Prévention de l’accouchement prématuré : doit-on prescrire de la progestérone vaginale aux patientes ayant une longueur cervicale diminuée en échographie ?

Lecture critique de l’article : Hassan et al. Vaginal progesterone reduces the rate of preterm birth in women with a sonographic short cervix . Ultrasound Obstet Gynecol 2011; 388: 18-31.

Parce qu’elle reste aujourd’hui la première cause de morbidité et de mortalité néonatale, la prévention de la prématurité représente un réel enjeu de santé publique. En 2005, on estimait à 12,9 millions le nombre de naissances prématurées à travers le monde. A ce jour, aucun programme de dépistage et de prévention de la prématurité n’a encore été mis en place. La prématurité est pourtant une pathologie suffisamment fréquente pour se prêter à un dépistage de masse. Elle est associée à une morbidité et à une mortalité élevée et pour laquelle il existe un test de dépistage efficace, peu coûteux et facilement acceptable par les patientes : la mesure échographique de la longueur cervicale. Celle-ci a effectivement fait la preuve de sa capacité à prédire un accouchement prématuré, y compris en l’absence de contractions utérines patentes. La réelle limite à l’absence de mise en place de programmes de dépistage est l’absence de mesures thérapeutiques efficaces pour les patientes identifiées comme étant à risque d’accouchement prématuré par la mesure de la longueur cervicale. Cet essai prospectif multicentrique randomisé en double aveugle, évalue l’impact sur les naissances avant 33 SA de l’utilisation de la progestérone vaginale administrée quotidiennement à des patientes ayant une grossesse simple et asymptomatiques et ayant une longueur cervicale raccourcie (1). La méthodologie ainsi que les critères d’inclusion de cette étude sont importants pour l’extrapolation des résultats à  la pratique médicale courante et doivent donc être précisés. Initialement, un dépistage échographique par mesure systématique de longueur cervicale entre 19 et 23 SA et 6 jours était proposé à toutes les femmes prises en charge dans les centres participants. Ont été incluses dans cette étude les patientes ayant une grossesse simple dont la longueur cervicale mesurée à l’occasion de cette échographie de dépistage était comprise entre 10 et 20 mm. Pour être incluses, en plus d’une longueur cervicale raccourcie entre 19 et 23 SA et 6 jours, les patientes devaient être totalement asymptomatiques et en particuliers n’avoir aucun signe clinique ou symptôme de menace d’accouchement prématurées. Ont été exclues de cette étude : les femmes pour lesquelles un cerclage cervical était programmé, les patientes ayant un col ouvert, les femmes ayant une allergie à la progestérone, celles ayant reçu un traitement par progestérone dans les 4 semaines précédant l’échographie d’inclusion, les cas de malformation fœtale ou d’anomalie chromosomique, les cas de malformation utérine, les patientes ayant des métorragies ou tout signe de chorioamniotite et enfin toutes celles ayant un antécédent pouvant interférer avec leur participation à l’étude ou à l’évaluation du traitement (épilepsie, troubles psychiatriques, hypertension artérielle non équilibrée, maladie cardiaque, hépatique ou rénale, diabète évolué, maladie thrombo-embolique ou pathologie cancéreuse avérée). Après inclusion, les patientes recevaient de manière randomisée et en double aveugle de la progestérone vaginale à 8 % en gel ou un placebo qu’elles devaient appliquer elles mêmes chaque matin. Le traitement était instauré entre 20 et 23 SA et 6 jours et maintenu jusqu’à la fin de la 36e SA ou bien jusqu’à l’accouchement ou la survenue d’une rupture prématurée des membranes si ces événements survenaient avant la fin de la 36e SA. Dans tous les autres cas, le traitement devait être maintenu.

Au total, après le dépistage échographique de 32091 femmes enceintes et l’identification de 733 (2,3 %) femmes ayant un col raccourci, 465 grossesses simples et asymptomatiques ont été incluses et randomisées : 236 ont reçu le traitement par progestérone vaginale alors que 229 ont reçu le placebo. On notera que les caractéristiques des patientes étaient comparables entre les deux groupes. Parmi les patientes incluses, 72 (16 %) avaient au moins un antécédent d’accouchement prématuré survenu entre 20 et 35 SA. Les résultats de cette étude montrent une diminution significative de la probabilité d’accouchement avant 35 SA pour les patientes ayant bénéficié d’un traitement par progestérone en gel. Ainsi, dans une analyse en intention de traiter, c’est-à-dire tenant compte de toutes les patientes incluses indifféremment de leur observance au traitement mais après exclusion des perdues de vues, l’administration quotidienne de progestérone vaginale permettait de diminuer de moitié le risque d’accouchement prématuré avant 33 SA: 8,9 % vs. 16,1 % ; RR=0,55 ; IC à 95 % : 0,33-0,92 ; p=0,02. Selon ce résultat, il faudrait traiter 14 (IC à 95 % : 8-87) patientes asymptomatiques ayant un col raccourci entre 10 et 20 mm entre 19 et 23 SA et 6 jours pour prévenir une naissance avant 33 SA. Le bénéfice de la progestérone était aussi retrouvé quand on ne considérait que les patientes n’ayant pas d’antécédent de naissance prématurée : 7,6 % vs. 15,3 % ; RR=0,50 ; IC à 95 % : 0,27-0,90 ; p=0,002. Cette différence n’était pas retrouvée pour les patientes ayant au moins un antécédent de naissance prématurée : 15,8 % vs. 20,6 % ; RR=0,77 ; IC à 95 % : 0,29-2,06 ; p=0,60. En plus de la prévention des naissances prématurées avant 33 SA, l’administration de progestérone vaginale permettait également une réduction significative des naissances prématurées avant 35 SA (14,5 % vs. 23,3 % ; RR=0,62 ; IC à 95 % : 0,42-0,92 ; p=0,002) et avant 28 SA (5,1 % vs. 1à,3 % ; RR=0,50 ; IC à 95 % : 0,25-0,97 ; p=0,04).  Aucun effet significatif n’était observé sur la probabilité de naissance avant 37 SA. Enfin, l’administration de progestérone permettait de réduire significativement le risque de poids de naissance inférieur à 1500 grammes (6,4 % vs. 13,6 % ; RR=0,47 ; IC à 95 % : 0,26-0,85 ; p=0,01), de détresse respiratoire néonatale (3 % vs. 7,6 %, RR=0,39 ; IC à 95 % : 0,17-0,92 ; p=0,03). Les mêmes différences significatives étaient observées lorsque étaient exclues de l’analyse les patientes n’ayant pas eu une bonne observance du traitement (prise de moins de 80 % des doses prescrites, n=53), celles qui avaient bénéficié d’un cerclage secondaire (n=17) ou celles ayant été perdues de vue (n=17).

Les résultats de cette étude viennent appuyer les résultats d’un autre essai similaire publié en 2007 par Fonseca et al. dans le New England Journal of Medecine (2). Cet autre essai prospectif randomisé avait montré que l’utilisation de la progestérone vaginale chez des patientes ayant une longueur cervicale de moins de 15 mm permettait de réduire significativement le risque de naissance prématurée avant 34 SA (19,2 % vs. 34,4 % ; RR=0,56 ; IC à 95 % : 0,36-0,86). Mais cet essai n’avait pas montré de réduction significative de la morbidité néonatale.

Les résultats de l’étude d’Hassan et el. doivent être utilisés avec précaution et surtout en connaissance précise des critères d’inclusion utilisés. Cet essai ne montre un bénéfice de la progestérone vaginale quotidienne à prévenir une naissance prématurée avant 33 SA et à en réduire la morbidité néonatale que pour des grossesses simples asymptomatiques sans antécédent d’accouchement prématuré dont la mesure systématique de la longueur cervicale était diminuée entre 10 et 20 mm et n’ayant aucune co-morbidité associée. Il n’est pour l’instant pas possible d’extrapoler ces résultats à des patientes n’ayant pas les mêmes caractéristiques que celles incluses dans cette étude et en particulier à celles ayant un antécédent d’accouchement prématuré. Par ailleurs, la progestérone n’a pour l’instant pas fait la preuve de son efficacité à prévenir une naissance prématurée pour les grossesses gémellaires. Deux essais prospectifs ont d’ailleurs récemment confirmé l’absence de bénéfice de la progestérone pour la  prévention des naissances prématurées avant 34 SA des grossesses gémellaires (3), mais aussi des grossesses gémellaires identifiées comme étant à risque de naissance prématurée (4).

Dans tous les cas, les résultats de l’étude de Hassan et al. sont essentiels car, en montrant l’existence d’un traitement efficace pour la prévention de l’accouchement prématuré, c’est la possibilité de la mise en œuvre de politiques de dépistage et de prévention organisées de l’accouchement prématuré qui doit maintenant être discutée. La discussion sur le dépistage échographique systématique des naissances prématurées est maintenant formellement ouverte.

Pour en savoir plus :

  1. Hassan SS, Romero R, Vidyadhari D, Fusey S, Baxter JK, Khandelwal M, et al. Vaginal progesterone reduces the rate of preterm birth in women with a sonographic short cervix: a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Jul;38(1):18-31.
  2. Fonseca EB, Celik E, Parra M, Singh M, Nicolaides KH. Progesterone and the risk of preterm birth among women with a short cervix. The New England journal of medicine. 2007 Aug 2;357(5):462-9.
  3. Rode L, Klein K, Nicolaides KH, Krampl-Bettelheim E, Tabor A. Prevention of preterm delivery in twin gestations (PREDICT): a multicenter, randomized, placebo-controlled trial on the effect of vaginal micronized progesterone. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Sep;38(3):272-80.
  4. Klein K, Rode L, Nicolaides KH, Krampl-Bettelheim E, Tabor A. Vaginal micronized progesterone and risk of preterm delivery in high-risk twin pregnancies: secondary analysis of a placebo-controlled randomized trial and meta-analysis. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Sep;38(3):281-7.

 
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