La santé pour tous en infertilité *

L'Organisation Mondiale de la Santé a lancé une alerte concernant l'augmentation des maladies cardio-vasculaires (MCV) pour les 20 prochaines années.

En médecine de la reproduction, les professionnels de santé prennent en charge une période capitale : la préconception.

Il a été constaté chez l'homme l'augmentation du cancer du testicule et d'autres cancers ; ainsi, les cancers sont la 1ère cause de décès et les maladies cardio-vasculaires constituent la deuxième cause de décès en France (INSEE 12/07/2023).

Chez la femme

Les maladies cardiovasculaires sont en augmentation et particulièrement avant 50 ans, et il est actuellement la première cause de décès (INSEE 2023, FFC).

Les MCV sont la 1ère cause de décès chez la femme dans le monde et dans les pays industrialisés (2) : 52 % des femmes en Europe décèdent d'une maladie cardio-cérébro-vasculaire, soit 6 fois plus de décès que le cancer du sein au Canada et en France. L'infarctus du myocarde est en 1ère position, et l'AVC est en augmentation depuis 20 ans. Chaque jour, elles tuent 200 femmes en France et 25 000 dans le monde.

De nombreux retards de diagnostic et de prise en charge sont liés au fait que les femmes ne se sentent pas concernées par ces maladies, qui sont de ce fait insuffisamment dépistées. Pourtant, 8 accidents cardio-vasculaires sur 10 sont évitables avec une information, une éducation à la santé et un dépistage dédié.

Ainsi, le dépistage insuffisant des facteurs de risque et les symptômes souvent atypiques entraînent des errances diagnostiques avec des retards dans les prises en charge.

Une accumulation des facteurs négatifs pour le cœur et les artères va ainsi se mettre en place : tabac, stress psycho-social, précarité, sédentarité, surmenage, alimentation déséquilibrée, surpoids, obésité, diabète, au fil des années, créant une synergie destructrice, mettant en danger les femmes de plus en plus jeunes : la mortalité par maladie cardiovasculaire touche de plus en plus de femmes jeunes, avec 17 % de mortalité entre 30 et 49 ans.

En France, plus de cent cinquante mille femmes ont recours aux traitements de l'infertilité chaque année chez des patientes entre 25 et 43 ans. Au cours de la dernière décennie, le recours au traitement de l’infertilité est devenu de plus en plus tardif : ce taux ayant augmenté de 24 % chez les femmes de 34 ans ou plus. (INED) (10)

Les risques spécifiques vont s’y ajouter : grossesses de plus en plus tardives, endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, insuffisance ovarienne.

Ces facteurs de risque peuvent pourtant être dépistés et devraient être mis en place lors de la consultation de gynécologie générale et tout particulièrement au cours du parcours d’infertilité afin de prendre en charge les facteurs existants et souvent associés aux modes de vie.

Le rôle de l’endométriose : Il s’agit d’une maladie inflammatoire chronique (5) (6), et dans ce contexte les chercheurs s’intéressent au lien potentiel cardio-vasculaire à long terme.

Dans une étude publiée dans la prestigieuse revue Stroke en 2022 (4), la relation entre la présence d’une endométriose prouvée (par chirurgie) et le diagnostic d’AVC a été analysée.

Ainsi, les données de 112 056 femmes, âgées de 25 à 42 ans, ont pu être analysées à partir de l’importante étude épidémiologique des infirmières américaines (Nurse Health Study II), suivies entre 1989 et 2017, Les investigateurs ont d’abord identifié les femmes atteintes d’AVC lors de leur suivi (893 femmes) puis ils ont calculé le risque de sa survenue en fonction de la présence d’une endométriose comparativement à des femmes sans endométriose.

Les résultats montrent qu’en cas d’endométriose, le risque d’AVC est 34 % plus important par rapport aux femmes n’ayant jamais souffert d’endométriose. De plus, les auteurs constatent que cette association est identique quel que soit l’âge, l’histoire éventuelle d’infertilité, l’indice de masse corporelle ou le statut ménopausique.

L’Insuffisance ovarienne Les résultats montrent que en cas de ménopause très précoce (appelée maintenant insuffisance ovarienne prématurée), c’est-à-dire avant l’âge de 40 ans, le risque de démence (quel que soit l’âge de survenue de cette dernière) est 35 % plus important par rapport aux femmes ménopausées à l’âge normal. De plus, en cas de ménopause avant l’âge de 45 ans, le risque de démence survenant avant l’âge de 65 ans est aussi 30 % plus élevé.

La ménopause précoce < 45 ans est associée à une augmentation de 66 % du risque d’évènements coronariens sévères, avec une augmentation d’ostéoporose et de troubles cognitifs.

Le syndrome des OPK Il associe une perturbation métabolique, surpoids et obésité dans la plupart des cas. Les grossesses sont le plus souvent associées à un risque augmenté de pré-éclampsie. Ainsi le syndrome OPK serait associé à un risque de maladie cardiovasculaire ultérieur, entre autres.

La prise en charge du syndrome métabolique de l’OPK reste essentielle au cours de la prise en charge en infertilité qui permettra d’améliorer le pronostic de la grossesse et éviter les conséquences vasculaires.

Le rôle des techniques d’AMP et les complications vasculaires

Depuis plusieurs années, on observe une nette augmentation des transferts d'embryons congelés, en particulier en traitement hormonal substitutif (THS). Les études actuelles montrent une augmentation des complications obstétricales, telles que des anomalies de la placentation, une hypertension artérielle (HTA) et la prééclampsie (7) (8). La prééclampsie est un facteur de risque majeur pour la santé des femmes et pourrait conduire à une augmentation du risque de maladies vasculaires ultérieures.

Ainsi, l'absence du corps jaune, ayant comme conséquence l'absence de relaxine (9) et d'autres facteurs endothéliaux tels que le VEGF, serait responsable des complications vasculaires des grossesses obtenues après décongélation d'embryons en cycle THS. Ces complications seront d'autant plus importantes si la tactique du THS est associée à un syndrome OPK, ou en présence d'une endométriose, qui sont des facteurs à risque de MCV ou chez une patiente hypertendue.

Chez l'homme

Des publications récentes montrent chez l'homme infertile :

  • Un lien entre l'infertilité masculine et la mortalité précoce des hommes.
  • Un risque accru d'hospitalisation.
  • 10% des hommes infertiles présenteront une pathologie grave dans les 10 ans qui suivent la prise en charge en médecine de la reproduction : augmentation des cancers (prostate), maladies cardiovasculaires, maladies métaboliques, maladies immunitaires. Il existerait un lien entre la diminution du nombre des spermatozoïdes et la mortalité.

En effet, il existe par ailleurs des liens entre les anomalies du sperme et les modes de vie : les troubles du sommeil (apnée, ronflements), le tabac, l'alcool, le cannabis, le surpoids, la sédentarité, une alimentation déséquilibrée. On constate que ce sont les mêmes facteurs qui participent à augmenter le risque cardiovasculaire et oncologique (risque de cancer des voies respiratoires) et qui altèrent la fécondité.

L'importance du dépistage en infertilité est capitale, car il existe des facteurs associés modifiables.

En conclusion

La détection des facteurs de risque chez des femmes et des hommes consultant en infertilité devrait faire partie intégrante de la consultation afin de prévenir des complications futures, tant au cours de la grossesse que sur la santé à long terme.

Les actions de communication avec d'autres spécialistes, dans le contexte d'une médecine transversale, permettraient de réaliser une meilleure prévention de leur santé ultérieure.

(°) LA SANTÉ POUR TOUS EN INFERTILITÉ : W. AKAKPO, F. LAMAZOU, A. MEKINIAN, O. HOFFMAN, S ALVAREZ. PRÉVENTION POSITIVE MÉDECINE TRANSVERSALE

TABLEAU 1

INFERTILITE : PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUE ET MCV

Cholestérol

HTA

Obésité/surpoids

Antécédent de prééclampsie

Diabète

Tabac

Sédentarité

Stress

Endométriose, IOP, OPK

Troubles de la spermatogénèse et /ou dysfonction érectile

Précarité

Troubles du sommeil

 

 

 

 

Tableau élaborée par S. Alvarez, groupe de travail « La santé pour tous en infertilité »

Communication orale du 17 janvier 2023, Colloque Grand rendez-vous sur la santé des femmes en infertilité.

Tabac : Eur J Cardiovasc Prev Rehabil. 2009
Cholesterol: J Am Coll Cardiol. 2006.
HTA: BEH 2018
Diabète : J Am Coll Cardiol. 2006
Surpoids Obesité : Esteban Santé publique France 2017
Sédentarité : Esteban Santé publique France 2017
Facteurs psychosociaux : Étude Interheart 2004
Pré-eclampsie, DBT gestationnel, HTA : Eur Heart J 2016