Nouvelles recommandations internationales sur le SOPK

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) touche entre 10 et 13 % des femmes en âge de procréer représentant la première endocrinopathie. Le SOPK est une pathologie complexe par ses multiples étiologies et ses différentes présentations cliniques à tous les âges de leur vie. Un retard au diagnostic et une insatisfaction liée à la prise en charge sont souvent observés.

  • Méthodologie

Les recommandations disponibles concernant ce syndrome dataient de 2018 et étaient insuffisantes voire même incohérentes pour les médecins et les patientes. Elles étaient basées sur les meilleures preuves disponibles à cette époque avec généralement des données de faible qualité. La mise à jour de 2023 a repris le réseau de 2018 à travers de multiples sociétés professionnelles et organisations de consommateurs. 71 pays se sont engagés dans le processus de réactualisation. Vingt réunions et cinq forums en face-à-face sur 12 mois ont abordé 58 questions cliniques prioritaires à partir de 52 revues systématiques et 3 revues narratives.

254 recommandations fondées sur des données assez probantes ont été élaborées et approuvées par consensus au sein de cinq groupes de lignes directrices, modifiées sur la base de commentaires internationaux et d'un examen par les pairs, examinées de manière indépendante pour leur rigueur méthodologique et approuvées par le Conseil national de la santé et de la recherche médicale du gouvernement australien (NHMRC).

  • Le diagnostic de SOPK est posé si 2 critères sont retrouvés parmi les suivants : des troubles du cycle, une hyperandrogénie clinique ou biologique, des ovaires dystrophiques à l’échographie.
  • Concernant les troubles du cycle, il est normal que les cycles soient irréguliers la première année voire les 2 années qui suivent la ménarche. Ils ont en revanche pathologiques ultérieurement et doivent faire évoquer le diagnostic de SOPK, y compris durant l’adolescence ! ainsi, méritent une attention particulère :

            - des cycles <21 j ou >45 j entre 1 et 3 ans après la ménarche;

            - des cycles <21j  ou >45 j ou < 8 cycles/ an entre 3 ans post- ménarche et la ménopause;

- tout cycle de plus de 90 jours ou une aménorrhée primaire au-delà de l’âge de 15 ans ou à 3 ans post thélarche.

  • Concernant l’évaluation de l’hyperandrogénie ;

L’hyperandrogénie clinique est définie par un score de Ferriman-Gallwey, évaluant la pilosité, modifié puisque jugé anormal si supérieur ou égal à 4 ou 6 en fonction de l’ethnie. Très souvent les patientes ont recours au rasage ou à l’épilation rendant son évaluation difficile.

L’examen clinique recherche dès l’adolescente la présence d’acné et d’hirsutisme et d’une alopécie chez l’adulte. La présence d’une alopécie ou d’acné isolé sans hirsutisme sont de faibles prédicteurs d’une hyperandrogénie biologique.

La recherche d’une hyperandrogénie biologique impose certaines précautions ;

      - il est recommandé de doser la testostérone totale et libre

      - si la testostéronémie est normale, on peut s’aider du dosage de l’androstènedione et de la SDHEA, dont la spécificité est faible ; la concentration diminue lorsque l’âge augmente.

  • le dosage est possible dès l’adolescence, la concentration adulte étant atteinte à

      l’âge de 12-13 ans.

  • à noter que la contraception estroprogestative (COP) augmente la concentration en

SHBG et réduit la production d’androgènes faussant le dosage de la testostérone. Il sera possible de renouveler les dosages à 3 mois de l’arrêt de la COP.          

  • Le critère échographique, en privilégiant la voie endo-vaginale, est rempli :
  • si l’un des deux ovaires comprend au moins 20 follicules antraux (2-9 mm)
  • si le volume d’un des deux ovaires mesure au moins 10 mL
  • si la section d’un des ovaires comprend au moins 10 follicules.

Il n’est pas recommandé la réalisation d’échographie chez les patientes en pleine adolescence pour éviter des diagnostics par excès, d’autant plus que ce critère n’est pas indispensable au diagnostic.

  • L’ hormone antimüllérienne (AMH) :

Le dosage l’AMH aurait pu être une alternative au critère échographique. Bien que les niveaux d’AMH soient significativement plus hauts chez les adultes et adolescentes atteintes d’un SOPK, dans toutes les études il existe un chevauchement important entre les deux groupes et plus particulièrement chez les adolescentes.

De plus, il n’y a pas de consensus concernant le seuil de concentration minimal de l’AMH, rendant donc son utilisation difficile en pratique.

  • Diagnostics différentiels :

L’exclusion des diagnostics différentiels reste un prérequis au diagnostic de SOPK.

Notons, que chez la femme ménopausée, celui-ci peut être posé a posteriori sur l’histoire clinique. En revanche si elle présente un hirsutisme de novo ou l’aggravation d’un hirsutisme déjà présent ; il est indispensable d’éliminer une tumeur sécrétrice d’androgènes ou de la thèque ovarienne entre autres.

Une des recommandations précise que :

« Lorsque le diagnostic de SOPK est confirmé , toutes les patientes devraient bénéficier d’une information claire, détaillée, personnalisée, et les ressources nécessaires par des professionnels empathiques et respectueux. La prise en charge doit être partagée et validée par la patiente et le professionnel de santé. »

  • La prise en charge globale du SOPK :
  • Encourager une « vie saine » et souvent une perte de poids, avec une alimentation équilibrée et la mise en place d’une activité physique régulière. Ces modifications d’hygiène de vie permettent de prévenir la prise de poids, d’optimiser la fertilité et les facteurs de risque :
  • une alimentation équilibrée en évitant les sucres rapides et les graisses
  • chez les adolescentes il est encouragé de réaliser au moins 60 min de sport d’intensité modérée à haute, avec du renforcement musculaire, en charge et ce 3 fois par semaine.
  • chez les adultes : pour la stabilisation du poids il est recommandé de faire du sport au moins 150 à 300 min d’intensité modérée ou 75 à 150 min de forte intensité (en aérobie) associé à du renforcement musculaire. Pour obtenir une  perte de poids, il faudrait au moins 250 min de sport d’intensité modérée ou 150 min de sport d’intensité vraiment élevée associées à du renforcement musculaire.
  • la chirurgie bariatrique / métabolique mérite souvent d’être discutée au moins. Elle améliore la perte de poids, l’HTA, le diabète, l’hirsutisme, les troubles du cycle, la dysovulation, et la fertilité.
  • les agents amaigrissants, tels que les analogues du GLP1 (liraglutide et ozempic), ou l’Orlistat peuvent être associés à une prise en charge active du mode de vie et aider à la perte de poids.
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  • Dépister et traiter les différentes pathologies associées au SOPK : diabète, maladies cardiovasculaires, SAOS avec :
  • une mesure de la pression artérielle annuelle,
  • un bilan lipidique
  • une évaluation glycémique au diagnostic : une HGPO permettrait d’évaluer le statut glycémique de la manière la plus précise. Si ce test n’est pas réalisable, on peut recourir à la GAJ et/ou la mesure de l’hémoglobine glyquée.
  • l’insulinorésistance est reconnue comme un facteur de risque de SOPK, actuellement les outils de dépistage ne sont pas efficaces et la mesure clinique n’est pas recommandée
  • proposer un dépistage chez les apparentés au premier degré, plus à risques de syndrome métabolique, de diabète de type 2 et d’HTA .
  • en péri ménopause, on note une augmentation du risque d’hyperplasie de l'endomètre et du cancer de l’endomètre, risque qui reste malgré tout bas et ne justifie pas de dépistage systématique.
  • évaluer la qualité de vie et le retentissement psychologique qui peut entrainer un véritable syndrome dépressif dont la prise en charge par des molécules sans impact sur le poids est essentielle.
  • Les traitements médicamenteux :

La 1ère ligne thérapeutique est la COP pour la prise en charge des cycles irréguliers et

l’hyperandrogénie :

  • après vérification de l’absence de contre-indication chez ces patientes ayant souvent des facteurs de risque vasculaire
  • aucune COP n’a montré de supériorité
  • préférer les COP les moins dosées en estrogènes et avec le moins d’effets secondaires
  • il est vivement conseillé d’optimiser la COP par une prise en charge cosmétique.

      La metformine peut être proposée ;

  • son efficacité serait similaire à une prise en charge active du mode de vie mais souvent mal tolérée du fait de symptômes digestifs.
  • la metformine seule serait à considérer chez les adultes avec un IMC >25 kg/m2.
  • il n’y a pas de preuves d’efficacité concernant les patientes à l’IMC <25.
  • chez les adolescentes, la metformine peut être prescrite pour régulariser les cycles, sans grandes preuves non plus.
  • prescrite initialement à 500 mg par jours, puis augmentée progressivement toutes les 1 à 2 semaines à la dose max de 2,5 g/j chez l’adulte, et 2 g/ j chez l’adolescente
  • l’association metformine à la COP montre un maximum de bénéfice s’il y’a un haut risque métabolique : IMC >30, FR de diabète, intolérance au glucose, FR ethnique.
  • par ailleurs, si la patiente présente une contre-indication ou une intolérance à la COP, la metformine serait une alternative pour la régularisation des cycles, mais n’aura pas d’action sur l’hirsutisme.

La spironolactone à 25-100 mg/ jour sous couvert d’une contraception efficace, qui semble avoir peu d’effets secondaires ;

      En cas de contre-indication aux estrogènes, les pilules progestatives peuvent être utilisées.

      Le finasteride, le flumatide et le bicalutamide ont une toxicité hépatique à ne pas négliger.

      L’inositol peut être envisagé :

  • sous toutes ses formes,
  • avec peu d’effets secondaires,
  • permettant une amélioration du syndrome métabolique,
  • mais avec des bénéfices limités au niveau de l’ovulation, du poids et de l’hirsutisme

Le laser épilatoire :

  • est efficace sur la réduction de la pilosité dans certains sous-groupes,
  • un traitement par laser associé à la COP (+/- TTT anti androgène)  est fortement recommandé.
  • La fertilité

Les grossesses spontanées sont possibles ! Un recours à une conception efficace est impérative en l’absence de souhait de grossesse. On note :

  • un risque augmenté de prise de poids importante, de fausses couches, de diabète gestationnel, d’HTA gravidique, de pré-éclampsie, de RCIU, de prématurité, et de césarienne.
  • une planification préconceptionnelle de la grossesse s’impose de manière à optimiser la prise de poids, la tension artérielle, la dépendance au tabac et à l’alcool, adapter le régime, supplémenter en folates, d’autant plus si l’IMC est supérieur à 30.

Comme pour toute patiente accédant à la PMA avant d’initier les thérapeutiques : il faudra éliminer une pathologie tubaire ou masculine.

      L’induction d’ovulation : 

  • préférentiellement par létrozole chez les patientes sans autres facteurs d’infertilité, bien que cette molécule soit contre-indiquée dans de nombreux pays. Son efficacité serait supérieure à l’acétate de clomifène en améliorant les taux d’ovulation, le nombre de grossesses et de naissances.
  • la metformine pourrait aussi être utilisée seule chez les patientes présentant uniquement des troubles de l’ovulation.
  • l’acétate de clomifène reste cependant supérieur à la metformine, avec cependant un risque de grossesses multiples non négligeable imposant un monitoring particulier.
  • l’association acétate de clomifène et metformine serait à privilégier à l’acétate de clomifène seul ou à la metformine seule .
  • en deuxième ligne se placent les gonadotrophines ainsi que la chirurgie ovarienne qui toutes deux nécessitent une excellente maitrise.
  • la chirurgie ovarienne par voie laparoscopique est une solution pour les patientes non répondeuses à l’acétate de clomifène et qui n’ont pas d’autres facteurs d’infertilité.
  • par ailleurs si l’utilisation d’agoniste de la GnRH semble se faire sur une longue période, on pourra y associer de la metformine.
  • en 3ème ligne de traitement, la FIV avec potentiellement une maturation in vitro. Étant donné les risques liés à la grossesse et aux complications, on privilégie alors le transfert d’un embryon unique

Dans l’ensemble, en 2023, de nouvelles recommandations sont proposées mais restent généralement issues de données de qualité faible à modérée. Elles semblent élargir les critères diagnostiques…aboutissant surement à une surestimation avec des surdiagnostics avec toutes les conséquences psychologiques et d’excès thérapeutiques qu’ils peuvent générer.  

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Teede HJ, Tay CT, Laven JJE et al. Recommendations from the 2023 international evidence-based guidelines for the assessment and management of polycystic ovary syndrome. J Clin Endocrinol Metab. 2023;108:2447-2469.