Anesthésie chez le patient obèse

Nous sommes amené à prendre en charge régulièrement des patientes avec indice de masse corporelle élevés (IMC) en parcours de PMA , et cela en vue de ponctions ovocytaires. Même s’il s’agit d’une chirurgie à risque cardiovasculaire faible [1] (selon la classification 2022 de la société européenne de cardiologie), l’anesthésie générale ne peut être envisagée de façon systématique chez ces patientes, pour les raisons qui vont suivre.

 

Au premier plan, les complications respiratoires :

L’épisode de désaturation artérielle en oxygène, lors de l’induction anesthésique, est un évènement bien connu des médecins travaillants au bloc opératoire. En effet, ce phénomène est lié à un défaut d’oxygénation du patient lorsque celui ci est en période d’apnée sous l’effet de drogues anesthésiques. La patiente obèse est particulièrement exposé à ce risque, puisqu’il présente une consommation accrue en oxygène (activité métabolique de l’excès de graisse), une insuffisance de réserve en oxygène (diminution des volumes pulmonaires, notamment de la capacité résiduelle fonctionnelle), et un risque d’allongement de la période d’apnée par difficulté d’accès aux voies aériennes (risque de ventilation et d’intubation difficile).

La période post opératoire n’est pas moins à risque, une détresse respiratoire peut survenir suite à la formation datélectasies [2] (risque majoré chez la patiente obèse) et l’association fréquente d’une obstruction des voies aériennes [3] (30 à 70 % des patientes obèses présentent un syndrome d’apnée du sommeil).

 

Au second plan, mais toutes aussi importantes :

L’obésité est associée à de nombreuses comorbidités cardiovasculaires comme l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète de type 2, pouvant conduire à un risque de maladie coronarienne, parfois asymptomatique. Memes si les patientes entrant dans un parcourt de PMA sont jeunes, une évaluation préopératoire du risque cardiaque est nécessaire afin de prévenir l’apparition d’un dommages myocardique post opératoire (MINS pour Myocardial Injury after Noncardiac Surgery).

Sur le plan gastro-intestinal, les facteurs de risque d’inhalation gastrique sont présents. En effet le RGO est plus fréquent et corrélé à lIMC [4] (par hypotonie du sphincter de l’oesophage, voire la présence d’une hernie hiatale). Les patients porteurs d’anneau gastrique ou aux antécédents de chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie, by-pass gastrique) sont à haut risque d’inhalation par altération de la vidange gastrique, et cela même si la période de jeun préopératoire a été respectée.

 

Obésité et grossesse :

Il est interessant de noter que les risques évoqués précédemment sont majorés chez la parturiente, du fait des modifications physiologiques sur la fonction ventilatoire ,hémodynamique  et digestive, induites par la grossesse. Par ailleurs, lincidence postopératoire de thrombose veineuse est dix fois plus élevée chez les femmes obèses que chez les femmes non obèses [5], de la même façon l’hypercoagulabilté liée à la grossesse majore ce risque.

 

Pour conclure :

La consultation d’anesthésie est le moment clé pour décider d’une stratégie anesthésique. Elle permet d’estimer le degré d’obésité, de relever les comorbidités associées et de documenter l’existence d’anesthésies antérieures (recherche de complications éventuelles).

Les alternatives à l’anesthésie générale peuvent être discutées avec la patiente (anesthésie locale pure associée à une prémédication par antalgique, anesthésie locale associé à une sédation vigile, anesthésie locorégionale de type rachianesthésie). Les bénéfices-risques de chaque technique doivent être expliqué en prenant compte du niveau d’appréhension de la patiente.

La difficulté de réalisation du geste par le gynécologue (notamment présence d’endométriose, difficulté d’accès aux ovaires, voie d’abord trans-vaginal vs. trans-abdominale, longueur du geste), ainsi que la présence d’un syndrome d’hyperstimulation  ovarienne sont des facteurs à prendre en compte pour la technique d’anesthésie.

Si une anesthésie générale savère indispensable, lutilisation de médicaments facilement réversibles, daction rapide et de levée daction rapide, sont les agents de choix pour linduction chez les patientes obèses.

 

Références:

[1]  S, Mehilli J, Cassese S, Hall TS, Abdelhamid M, Barbato E, et al. 2022 ESC guidelines on cardiovascular assessment and management of patients undergoing non-cardiac surgery. Eur Heart J 2022;43:3826-924.

[2] De Jong A, Futier E, Millot A, Coisel Y, Jung B, Chanques G, Baillard C, Jaber S: How to preoxygenate in operative room: Healthy subjects and situations "at risk". Ann Fr Anesth Reanim 2014, 33(7-8):457-461.

[3] De Jong A, Molinari N, Pouzeratte Y, Verzilli D, Chanques G, Jung B, Futier E, Perrigault PF, Colson P, Capdevila X et al: Difficult intubation in obese patients: incidence, risk factors, and complications in the operating theatre and in intensive care units. Br J Anaesth 2015, 114(2):297-306.

[4] Jacobson BC, Somers SC, Fuchs CS, Kelly CP, Camargo CA, Jr.: Body-mass index and symptoms of gastroesophageal reflux in women. N Engl J Med 2006, 354(22):2340-2348.

[5] L, Sweetland S, Balkwill A, Green J, Reeves G, Beral V: Body mass index, surgery, and risk of venous thromboembolism in middle-aged women: a cohort study. Circulation 2012, 125(15):1897-1904.