Attendre ou déclencher les patientes qui ont rompu les membranes entre 34 et 37SA : sommes-nous vraiment en train de choisir entre la santé de la mère et celle de l’enfant ?

Auteurs

C’est un débat qu’on voulait clos, après beaucoup de travaux et de publications. D’un côté, il y a le risque de l’infection fœtale/néonatale, exceptionnelle mais grave, ainsi que les risques liés à un excès de prématurité. De l’autre côté, il y a les risques maternels, centrés sur l’infection, plus fréquente, et ses conséquences telles que les hémorragies.

La littérature nous offre plusieurs études randomisées et contrôlées de bonne qualité 1-3;

Objectivement, les résultats montrent les données suivantes.

Pour les enfants

  • Pas plus de sepsis néonataux confirmés dans un des deux groupes, avec un risque global d’environ 2 % en moyenne
  • Des enfants un peu plus petits, qui nécessitent un à deux jours d’hospitalisation supplémentaire en néonatologie, car ils sont nés en moyenne 3 à 4 jours plus tôt dans le bras déclenchement.

Pour les mères, l’expectative était associée avec :

  • Plus d’hémorragies du postpartum (5 % vs 3 %)
  • Plus de fièvre au cours du travail (2 % vs 1 %) et plus de chorioamniotites cliniques
  • Des résultats discordants sur l’augmentation ou la baisse du taux de césarienne, qui est beaucoup lié aux pratiques locales

 

Les conclusions des auteurs de la plus grosse étude sont (traduction personnelle) :

Les résultats de notre étude montrent que pour les patientes avec une rupture des membranes entre 34 SA et 36 SA+6j, avec une grossesse singleton sans contre-indication à l’expectative, le choix d’un déclenchement immédiat augmente les complications néonatales sans augmenter le sepsis néonatal.

Le parti est pris, clairement, et dans le choix fait entre la santé de l’enfant et celle de la mère, contrairement à ce qui est fait d’habitude, ils ont choisi l’enfant, et la conclusion ne mentionne même pas la mère.

Or, les auteurs néerlandais viennent de publier une étude sur le devenir de ces enfants à 10 ans. C’est la cohorte des enfants des essais PROMEXIL 4

Les auteurs rappellent que la prématurité, même tardive, comme les infections périnatales peuvent avoir des conséquences sur le développement neurologique de l’enfant.

L’étude actuelle avait été précédée de celle à deux ans de ces enfants. Cette dernière avait montré que le retard du développement neurologique était moins important (14%) dans le groupe déclenchement que dans le groupe expectative (26 %)5.

L’article qui vient d’être publié porte sur la même population, mais sur les enfants qui ont entre 10 et 12 ans4.

Ces enfants ont été convoqués à l’hôpital où ils ont eu une batterie de test d’évaluations cognitifs, moteurs, développementaux, pubertaires, etc. Les parents, ainsi que les enseignants, ont également rempli des questionnaires sur les enfants.

Les équipes qui ont procédé à ces évaluations étaient en aveugle sur le bras de randomisation au cours de la grossesse.

Le critère de jugement principal était basé sur les principaux tests comportementaux, cognitifs et moteurs.

Les auteurs ont réussi à évaluer 35 % de la population initiale, soit 127 enfants du bras déclenchement et 121 du bras expectatif.

 

Les auteurs n’ont pas trouvé de différence statistique dans le critère de jugement principal entre les deux groupes. Il n’y avait pas non plus de différence dans les atteintes modérées ou sévères. Ces résultats sont robustes puis qu’ils restent identiques quand les auteurs ajustent pour des différences observées entre les familles (plus de tabagisme dans un groupe, un niveau d’éducation plus élevé dans l’autre, etc.), mais également quand ils ajustent pour les 3 jours de moyenne de différence de naissance.

Quand on se plonge dans les critères de jugement secondaires, il n’y a pas de différence statistiquement significative, là aussi, même si tous les critères tendent vers une préférence pour le déclenchement.

À la lecture de ces résultats avec un recul d’au moins 10 ans, il semble clair que ce que nous avions étiqueté « complications néonatales » n’était que le fruit d’une naissance 3 jours plus tôt : 100 g en mois et 2 jours de plus en néonatologie. Ces différences « mécaniques » n’ont pas eu de conséquences 10 ans plus tard sur les différents paramètres de développement de ces enfants.

En revanche, les risques maternels étaient bien réels, et même s’ils ont été balayés du revers de la main par les auteurs de l’époque, ils nous permettent d’avoir un regard nouveau sur l’information que nous devons donner à ces patientes et à ces couples.

Alors, comment allez-vous les informer maintenant ?

 

 

Référence

1.  Morris JM, Roberts CL, Bowen JR, et al. Immediate delivery compared with expectant management after preterm pre-labour rupture of the membranes close to term (PPROMT trial): a randomised controlled trial. Lancet 2016;387(10017):444-52. DOI: 10.1016/S0140-6736(15)00724-2.

2. van der Ham DP, van der Heyden JL, Opmeer BC, et al. Management of late-preterm premature rupture of membranes: the PPROMEXIL-2 trial. Am J Obstet Gynecol 2012;207(4):276 e1-10. DOI: 10.1016/j.ajog.2012.07.024.

3. van der Ham DP, Vijgen SM, Nijhuis JG, et al. Induction of labor versus expectant management in women with preterm prelabor rupture of membranes between 34 and 37 weeks: a randomized controlled trial. PLoS Med 2012;9(4):e1001208. DOI: 10.1371/journal.pmed.1001208.

4. Simons NE, de Ruigh AA, van 't Hooft J, et al. Childhood outcomes after induction of labor or expectant management for preterm prelabor rupture of membranes: a 10-year follow-up of the PPROMEXIL trials. Am J Obstet Gynecol 2023;228(5):588 e1-588 e13. DOI: 10.1016/j.ajog.2023.02.007.

5. van der Heyden JL, Willekes C, van Baar AL, et al. Behavioural and neurodevelopmental outcome of 2-year-old children after preterm premature rupture of membranes: follow-up of a randomised clinical trial comparing induction of labour and expectant management. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2015;194:17-23. DOI: 10.1016/j.ejogrb.2015.07.014.