Du dépistage au traitement de la dépression pendant la grossesse

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On estime à 13% la fréquence d'épisodes dépressifs majeurs pendant la grossesse (selon les critères internationaux du DSM IV*). Le principal facteur de risque de cette pathologie est un antécédent personnel de dépression.

Les conséquences de la dépression pendant la grossesse sont un handicap quotidien (notamment ce qui concerne les soins pré-nataux), une alimentation inadaptée, une consommation d'alcool, de tabac (ou d’autres toxiques), ainsi que les conduites auto-agressives pouvant aller jusqu’au suicide. 

Toute femme enceinte devrait bénéficier d’une évaluation à la recherche d’une dépression ou des facteurs de risque : antécédent personnel et/ou familial, trouble bipolaire, maltraitance dans l’enfance, multiparité, tabagisme, âge inferieur à 20 ans, violence conjugale ou encore l’isolement social.

Une prise en charge multidisciplinaire est recommandée et le traitement doit être graduel selon l'intensité des symptômes et la durée des troubles.

Les symptômes dépressifs d'intensité légère à modérée et de début récent (moins de deux semaines) doivent bénéficier d’une surveillance accrue, de conseils non directifs, ainsi que d’une incitation à l'exercice physique. Si aucune amélioration n'est constatée après deux semaines, une psychothérapie (Cognitivo-comportementale ou thérapie interpersonnelle) est alors préconisée.

La psychothérapie est recommandée d’emblée chez les femmes enceintes atteintes de dépression modérée.

L’usage des anti-depresseurs chez la femme enceinte est controversé en raison des effets secondaires retrouvés dans des études de cohortes et de cas-témoins (augmentation du risque de diabète gestationnel, de pré-éclampsie, de rupture prématurée des membranes, de prématurité, de césarienne, d’avortement spontané, de malformations congénitales, et de complications néonatales). A noter que ces complications peuvent être celles de la dépression elle-même et des comportements associés (consommation d'alcool, de drogue, non-observance aux soins pré-nataux). Il semblerait que les Inhibiteurs de la Recapture Séléctifs de la Sérotonine (IRSS) – à l’exception de la paroxétine-  soient à l’origine de moins moins d’effets secondaires que les Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline (IRSNA) ou les tricycliques.

La prescription d’un ISRS est indiquée lorsque la psychothérapie est inaccessible ou inefficace, lors des dépressions sévères ou d’antécédent de dépression sévère, et lorsqu’une chimiothérapie par antidépresseurs s'est révélée efficace par le passé.

Le choix des patientes et la nécessité d'une réponse rapide sont également de bonnes raisons de choisir l'ISRS d'emblée. Cependant l’association d’anti-dépresseur et de la psychothérapie est souhaitable d’emblée pour les dépressions sévères.

On manque actuellement d’études de haut niveau de preuve comparant l'efficacité des thérapies cognitivo-comportementales, des psychothérapies interpersonnelles et des anti-dépresseurs dans la dépression de la femme enceinte. D'autres études sur les effets secondaires fœtaux et post-nataux des anti-dépresseurs (et sur la confusion de ces effets et de ceux de la dépression) sont également nécessaires pour mieux traiter une pathologie fréquente, et qui peut être lourde de conséquences.

* Critères DSM IV d’un Épisode Dépressif Majeur :

A - présenter au moins cinq symptômes sur neuf qui durent depuis au moins deux semaines :

  1. Humeur dépressive,
     
  2. diminution de l’intérêt et du plaisir,
     
  3. perte d’appétit et de poids d’au moins 5 % par mois,
     
  4. insomnie ou hypersomnie (plus rare),
     
  5. agitation ou retard au niveau psychomoteur,
     
  6. fatigue et perte d’énergie,
     
  7. sentiment de culpabilité ou manque de valorisation de soi,
     
  8. trouble de concentration,
     
  9. pensée de mort et de suicide.
  • B  ces symptômes provoquent une détresse chez la personne ou une diminution du fonctionnement au niveau social ou au travail,
     
  • C ces symptômes ne sont pas reliés à l’utilisation de médicaments ou d’une substance ni à un problème médical,
     
  • D les symptômes ne sont pas le résultat d’un deuil.

 

Donna E. Stewart. Depression during Pregnancy. N Engl J Med 2011; 365:1605-1611  
 

Kupfer D, Frank E, Phillips M. Major depressive disorder: new clinical, neurobiological, and treatment perspectives. Lancet 2012; 379: 1045–55

 
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