Un accouchement se passe généralement bien, quel que soit le lieu de la naissance

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Le choix du lieu de l’accouchement se pose toujours en France, surtout lorsqu’on aborde le choix du type de structure. Le sujet est d’actualité et nous attendons, au moment où j’écris ces mots, le rapport de l’Académie de médecine, où il devrait être proposé, sans trop de surprise, la fermeture de beaucoup de petites structures. Cette proposition est la  conséquence du peu d’exposition des petites équipes aux complications graves, mais surtout de l’impossibilité de maintenir des équipes complètes et compétentes dans toutes ces maternités. Nous vivons une période de pénurie de l’ensemble des corps de métiers qui composent une salle de naissance, de nuit comme de jour.

Parallèlement, le débat enfle autour des lieux d’accouchement « alternatifs » tels que la maison de naissance, le plateau technique ou l’accouchement accompagné à domicile. Un lecteur peu averti, et qui n’est pas au fait des publications sur le sujet, a vite fait de confondre ces deux débats.

Revenons aux définitions :

L’hôpital public ou privé, ou la clinique privée sont des structures que nous connaissons bien et nous n’avons pas besoin de les définir.

Les maisons de naissance sont « des structures où des sage-femmes réalisent l’accouchement des femmes enceintes dont elles ont assuré́ le suivi de la grossesse, dans les conditions prévues aux articles L.4151-1 et L.4151-3 du code de la santé publique » (1). Ces structures sont indépendantes et sans médecins (pas de gynécologue obstétricien, anesthésiste ou pédiatres).

Le plateau technique est la possibilité pour la patiente et sa sage-femme de venir à la maternité, le plus souvent une fois le travail bien avancé, pour que l’accouchement ait lieu en salle de naissance, mais en respectant l’accompagnement globale par la sage-femme. Si tout se passe bien, elles retournent ensemble au domicile de la patiente après la surveillance immédiate. Certains parlent ici d’accouchement ambulatoire.

L’accouchement accompagné à domicile (AAD) est la possibilité pour la patiente et le couple de vivre l’accouchement au domicile, sans avoir à se déplacer sur une structure. Il est dit « accompagné » car il se fait avec une professionnelle formée, une sage-femme. Ce point est important car ce n’est pas un accouchement inopiné, ni un accouchement non accompagné (ANA), qui, comme son nom l’indique, se faire volontairement sans sage-femme.

Il y a toujours eu des AAD, et les demandent ont augmenté avec la pandémie COVID-19 et les restrictions imposées à l’hôpital. Il y a peu de sage-femmes qui proposent des AAD en France. Le débat autour des AAD est violent et il est vrai que le personnel hospitaliser et le SAMU ne voient que les situations qui sortent du bas-risque ou qui tournent mal. Ce personnel avance souvent qu’on ne peut définir le bas-risque qu’a posteriori, car la grossesse, l’accouchement et le postpartum contiennent la potentialité d’un grand nombre de complications, à tout moment.

Il y a pourtant de la science, et elle est rassurante, surtout si tous les acteurs se sont mis autour d’une table et ont, ensemble, défini les critères d’éligibilité de l’AAD et son fonctionnement.

Deux revues systématiques de la littérature et métaanalyses ont fait le point en 2019 sur les risques périnataux et néonataux, et en 2020 sur les risques maternels (2, 3).

Les auteurs ne sont pas tombés dans le piège de comparer les AAD et les accouchements hospitaliers, mais bien les patientes avec une intention d’AAD et une intention d’accouchement à l’hôpital, au moment du début du travail.

Ainsi, ils décrivent une mortalité périnatale ou néonatale identique dans les deux bras. De plus, lorsque l’AAD est bien intégré au système de santé, il semble y avoir moins de scores d’APGAR bas à 5 minute chez les multipares, et moins de transferts en néonatologie à la fois chez les primipares et multipares.

Concernant le risque maternel, dans les systèmes où l’AAD est bien intégré au système de santé, il y a moins de césariennes, moins d’extractions instrumentales, moins d’analgésies péridurales, moins d’épisiotomies, moins de lésions périnéales du 3e ou 4e degré, moins de direction du travail et moins d’infections maternelles dans le groupe avec une intention d’AAD. L’hémorragie du postpartum est soit moins fréquente dans le groupe avec une intention d’AAD, soit identique dans les deux groupes en fonction du mode de calcul.

La France n’a pas intégré l’AAD à notre système de santé. Le refus et les oppositions de nombreux corps de métiers, essentiellement les médecins, font pour l’instant obstacle. Il semble évident que ce refus d’intégration augmente les risques pour les femmes et les couples qui ont un projet d’AAD.

Un jour, nous atteindrons probablement un niveau de maturité sur le sujet proche du Royaume-Uni où le NHS, leur système de santé, informe les femmes et couples des différentes options sur le choix du lieu d’accouchement, en parlant ouvertement de tous les choix que nous avons abordés plus haut (4). Ils informent les futurs premiers parents que le risque de complications néonatales graves, dont le décès néonatal, est de 5/1000 à l’hôpital et de 9/1000 à la maison, et rappellent qu’il n’y a pas plus de risques néonataux pour les multipares. Le NICE, l’équivalent de notre HAS, a même fait une plaquette sur le sujet où ils vont jusqu’à informer du sur-risque d’intervention en cas d’accouchement à l’hôpital pour les patientes (5).

Cette littérature récente et les exemples de pays voisins sont donc rassurants et encourageant pour les femmes et couples qui sont identifiés à bas-risque et souhaitent un AAD. Ces personnes se renseignent et lisent ces documents et les opposent à notre système de santé qui bute sur le sujet.

Finalement, fermer les petites maternités où il n’y a qu’un semblant de sécurité du fait de la difficulté de maintenir la permanence de soin serait tout à fait compatible avec l’ouverture des plateaux techniques, des maisons de naissance et de l’AAD, à la condition que ces alternatives soient réservées aux grossesses à bas-risque et que le travail sur cette sélection et sur les circuits soit le fruit de l’ensemble de notre système de santé.

Il ne reste plus qu’à trouver les interlocuteurs compétents et favorables à de tels projets.

Références

  1. https://ordre-sages-femmes.fr/wp-content/uploads/2015/10/HAS-Cahier-des-charges-maisons-de-naissance.pdf
  2. Perinatal or neonatal mortality among women who intend at the onset of labour to give birth at home compared to women of low obstetrical risk who intend to give birth in hospital: A systematic review and meta-analyses. Hutton EK, Reitsma A, Simioni J, Brunton G, Kaufman K. EClinicalMedicine. 2019;14:59-70. doi: 10.1016/j.eclinm.2019.07.005.
  3. Maternal outcomes and birth interventions among women who begin labour intending to give birth at home compared to women of low obstetrical risk who intend to give birth in hospital: A systematic review and meta-analyses. Reitsma A, Simioni J, Brunton G, Kaufman K, Hutton EK. EClinicalMedicine. 2020;21:100319. doi: 10.1016/j.eclinm.2020.100319.
  4. https://www.nhs.uk/pregnancy/labour-and-birth/preparing-for-the-birth/where-to-give-birth-the-options/
  5. https://www.nice.org.uk/