Prise en charge et morbidité de l’appendicite au cours de la grossesse : à propos de 7000 cas

L’appendicite est la plus fréquente des urgences digestives au cours de la grossesse. Son diagnostic est difficile car la grossesse modifie les signes cliniques habituellement rencontrés.

L’incidence observée au cours de la grossesse, de l’ordre de 1/1500, est similaire à celle de la population générale (1).

Une grande étude américaine a comparé les données des registres nationaux de 7114 parturientes et 35570 patientes non enceintes, ayant eu une appendicite entre 2003 et 2010. L’objectif de l’étude est d’évaluer la prise en charge et la morbidité de  l’appendicite chez les patientes enceintes et non enceintes. A ce jour, il s’agit de la plus grande cohorte de cas d’appendicites au cours de la grossesse.

L’incidence rapportée était de 101.1 cas d’appendicites pour 100 000 naissances.

La morbi-mortalité maternelle de l’appendicite est différente chez les parturientes comparativement aux patientes non enceintes :

  • le taux de mortalité était de 1/7114 (similaire à la littérature) chez les parturientes et 8/35580 chez les patientes non enceintes (2).
     
  • le taux de péritonite appendiculaire retrouvé chez les patientes enceintes était de 20.3 % contre 16.1 % chez les patientes non enceintes (OR ajusté = 1.3 ([IC95% 1.2-1.4]). Ces résultats concordent avec l’étude de Mc Gee (3).

Ce taux élevé est en partie dû aux difficultés diagnostiques qui amènent à un certain retard à la prise en charge.

  • parmi les patientes enceintes avec une appendicite ou une forme compliquée à type de péritonite appendiculaire, on constatait une augmentation  significative de sepsis, de pneumopathie, d’occlusion intestinale aigue et d’infection postopératoire. Les transfusions étaient significativement plus nombreuses, et la durée de séjour hospitalier était aussi significativement prolongé dans le groupe parturientes (supérieure à 3 jours) de durée de séjour supérieure 3 jours.
     
  • le taux de coelioscopie était 2 fois plus faible et le taux de laparotomie 2 fois plus élevé dans le groupe parturientes.
     
  • le traitement conservateur était également plus commun en cas de grossesse (OR = 1.3 [IC 95% 1.2-1.5]). En cas de traitement conservateur, il y avait une augmentation significative de la morbidité maternelle en terme de sepsis sévère (OR 6.3 [IC95%, IC 1.9-20.8]), de péritonite (OR=1.6  [IC95%, IC 1.3-2.1]) et d’épisode thrombo embolique (OR=2.5 [IC95%, IC 0.9-7.4]).

Plusieurs éléments n’ont pas pu être évalués dans cette étude, étant donné qu’il s’agissait d’un recueil rétrospectif de données de registres nationaux : ainsi, l’âge gestationnel n’était pas spécifié  au moment du diagnostic, et l’incidence en fonction du trimestre de gestation n’a pas été évaluée.  Par ailleurs, les cas d’appendicite dans le post partum n’ont pas été  pris en compte. Enfin, seules les complications ayant eu lieu en cours d’hospitalisation ont été rapportées.

Le taux de laparotomie deux fois plus élevé entre les deux groupes est retrouvé également dans d’autres études (2); cependant l’âge gestationnel au moment de la chirurgie n’était pas connu dans cette étude.

Dans la population générale, la coelisocopie est la voie d’abord principale du fait de ses nombreux avantages: baisse du temps opératoire, baisse des complications post opératoires, moins de risques d’infectione et raccourcissement du temps de séjour.

Au cours de la grossesse, la coelioscopie était associée à une incidence plus élevée d’accouchement prématuré avant 37 SA (4).

Concernant le traitement conservateur, cette étude est la première à démontrer les inconvénients de celui-ci en cas d’appendicite aigue, avec une différence significative en termes de morbidité maternelle et de sepsis sévère. Quatre cent patientes ont bénéficié de ce traitement dans cette étude (5). Ces résultats sont à pondérer avec la méta-analyse de Varadhan de 2012 qui montrait une diminution des complications de 31% avec un traitement antibiotique bien conduit; en revanche, il n’y avait pas de différence significative en termes de durée d’hospitalisation ou de morbidité liée à cette pathologie (6).

Au total, la grossesse rend difficile le diagnostic d’appendicite. Une forte suspicion clinique et échographique doit conduire à une appendicectomie de préférence par voie coelioscopique afin d’éviter l’évolution vers des complications plus graves mettant en jeu le pronostic materno-foetal. Le traitement conservateur doit être évité en raison d’un taux plus élevé de sepsis sévère, de péritonite et d’accident thromboembolique. La prise en charge doit être rapide et assurée par une équipe multidisciplinaire.

 

 

Pour en savoir plus :

  1. Mourad J, appendicitis in pregnancy, Am J obstet 2000
  2. Silvestri MT, Pettker CM, Brousseau EC, Dick MA, Ciarleglio MM, Erekson EA. Morbidity of appendicectomy and cholecystectomy in pregnant and non pregnant women. Obstet Gynecol 2011; 118:1261-70.
  3. McGee TM. Acute appendicitis in pregnancy. Aust N Z J Obtset Gynaecol 1989
  4. Walsh CA, Tang T, Walsh SR. Laparoscopic versus open appendicectomy in pregnancy: a systematic review. Int J surg 2008; 6:339-44
  5. Andersson RE, Petzold MG. Non surgical treatment of appendiceal abscess or phlegmon; a systematic review and meta-analysis. Ann Surg 2007; 246:741-8.
  6. Varadhan KK, Neal KR, Lobo DN. Safety and efficacy of antibiotics compared with appendicectomy for tretment of uncomplicated acute appendicitis: meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2012; 344:e2156

 

Abbasi N, Patenaude V, Abenhaim HA. Management and outcomes of acute appendicitis in pregnancy—population-based study of over 7000 cases. BJOG 2014; 121:1509–1514.

 
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