Les facteurs de risque cardio-vasculaire chez la femme : quelles nouveautés ? quelles spécificités ?

Aujourd’hui en France et en Occident, les femmes décèdent principalement de pathologies cardiovasculaires. En France, ces maladies cardiovasculaires sont responsables de 51,4 décès pour 100 000 femmes de 35 à 74 ans, dont 11,9liés à la maladie coronaire (1). Dans les différents travaux publiés s’intéressant aux disparités de sexe dans l’Infarctus du myocarde (IDM), force est de constater que les femmes présentent plus de facteurs de risque (FdR) et de comorbidités (2). Jusqu’à présent, on retrouve une entrée des femmes dans la maladie coronaire 5 à 10 ans plus tard que les hommes.  Cependant, depuis 2008, Santé Publique France reporte une augmentation de 5% tous les ans du nombre de femmes admises pour un IDM avant l’âge de 60 ans (3). Comment expliquer cette explosion épidémiologique ? Une partie est liée à l’amélioration des diagnostics, grâce à l’utilisation plus large de la troponine. Toutefois il existe une progression nette des FdR cardiovasculaires : d’une part ceux dit « traditionnels », ceux-ci sont non seulement de plus en plus fréquents chez les femmes mais ont un impact bien plus sévère. De plus, d’autres FdR, ceux-là spécifiques aux femmes, ont été reconnus comme étant bien associés à l’augmentation de la survenue des maladies cardiovasculaires (4). Jusqu’à récemment les FdR étaient divisés en non modifiables : âge, hérédité et sexe (encore que) et modifiables :  diabète, tabac, hypertension artérielle et dyslipidémie. A présent, ces FdR ont été non seulement élargis et doivent être à considérés en fonction du sexe et du genre entre ceux communs et ceux spécifiques au sexe (Table 1).

On constate qu’au sein de ceux dits communs (colonne de gauche) sont apparus des « nouveaux » FdR, dit émergents (en italique) : tels les facteurs psycho-socio-économiques, les troubles dépressifs, la mauvaise littératie en santé qui, comme ceux plus traditionnels, touchent les deux sexes mais avec une prévalence et un retentissement sur le risque cardiovasculaire plus péjoratif chez les femmes. Il faut également noter dans cette colonne, les FdR qui ont une surreprésentation féminine tels la migraine avec aura et les maladies inflammatoires chroniques, notamment rhumatismales ou auto-immunes. Ces pathologies sont à présent à considérer comme d’authentiques amplificateurs du risque cardiovasculaire : ils multiplient par 1.5 le Score du risque cardiovasculairetels que récemment mis à jour par la société européenne de cardiologie (5).  Ce SCORE2 permets d’estimer à 10 ans le risque d’évènement cardiovasculaire fatals ou non selon le niveau de risque global de la population (la France fait partie des régions à bas risque) mais n’inclus comme critère que le sexe, l’âge, la pression artérielle systolique, le tabagisme (actif ou non) et le taux de non HDL-cholestérol.

Grace aux collaborations entre gynécologues, obstétriciens et cardiologues, il a été mis en évidence ces dernières années un impact significatifs des pathologies gynécologiques comme le SOPK mais également l’endométriose sur la survenu des maladies cardiovasculaires. Est-ce d’authentiques FdR ? ou des marqueurs associés à un risque ? Des études de physiopathologie et des suivis prolongés permettront d‘éclairer ce point. De la même façon, le suivi rapproché des patientes ayant présenté une complication de grossesse, quelle qu’elle soit de l’éclampsie au diabète gestationnel, a montré non seulement l’augmentation d’incidence de FdR classiques comme HTA et diabète, mais également de manière indépendante de ceux-ci, un excès d’évènements cardiovasculaires, souvent de manière prématurée, c’est-à-dire avant l’âge moyen de survenu de ces pathologies. Ainsi, au décours d’une de ces complications, à considérer au sens très large, un suivi rapproché est recommandé afin de dépister précocement un FdR, HTA et Diabète, d’informer sur les risques cardiovasculaires et d’optimiser les paramètres d’hygiène de vie (5). De plus, la contraception oestro-progestative peut constituer un FdR d’évènement non seulement thromboembolique veineux mais également artériel, notamment en cas de contre-indication : c’est-à-dire prescrit alors qu’existe un voire plusieurs FdR : en particulier en cas de tabagisme (actif et indépendamment de la quantité), d’obésité ou après 35 ans.  Les femmes présentant une ménopause prématurée, avant l’âge de 45 a fortiori avant 40 ans, doivent elle aussi faire l’objet d’un suivi rapproché de dépistage des FdR mais également d’atteinte athéromateuse.

Nos connaissances en matière de physiopathologie des maladies cardio-vasculaires nous ont permis d’identifier des facteurs de risque de plus en plus nombreux et diversifiés, qu’il s’agisse de facteurs, de marqueurs ou d’amplificateurs du risque cardiovasculaire. Ils doivent être rigoureusement et régulièrement recherchés afin d’être modifiés et si possible efficacement contrôlés. Les collaborations multidisciplinaires gynéco-cardiologiques nous ont permis de progresser en compréhension, elles deviennent impératives dans le cadre de la prise en charge de patientes en terme thérapeutique mais surtout et si possible en terme de prévention.

Table 1 : Facteurs de risques cardio-vasculaires

Facteurs de risque communs

Facteurs de risque « spécifique »

Tabac

Complications grossesse : HTA gravidique, pré éclampsie, Eclampsie, diabète gestationnel, naissance

Hérédité

Syndrome des ovaires polykystiques

Hypertension artérielle

Endométriose

Diabète

Contraception estroprogestative

Dyslipidémies

Ménopause précoce

Surpoids Obésité

 

Sédentarité

 

Migraine aura

 

Maladies inflammatoires chroniques

 

Dépression

 

Mauvaise connaissance en santé

 

Précarité socio-économique

 

Exposition aux violences et abus

 

Exposition risques environnementaux

 

 

Références

1.         Timmis A, Townsend N, Gale CP, Torbica A, Lettino M, Petersen SE, et al. European Society of Cardiology: Cardiovascular Disease Statistics 2019. Eur Heart J. 2020;41(1):12-85.

2.         Manzo-Silberman S, Couturaud F, Charpentier S, Auffret V, El Khoury C, Le Breton H, et al. Influence of gender on delays and early mortality in ST-segment elevation myocardial infarction: Insight from the first French Metaregistry, 2005-2012 patient-level pooled analysis. Int J Cardiol. 2018;262:1-8.

3.         Gabet A, Danchin N, Juilliere Y, Olie V. Acute coronary syndrome in women: rising hospitalizations in middle-aged French women, 2004-14. Eur Heart J. 2017;38(14):1060-5.

4.         Vogel B, Acevedo M, Appelman Y, Bairey Merz CN, Chieffo A, Figtree GA, et al. The Lancet women and cardiovascular disease Commission: reducing the global burden by 2030. Lancet. 2021;397(10292):2385-438.

5.         Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, Carballo D, Koskinas KC, Back M, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice. Eur Heart J. 2021;42(34):3227-337.