Incidence du cancer du sein à la baisse au Canada : quelle relation avec les prescriptions de THM ?

En 2002, l’étude WHI tirait violement la sonnette d’alarme en indiquant que les risques liés aux traitements hormonaux de la ménopause en dépassaient largement les bénéfices. Des taux supérieurs d’AVC, d’infarctus du myocarde et de cancers du sein apparaissaient dans la population sous THM comparativement à des femmes sous placebo. Suite à cette première bombe et à son extraordinaire exploitation médiatique, une baisse massive de l’utilisation du THM a été observée dans le monde entier. D’autres études négatives, publiées peu de temps après, ont encore amplifié ce phénomène. Rapidement, un lien entre la diminution observée de l’incidence des cancers du sein invasifs et cette chute drastique des prescriptions des THM a été suggéré dans de nombreux pays. Aux USA notamment, il était noté une diminution d’incidence des cancers du sein de 11,8% entre 2001 et 2004 portant principalement sur les petits cancers ER+ chez les femmes âgées de 50 à 69 ans ( cancers les plus fréquemment retrouvés sous THM).

Une étude canadienne s’est attachée à explorer l’évolution de l’utilisation des THM et de l’incidence des cancers du sein après 2002. Elle a analysé les changements dans les prescriptions à partir des registres pharmaceutiques afin de confirmer la diminution d’utilisation rapportée par les femmes entre 2001 et 2006. Par ailleurs, les taux d’incidences des différents types de cancers du sein selon l’âge des femmes étaient tirés des registres nationaux du cancer dans le pays. Enfin, le recours au dépistage mammographique était parallèlement évalué.

Les prescriptions de THM s’effondraient principalement entre 2002 et 2003 passant de 11,6 millions à 8,5 millions. S’en suivait une baisse plus progressive pour attindre 5,4 millions en 2006. En comparaison à la hausse annuelle de 1,7% calculée entre 1996 et 2000, on assistait après 2002 à une baisse de 7,6% par an.

Parallèlement, on observait une diminution de 9,6% de l’incidence du cancer du sein entre 2002 et 2004. Par la suite, la baisse des nouveaux cas de cancers n’était plus que de 4,5% entre 2004 et 2006 pour remonter à nouveau à partir de 2006. Cette évolution concernait principalement les femmes entre 50 et 69 ans ; sans modification d’incidence chez les 40-49 ans. L’analyse du recours à la mammographie montrait une augmentation régulière entre 1990 et 2000 et restait stable par la suite : 72% des femmes âgées de 50 à 69 ans avaient bénéficié d’une mammographie dans les 2 ans.

Cette étude canadienne retrouve la concomitance entre la baisse des THM et la diminution d’incidence du cancer su sein dans la tranche d’âge particulièrement impliquée dans les traitements hormonaux. Aucun lien entre l’évolution d’incidence et le recours aux mammographies n’est ici retrouvée. La réascension de cette incidence à partir de 2005 serait plutôt en faveur d’un rôle promoteur plus qu’initiateur dans la carcinogénèse mammaire.

Les USA, la France et l’Australie, entre autres, avaient déjà montré des chiffres à la baisse pour l’incidence du cancer du sein depuis 2002. Outre l’impact de la diminution des prescriptions de THM, l’influence du dépistage y apparaissait comme non négligeable tout comme l’influence d’autres facteurs de risque de cancer du sein (hygiène de vie, parité …)

Malgré tout, le THM garde des bénéfices réels et prouvés à la fois sur la qualité de vie des femmes et sur d’autres risques tels que l’ostéoporose, les maladies cardio-vasculaires, le cancer du colon. L’utilisation d’estrogènes par voie extra-digestive, de molécules progestatives naturelles, de traitements limités dans le temps doivent être privilégiés le cas échéant. Plus que jamais, la règle qui consistait à évaluer la balance bénéfices-risques reste de mise pour chaque patiente et à chaque consultation après la ménopause.

Prithwish De, Ineke Neutel, Ivo Olivotto, Howard Morrison. Breast incidence and hormone replacement therapy in Canada. J Natl Cancer Inst 2010;102: 1-7.

 
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