L’analgésie péridurale allonge-t-elle la durée du deuxième stade du travail ?

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Avec les dernières recommandations pour la pratique clinique sur l’utilisation de l’oxytocine dans le travail spontané, nous utilisons la traduction des termes anglais pour les différents stades du travail. Ainsi, le premier stade est celui de la dilatation cervicale et le deuxième celui entre la dilatation cervicale complète et la naissance (1).  Le deuxième stade inclus la descente et les efforts expulsifs.

La littérature est en faveur d’un allongement de ce deuxième stade en cas d’analgésie péridurale (APD) (2,3). Le principal reproche fait à ces données est leur ancienneté, et le fait que les anesthésistes utilisent des doses plus faibles maintenant.

L’objectif de l’étude présentée ici était de tester l’hypothèse que l’APD « moderne », utilisant de faibles doses d’analgésiques, n’influence pas la durée du deuxième stade du travail (4).

Pour ce faire, les auteurs ont utilisé une méthodologie qui permet de répondre à la question, même si elle peut paraître étonnante.

Ils ont réalisé une étude prospective, randomisée, en aveugle, contre placebo, dont le principe a été accepté par des comités d’éthique des deux pays d’origine des auteurs, la Chine et les Etats Unis d’Amérique. L’étude a été réalisée dans la maternité d’un hôpital de Nanjing, en Chine, qui comptabilise environ 24000 naissances par an, avec un taux d’APD de 95%, entre mars et septembre 2015.

Les critères d’inclusion étaient les nullipares à plus de 37SA, avec une grossesse monofœtale, un fœtus vivant et une demande d’APD, avant 6 cm de dilatation cervicale. Parmi les critères d’exclusion, il y avait les césariennes avant dilatation complète, l’accouchement dans l’heure de la pose de l’APD, les cathéters d’APD qui ne fonctionnent pas ou qu’il faut reposer.

L’analgésie était réalisée par un bolus initial de 8 à 10 ml de ropivacaïne 0,08% et du sufentanil 0,4 microgrammes/ml, suivis de la même solution avec un débit de base de 8 ml/heure et d’une PCEA.

A dilatation complète, les patientes étaient randomisées pour recevoir soit du sérum physiologique, soit le même traitement que précédemment, à la même vitesse, le tout en double aveugle. Si la douleur était trop importante, la patiente pouvait demander une ADP sans aveugle. L’ADP de l’étude était alors arrêtée et remplacée par une vraie, quelque soit le groupe de randomisation. Leur critère de jugement principal était la durée du deuxième stage du travail, de la dilatation complète à la naissance.

Les auteurs ont randomisé 200 patientes dans chacun des deux bras, et ont analysé leurs résultats en intention de traiter.

Au final, la durée du deuxième stade du travail était identique dans les deux groupes, avec 51 vs 52 minutes (NS). De plus, les auteurs n’ont pas trouvé de différence dans la voie d’accouchement, le taux d’extraction instrumentale (environ 33%), le taux d’épisiotomie (environ 2%) ainsi que l’évaluation de la douleur (mesurée toutes les 30 minutes).

Concernant les issues néonatales, s’il y avait une petite différence dans le poids de naissance, qui ne pouvait s’expliquer par l’étude, les gazométries au cordon et les scores d’APGAR étaient similaires.

Cette étude est une petite révolution dans notre culture obstétricale car si les anesthésistes nous disent qu’ils travaillent différemment, avec des produits différents et moins dosés, nous manquions de données et nos recommandations restaient basées sur des chiffres anciens.

Ces données restent à être confirmées dans une population occidentales, avec des pratiques et cultures plus proches des nôtres, notamment sur la gestion de la douleur.

Références

  1. Recommandations pour l’administration d’oxytocine au cours du travail spontané. Chapitre 1: définition et caractéristiques du travail normal et anormal. R. Béranger, A.-A. Chantry. La Revue Sage-Femme 2017;16:6-2 http://dx.doi.org/10.1016/j.sagf.2016.10.006
  2. Recommandations pour l’administration d’oxytocine au cours du travail spontané. Chapitre 7 : analgésie péridurale et utilisation de l’oxytocine au cours du travail spontané. C. Fischer. La Revue Sage-Femme 2017;16:99-110. http://dx.doi.org/10.1016/j.sagf.2016.11.005
  3. Contemporary patterns of spontaneous labor with normal neonatal outcomes. Zhang J, Landy HJ, Branch DW, Burkman R, Haberman S, Gregory KD, Hatjis CG, Ramirez MM, Bailit JL, Gonzalez-Quintero VH, Hibbard JU, Hoffman MK, Kominiarek M, Learman LA, Van Veldhuisen P, Troendle J, Reddy UM; Consortium on Safe Labor. Obstet Gynecol. 2010;116:1281-7. doi: 10.1097/AOG.0b013e3181fdef6e.
  4. Epidural Analgesia During the Second Stage of Labor. A Randomized Controlled Trial. Shen X, Li Y, Xu S, Wang N, Fan S, Qin X, Zhou C, Hess PE. Obstet Gynecol. 2017;130:1097-1103. doi: 10.1097/AOG.0000000000002306.

 
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