Une autre vision du spermocytogramme

Le spermocytogramme est l’examen permettant d’identifier les spermatozoïdes considérés comme ayant une morphologie typique, ou atypique.
La dernière version du Guide l’OMS (Cooper et col, 2010) sur l’analyse du sperme prend comme référence pour le spermocytogramme les critères stricts de Kruger (Kruger et col, 1987) avec une valeur du pourcentage de spermatozoïdes typiques considérée comme normale à partir de 4%.

Beaucoup de centres utilisent également la classification de David (1975) présente dans les précédentes versions de ce guide, et avec laquelle le pourcentage considéré comme normal de formes typiques est supérieur à 30%. L’équipe du CECOS de Cochin a réalisé une nouvelle évaluation de cette valeur.
Pour cela, les spermes de trois populations d’hommes ont été analysés :

  • une population d’hommes fertiles (926 patients)
  • une population d’hommes de couples infertiles (1747 patients)
  • une population d’hommes ayant eu un cancer des testicules (239 patients).

Les hommes fertiles (âges allant de 24 à 38 ans) venaient de différents pays européens, à l’occasion de l’analyse sur les modifications des valeurs du spermogramme faites entre 1997 et 1998 (Jorgensen, 2001). Afin de minimiser les différences de lecture entre centres, l’ensemble des spermocytogrammes ont été analysés dans le laboratoire du CECOS de COCHIN.
La population d’hommes infertiles (âge allant de 32 à 40 ans) venait également du centre de COCHIN, pendant la même période.
Les hommes avec un cancer du testicule (âge allant de 25 à 33 ans) étaient adressé au centre de COCHIN pour cryo-conservation du sperme avant début du traitement.
Les spermocytogramme ont été analysés après coloration de Shorr.
La méthode utilisée pour l’analyse de la morphologie des spermatozoïdes était la classification de David modifiée (1975) avec analyses des anomalies de la tête, de la pièce intermédiaire et de la queue des spermatozoïdes ; permettant également un calcul de l’index d’anomalies multiples (IAM).

Les résultats obtenus dans la population d’hommes fertiles sont les suivants.

Distribution (percentiles)

1er percentile

5ème percentile

Spermatozoïdes normaux

13%

23%

IAM

2,08

1,92

Concernant les autres populations, plus de 50% des hommes avec cancer testiculaire et 40% des hommes de couples infertiles montrent un pourcentage de spermatozoïdes normaux inférieur au 5ème percentile. La fréquence de chaque anomalie est significativement plus importante chez les hommes avec cancer testiculaire que chez les hommes infertiles.
Il faut toutefois noter que dans les trois populations, la répartition des pourcentages de spermatozoïdes normaux se fait selon une courbe gaussienne et qu’il y a des recouvrements entre les populations, mais que les zones de recouvrements sont différentes en fonction du type d’anomalie retenue.

Les auteurs proposent de retenir trois groupes pour la classification des anomalies à partir d’un seuil minimum du 95ème percentile pour les hommes fertiles et d’un seuil haut du 99ème percentile pour les hommes infertiles : niveaux bas, intermédiaire et haut d’anomalies morphologiques.
Ces différences entre les populations d’hommes avec cancer du testicule et d’hommes infertiles peuvent s’expliquer par des origines différentes de ces anomalies (génétique, anomalies de la structure de l’ADN liées à des processus oxydatifs, anomalies de fonctionnement des cellules de Sertoli …), donc de processus anormaux différents pendant la spermiogénèse. Par exemple les hommes avec un cancer du testicule montrent un pourcentage d’anomalie de la tête du spermatozoïde plus important que les hommes infertiles.
Les auteurs confirmant donc ici l’utilité de la reconnaissance de ces différentes anomalies selon la classification de David, afin de pouvoir relier des phénotypes d’anomalies à certaines pathologies, notamment pour des anomalies particulières comme la globozoospermie, mais également pour d’autres pathologies plus complexes.
Ils concluent également que le seuil de 23% retenu avec cette classification correspond au seuil de 4% de formes typiques retenu dans la 5ème édition du manuel de l’OMS (Cooper, 2010) qui utilise les critères stricts pour l’analyse de la morphologie des spermatozoïdes ; les différences pouvant en partie s’expliquer par l’intégration ou non dans la classification des formes « borderline ».

Références
Another look at human sperm morphology.
Auger J, Jouannet P, Eustache F.
Hum Reprod. 2016 Jan;31(1):10-23.
New method of evaluating sperm morphology with predictive value for human in vitro fertilization.
Kruger TF, Acosta AA, Simmons KF, Swanson RJ, Matta JF, Veeck LL, Morshedi M, Brugo S. Urology. 1987 Sep;30(3):248-51
World Health Organization reference values for human semen characteristics.
Cooper TG, Noonan E, von Eckardstein S, Auger J, Baker HW, Behre HM, Haugen TB, Kruger T, Wang C, Mbizvo MT, Vogelsong KM.
Hum Reprod Update. 2010 May-Jun;16(3):231-45
Regional differences in waiting time to pregnancy among fertile couples from four European cities.
Jensen TK, Slama R, Ducot B, Suominen J, Cawood EH, Andersen AG, Eustache F, Irvine S, Auger S, Jouannet P, Vierula M, Jørgensen N, Toppari J, Skakkebaek NE, Keiding N, Spira A. - Hum Reprod. 2001 Dec;16(12):2697-704.

_____________________________________

Vous pourrez trouver plus d’informations sur l’auteur à l'adresse : www.laboclement.com

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.