Traitement préventif de l’accouchement prématuré des patientes asyptomatiques ayant un col racourci par progestérone vaginale : une politique de dépistage systématique de la prématurité est maintenant envisageable

Lecture critique de l’article : Romero et al. Vaginal progesterone in women with an asymptomatic sonographic short cervix in the midtrimester decreases preterm delivery and neonatal morbidity: a systematic review and metaanalysis of individual patient data. Am J Obstet Gynecol 2012; 206: 124e1-19.

Au cours des cinq dernières années, plusieurs larges essais prospectifs randomisés ont montré un bénéfice du traitement préventif de l’accouchement prématuré par progestérone vaginale (1-5). La première publication importante et récente sur le sujet est l’essai prospectif randomisé publié en 2007 par Fonseca et al. dans le New England Journal of Medecine (1). Ce travail montrait que l’utilisation de la progestérone vaginale chez des patientes ayant une longueur cervicale de moins de 15 mm permettait de réduire significativement le risque de naissance prématurée avant 34 SA (19,2 % vs. 34,4 % ; RR : 0,56 ; IC à 95 % : 0,36-0,86), mais sans réduire significativement la morbidité néonatale. Plus récemment, Hassan et al. dans un autre essai prospectif randomisé ont montré un bénéfice de la progestérone vaginale quotidienne à prévenir une naissance prématurée avant 33 SA et à en réduire la morbidité néonatale pour des grossesses monofoetales asymptomatiques sans antécédent d’accouchement prématuré dont la mesure systématique de la longueur cervicale était diminuée entre 10 et 20 mm et n’ayant aucune co-morbidité associée (2). Si les résultats sont particulièrement encourageants, la progestérone n’a pour l’instant pas fait la preuve de son efficacité à prévenir une naissance prématurée pour les grossesses gémellaires. Deux essais prospectifs ont d’ailleurs récemment confirmé l’absence de bénéfice de la progestérone pour la  prévention des naissances prématurées avant 34 SA des grossesses gémellaires (6), mais aussi des grossesses gémellaires identifiées comme étant à risque de naissance prématurée (7).

Une récente méta analyse publiée par Romero et al. dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecolgy en février 2012 reprend les résultats des principaux cinq essais prospectifs randomisés en double aveugle ayant été publiés à ce jour (1-5). Cette méta analyse évalue le bénéfice d’un traitement par progestérone vaginale chez des femmes enceintes asymptomatiques chez lesquelles un col court, défini par une longueur cervicale ≤ 25 mm, a été mis en évidence par une échographie vaginale  de dépistage réalisée au second trimestre de la grossesse. Par rapport à un placebo, l’utilisation d’un traitement par progestérone vaginale chez ces femmes permet de réduire significativement et de façon importante le risque d’accouchement prématuré avant 35 SA (RR : 0,69 ; IC à 95 % : 0,55-0,88), avant 33 SA (RR :0,58 ; IC à 95 % : 0,42-0,80) et avant 28 SA (RR : 0,50 ; IC à 95 % : 0,30-0,81). De tels résultats permettent d’estimer que pour prévenir une naissance prématurée avant 33 SA, il faudrait traiter 11 patientes (IC à 95 % : 8-23). En plus de ces résultats, cette méta analyse conclue à la capacité du traitement par progestérone vaginale à prévenir significativement la morbidité et la mortalité néonatale (RR : 0,57 : IC à 95 % : 0,40-0,81). Ainsi, ce traitement permet de réduire significativement le risque de syndrome de détresse respiratoire (RR : 0,48 ; IC à 95 % : 0,30-0,76), de petit poids de naissance (< 1500 g) (RR : 0,55 ; IC à 95 % : 0,38-0,80), d’hospitalisation en réanimation néonatale (RR : 0,75 ; IC à 95 % : 0,59-0,94) et de ventilation mécanique (RR : 0,66 ; IC à 95 % : 0,44-0,98). Enfin, si un tel traitement préventif permet de réduire le risque de prématurité sévère et la morbidité néonatale qui en découle, il ne permet pas de prévenir une naissance prématurée avant 36 SA de manière significative (RR : 0,82 ; IC à 95 % : 0,67-1,00). De tels résultats sont d’autant plus marquants que l’administration de progestérone vaginale pendant la grossesse n’expose pas les patientes à un risque d’effet indésirable supérieur à celui observé chez les patientes ayant été traitées par placebo.

Il est important de remarquer que la capacité du traitement par progestérone vaginale  à prévenir une naissance prématurée était aussi bien observée pour les patientes n’ayant pas d’antécédent de naissance prématurée (RR : 0,60 ; IC à 95 % : 0,39-0,92) que pour celles ayant au moins un antécédent d’accouchement prématuré (RR : 0,54 ; IC à 95 % : 0,30-0,98). Par contre, l’efficacité du traitement par progestérone vaginale à prévenir une naissance prématurée n’a pas été retrouvée pour les grossesses gémellaires asymptomatiques ayant un col court, et ce quel que soit le terme seuil considéré, mais il permettrait de diminuer la morbidité et la mortalité néonatale (RR : 0,52 ; IC à 95 % : 0,29-0,93). Lorsqu’on considère l’impact de la longueur cervicale initiale sur l’effet du traitement préventif par progestérone vaginale, on remarque que celui-ci est significativement efficace pour prévenir une naissance avant 33 SA et la morbidité et mortalité néonatale pour les patientes dont la longueur cervicale initiale était comprise entre 10 et 20 mm (RR : 0,52 ; IC à 95 % : 0,35-0,76 et RR : 0,54 ; IC à 95 % : 0,35-0,84, respectivement). Aucun effet significatif n’a été observé pour les patientes dont la longueur cervicale était inférieure à 10 mm, ni pour celles dont la longueur cervicale était comprise entre 20 et 25 mm. De la même manière, ces effets étaient observés  pour les femmes âgées de 20 à 34 ans et non pas dans les autres tranches d’âge. Enfin, la posologie employée ne semble pas avoir d’influence sur l’efficacité du traitement par progestérone vaginale. Celle–ci conserve un effet significatif pour la prévention de l’accouchement prématuré avant 33 SA et la prévention de la morbidité et mortalité néonatale que la dose utilisée soit de 90-100 mg ou de 200 mg par jour.

La démonstration de l’efficacité du traitement par progestérone vaginale apporte le dernier argument en faveur de la mise en œuvre d’une politique de dépistage et de prévention organisée de l’accouchement prématuré à l’échelle nationale. En effet, la prématurité est une pathologie suffisamment fréquente pour se prêter à un dépistage de masse. Elle est associée à une morbidité et à une mortalité élevée et pour laquelle il existe un test de dépistage efficace, peu coûteux et facilement acceptable par les patientes : la mesure échographique de la longueur cervicale. Celle-ci a fait la preuve de sa capacité à prédire un accouchement prématuré, y compris chez les patientes asymptomatiques. Une telle politique de dépistage est également justifiée sur un plan économique. Deux études américaines récentes ont montré qu’un tel dépistage permettait une réduction des coûts engendrés (8, 9). Le dépistage de 100 000 femmes permettrait ainsi d’économiser un peu plus de 12 millions de dollars US (8). Enfin, les résultats de cette méta analyse sont publiés alors que le rapport de la cours des comptes de 2012 sur la politique de périnatalité Française parle d’un constat sanitaire préoccupant et conclue à l’urgence d’une remobilisation (10). Depuis 2005, la mortalité infantile stagne en France avec un taux global d’environ 3,8 décès pour 100 000 naissances vivantes. En revanche, ce taux continue de diminuer dans les autres pays européens. Alors qu’en  1999 la France occupait la 7e place des 30 pays européens ayant le plus faible taux de mortalité infantile, elle était à la 20e place en 2009 (10). Entre 2005 et 2009, la mortalité pour 1000 naissances vivantes au cours de la première semaine de vie était de 1,6 et de 1,8 et celle intervenant au cours du premier mois de vies était de 2,5 et 2,6, respectivement. En 2003 et 2010, les naissances prématurées représentaient 6,3 % et 6,6 % des naissances, respectivement. Il est évidemment erroné de considérer ces chiffres comme étant l’unique fait de la prématurité. D’autres facteurs sont bien évidemment à incriminer, comme l’augmentation du taux de grossesses multiples, du nombre de femmes en situation de précarité ou l’augmentation de la prévalence de l’obésité. Néanmoins, la mise en évidence par cette méta analyse de la capacité du traitement par progestérone vaginale impose une réflexion sur la mise en œuvre d’un dépistage organisé de la prématurité chez les femmes enceintes asymptomatiques ayant une grossesse monofoetale.

 

Pour en savoir plus :

  1. Fonseca EB, Celik E, Parra M, Singh M, Nicolaides KH. Progesterone and the risk of preterm birth among women with a short cervix. The New England journal of medicine. 2007 Aug 2;357(5):462-9.
     
  2. Hassan SS, Romero R, Vidyadhari D, Fusey S, Baxter JK, Khandelwal M, et al. Vaginal progesterone reduces the rate of preterm birth in women with a sonographic short cervix: a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Jul;38(1):18-31.
     
  3. O'Brien JM, Adair CD, Lewis DF, Hall DR, Defranco EA, Fusey S, et al. Progesterone vaginal gel for the reduction of recurrent preterm birth: primary results from a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Ultrasound Obstet Gynecol. 2007;30(5):687-96.
     
  4. Rode L, Klein K, Nicolaides KH, Krampl-Bettelheim E, Tabor A.
     
  5. Cetingoz E, Cam C, Sakalli M, Karateke A, Celik C, Sancak A. Progesterone effects on preterm birth in high-risk pregnancies: a randomized placebo-controlled trial. Arch Gynecol Obstet. 2011;283(3):423-9.
     
  6. Rode L, Klein K, Nicolaides KH, Krampl-Bettelheim E, Tabor A. Prevention of preterm delivery in twin gestations (PREDICT): a multicenter, randomized, placebo-controlled trial on the effect of vaginal micronized progesterone. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Sep;38(3):272-80.
     
  7. Klein K, Rode L, Nicolaides KH, Krampl-Bettelheim E, Tabor A. Vaginal micronized progesterone and risk of preterm delivery in high-risk twin pregnancies: secondary analysis of a placebo-controlled randomized trial and meta-analysis. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Sep;38(3):281-7.
     
  8. Werner EF, Han CS, Pettker CM, Buhimschi CS, Copel JA, Funai EF, et al. Universal cervical-length screening to prevent preterm birth: a cost-effectiveness analysis. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Jul;38(1):32-7.
     
  9. Cahill AG, Odibo AO, Caughey AB, Stamilio DM, Hassan SS, Macones GA, et al. Universal cervical length screening and treatment with vaginal progesterone to prevent preterm birth: a decision and economic analysis. American journal of obstetrics and gynecology. 2011 Jun;202(6):548 e1-8.
     
  10. Cours des Comptes. Rapport Public Annuel 2012. Février 2012. La politique de périnatalité: l'urgence d'une remobilisation. www.comptes.fr

 
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