi.  Le suivi de la patiente, en cas de mutation, sera celui prescrit pour le type de tumeur présenté par la patiente, associé à celui préconisé pour les patientes à haut risque d’origine génétique. L’oncogénéticien doit en outre convaincre la patiente d’informer ses apparentés de la mutation pour permettre la réalisation des diagnostics pré-symptomatiques. Depuis le décret 2013-527 du 20 juin 2013, il devient obligatoire d’informer sa famille (sa parentèle pour employer le terme consacré) de l'existence d'un risque de cancer héréditaire. En effet, ce décret fait obligation à la personne porteuse d'une mutation génétique à l'origine d'un cancer d’origine héréditaire, ou à son médecin, d'en informer les apparentés concernés. Ce décret est un changement radical qu’il faudra savoir faire entrer en pratique sans heurter les patient(e)s.

En ce qui concerne les résultats chez les personnes asymptomatiques, ce sont les plus délicats à annoncer sur le plan psychologique lorsqu’ils montrent la présence de la mutation. L’accompagnement psychologique est ici essentiel. L’annonce de l’absence de la mutation est accueillie avec beaucoup de soulagement, mais il est parfois vécu de façon négative, car il faut que la personne  « guérisse du risque », et cela peut prendre du temps.

L’INCA a créé, à travers la France, plusieurs Centres de Suivi Pluridisciplinaires chargés de la prise en charge des personnes porteuses de prédispositions héréditaires au cancer, dédiés soit au digestif, soit au syndrome sein/ovaire. Ils sont chargés de délivrer des programmes de suivi personnalisés pour chaque patiente, en fonction de son risque génétique, de son âge, de l’étape de la vie génitale où elle se situe, et de son histoire personnelle et familiale. La poursuite du dépistage régulier est un élément essentiel de la diminution du risque associé aux mutations des gènes de prédisposition, et cette surveillance se fera en synergie entre le médecin généraliste, le spécialiste et le Centre de Suivi. Les résultats des études de suivi démontrent la supériorité nette des interventions prophylactiques (mastectomie, annexectomie) sur la survie pour les porteuses de mutations BRCA1 et 2. De nouvelles stratégies apparaissent. Par exemple, l’ablation de la trompe épargnant l’ovaire est proposée comme alternative à l’annexectomie préventive mais il n’y a pas de recul suffisant pour juger des résultats et des essais sont en cours. Le principe de cette intervention repose sur l’observation que la tumeur annexielle a très souvent pour point de départ la trompe. L’essai LIBER permettra d’évaluer l’intérêt du traitement préventif du cancer du sein par anti-aromatase chez les femmes ménopausées et porteuses de mutation BRCA1 ou 2.

 

L’oncogénétique bénéficie de progrès constants, que ce soit pour le diagnostic moléculaire des prédispositions, les progrès en imagerie, l’arrivée des traitements spécifiques, préventif ou curatif, et l’évaluation des chirurgies plus limitées.

 
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