Première naissance après une transplantation utérine

Pour la première fois dans le monde, une femme a donné naissance à un enfant après avoir reçu une greffe d’utérus. Ce cas a été rapporté par l’équipe de l’hôpital universitaire Sahlgrenska, à Gothenberg en Suède et vien td’être publié dans le Lancet (1). Il s’agissait d’une patiente de 35 ans atteinte du syndrome de Rokitanski avec une agénésie utérine et du vagin et un rein unique. Avant la greffe, elle avait pu obtenir un vagin fonctionnel grâce à des auto-dilatations vaginales. Le greffon, c’est à dire l’utérus, a été prélevé chez une donneuse vivante, proche de la patiente, âgée de 61 ans et ayant accouché de deux enfants de 3000 et 3250 grammes par voie basse aux âges de 26 et 29 ans. Elle avait été ménopausée 7 ans avant le prélèvement de son utérus. La fonctionnalité utérine avait été évaluée au préalable par l’obtention  de menstruations après la mise sous pilule oestroprogestative de la donneuse. L’utérus a été prélevé avec la totalité de ses pédicules artériels et veineux utérins. La greffe a été réalisée par pédiculisation des vaisseaux utérins sur les vaisseaux iliaques externes droit et gauche. L’utérus a été fixé au niveau des ligaments ronds, des ligaments utéro-sacrés, et des tissus paravaginaux. Au total, le greffon a été en ischémie pendant 2h19. La durée opératoire a été de 10h7 pour la donneuse et de 4h55 pour la receveuse. Les patientes ont toutes les deux quitté l’hôpital après 6 jours d’hospitalisation. On notera que les suites opératoires ont été marquées par la survenue d’un hématome retropéritonéal ayant nécessité la transfusion de deux culots sanguins. Enfin, la receveuse a été mise sous traitement immunosuppresseur immédiatement avant la transplantation avec un traitement immunosuppresseur d’entretien. On notera que plusieurs épisodes de rejet du greffon ont imposé la mise sous Prednisone de la patiente à partir du sixième mois. La patiente a ensuite bénéficié d’un suivi rapproché avec un examen clinique et gynécologique régulier, analyses biologiques sanguines (NFS, bilan hépatique et fonction rénale), analyses bactériologiques de prélèvements cervicaux, biopsies cervicales,  et échographie utérine par voie transabdominale et endovaginale avec analyse des dimensions utérines , de l’épaisseur de l’endomètre et des flux doppler des artères utérines. Les premières menstruations sont survenues le 43e jour post-transplantation. Les cycles ont ensuite été réguliers, survenant tous les 26-36 jours.

La grossesse a été obtenue par FIV. Celle-ci ayant été réalisée dans les 6 à 18 mois précédant la transplantation. Le transfert d’embryon a été réalisé un an après la transplantation utérine avec un test de grossesse positif 3 semaines après le transfert de l’embryon. La grossesse a été suivie de manière rapprochée avec une visite de contrôle toutes les 2 à 3 semaines et monitorage réguliers des flux doppler utérins et de l’artère ombilicale fœtale ainsi que de la croissance fœtale. On notera enfin que la patiente a maintenu son activité professionnelle durant toute la durée de sa grossesse et ce jusqu’à la veille de la naissance. La grossesse a été d’évolution normale jusqu’à 31 SA et 5 jours, terme auquel la patiente a développé une prééclampsie nécessitant la réalisation d’une césarienne 16 heures après l’admission. La césarienne a été réalisée sans difficulté par incision segmentaire transversale permettant l’extraction en siège d’une fœtus de 1775 grammes avec un APGAR à 9/9/10 et un pH au cordon à 7,21. La délivrance a été sans particularité ni problème hémorragique. Les suites ont été simples, autorisant la sortie de la patiente au 3e jour du post partum avec un retour rapide de la pression artérielle à la normale. Le nouveau-né a eu une évolution favorable après avoir  été admis en réanimation néonatale pour une durée de 16 jours avec un poids de sortie à 2040 grammes.

Il faut savoir que cette naissance survient après plus de 10 ans de travaux sur la transplantation utérine menées par plusieurs équipes mondiales. En particulier après de nombreux essais menés sur l’animal. A ce jour, on notera que 11 femmes ont subi une transplantation utérine dans le monde (2, 3). Parmi ces patientes, on note la survenue de trois cas de nécrose utérine et d’infection pelvienne post thrombose des vaisseaux utérins ayant nécessité une hystérectomie secondaire. Avant cette première grossesse, une patiente avait déjà obtenu deux grossesses  par transfert d’embryon, mais elles s’étaient toutes les deux soldées par une fausse couche spontanée précoce avant 6SA (4). Ce bilan et le cas de cette patiente illustre les difficultés et enjeux de cette technique. En plus des problèmes éthiques et des soucis de compatibilité entre donneur et receveur  inhérent à toute greffe, on ne peut que s’interroger sur l’avenir d’un telle technique. En plus de sa complexité et de sa morbidité, le fait que la grossesse obtenue ait été compliquée d’une prééclampsie soulève la question du pronostic obstétrical des grossesses obtenues. Seule l’analyse de cohorte de grossesses ayant été obtenues après transplantation utérine permettra de répondre objectivement à cette question. Pour l’instant, le cas de cette patiente nous enseigne que la greffe d’utérus, en plus d’être faisable, permet aujourd’hui d’obtenir une grossesse. Quel qu’il soit, l’avenir est en marche…

 

Pour en savoir plus

  1. Brännström et al. Lancet 2014. Livebirth after uterus transplantation. En cours de publication.
  2. Brännström et al. First clinical uterus transplantation trial : A six months report. Fertil Steril 2014; 101: 1228-36.
  3. Fageeh et al. Transplantation of the human uterus. Int J Gynaecol Obstet 2002; 76: 245-51.
  4. Erman Akar et al. Clinical pregnancy after uterus transplantation. Fertil Steril 2013; 100: 1358-63.

 
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