Césariennes VS accouchement voie basse, rôle de la colonisation digestive bactérienne et conséquences immuno-allergiques chez l'enfant

CEASAREAN VERSUS VAGINAL DELIVERY :LONG TERM INFANT OUTCOMES AND THE HYGIEN HYPOTHESIS
Josef Neu, MD, Jona Rushing, MD
Clin Perinatol 38 (2011) 321-331

REVUE DE LITTERATURE

Aux USA le taux de Césarienne a augmenté de 48% depuis 1996, atteignant 31,8% des accouchements en 2007. Cette tendant est retrouvée un peu partout dans le monde, notamment en Chine (50%) et dans certanes cliniques privées du Brésil (80%). Les risques encourus connus pour le nouveau-né sont la dépression respiratoire (si anesthésie générale), plaie au moment de l’hystérotomie, plus fort risque de détresse respiratoire à terme, complications et échec de la mise en route de l’allaitement maternel.

Parallèlement à l’augmentation du taux de césarienne, il a été noté une augmentation d’incidence de pathologies auto-immunes, telle le diabète de type 1, la maladie de Crohn, la sclérose en plaques et de pathologies allergiques comme l’asthme, la rhinite chronique et la dermatite atopique. Ces maladies sont du reste plus fréquentes dans les pays industrialisés. Plusieurs théories ont été avancées incriminant, dans la genèse de ces maladies, une influence environnementale. De façon notable, il a été suggéré qu’un environnement trop propre dans les premiers mois et années de vie pourrait contribuer au développement de plusieurs maladies pendant l’enfance. Le terrain de cette relation si elle existe est naturellement le tube digestif du nouveau-né, l’adaptation de ce dernier à la nouvelle écologie microbienne à laquelle il est exposé. La grande surface intestinale exposée au nouvel environnement microbien à la naissance dans un contexte de développement du système immunitaire rend tentant le rapprochement de maladies impliquant ce dernier avec le bon ou mauvais déroulement de cette adaptation.
 

1 ECOLOGIE MICROBIENNE ET NAISSANCE

L’intestin du fœtus sain est, d’après les données de la littérature classique, stérile (certaines études récentes suggèrent toutefois une colonisation anténatale du méconium et du liquide amniotique retrouvée lors de naissance prématurée). Rapidement au moment de la naissance, les bactéries d’origine maternelle et environnementale colonisent le tube digestif du nouveau-né, colonisation qui diffère selon le mode d’accouchement.  S’il est vrai qu’il existe une véritable colonisation du liquide amniotique, le foetus en déglutissant 400 à 500 ml par jour à l’approche du terme, quel effet cela provoque-t-il sur le développement du système immunitaire ?

Lors d’un accouchement par voie basse, le contact avec la flore intestinale et vaginale maternelles est une source importante de la colonisation néonatale précoce. Une naissance voie haute empêche ces voies de colonisation au profit de celle de micro-organismes de l’environnement.

En 1999, Grönlund et col ont démontré que les différences dans les flores intestinales selon la voie d’accouchement persistaient jusqu’à 6 mois., voire jusqu’à 7 ans (Salminen et col, 2004). Pourquoi autant de temps on l’ignore encore à ce jour. Les bactéries intestinales jouant un rôle primordial dans le développement postnatal du système immunitaire (Björkstein et al, 2004), ce dernier diffèrera donc selon le mode d’accouchement, sans négliger également un autre point : celui du retard de mise en route de l’allaitement maternel en cas de césarienne, le lait maternel apportant sa propre stimulation de flore intestinale.

 

2. L’absence de contact avec la flore maternelle et le retard de mise en route de l’allaitement sont donc les deux facteurs primordiaux de colonisation bactérienne différente du nouveau-né, et donc du développement différent de son système immunitaire post-natal et probablement pendant longtemps. Quel effet sur le développement de certaines maladies dans l’enfance ?

Diverses études récentes et bien conduites ont permis quelques premières conclusions :

PATHOLOGIE

ITEMS

RISQUE RELATIF
VB/VH
(fourchettes selon études)

Rhinite allergique

Toutes les césariennes

1,14-1,63

 

Césariennes répétées seulement

1,34-2,37

Asthme

Toutes les césariennes

1,01-1,53

 

Sexe féminin

1,10-2,10

 

Sexe féminin +

césariennes répétées

1,13-2,97

Maladie coeliaque

 

1,13-2,88

Diabète de type 1

 

1,04-1,36

Gastroentérite nécessitant une hospitalisation

 

1,24-1,38

Gastroentérite et asthme

 

 

1,36-2,23

 

Le risque relatif paraît surtout marqué pour les maladies immunitaires.  Si l’accouchement par césarienne a été relié à une augmentation  de l’incidence de pathologies comme asthme et rhinite allergique, surtout chez les filles et en cas de césariennes répétées, il n’en est pas de même pour la dermatite atopique. Renz-Polster H et al (2004) ont montré que le risque ultérieur d’asthme chez enfants nés par césarienne (n°2 ou plus) est 60% supérieur en l’absence de travail ou de rupture des membranes antérieur à l’opération, par rapport à la même population mais pour laquelle la rupture de la poche des eaux ou le travail ont précédé le geste.

L’association entre maladies digestives (gastroentérites sévères et maladie coeliaque) et césariennes a également été relevée, mais pas à ce jour de relation entre maladies inflammatoires chroniques du tube digestif (Crohn, RCH) et mode d’accouchement.

Pour le diabète type 1 , 19% d’augmentation de l’incidence de la maladie en cas d’accouchement par césarienne, bien que certaines études l’aient contredit, mais ces dernières concernent des échantillons de population trop faibles.

 

Conclusion

L’accouchement par césarienne a pris une place importante et nécessaire dans l’obstétrique moderne. Malgré tout il semble bien que ce mode d’accouchement perturbe la mise en place de la flore intestinale du nouveau-né. Nous devons progresser sur la compréhension précise de la colonisation bactérienne de l’intestin du nouveau-né et de ses liens avec le développement de son système immunitaire.

Bien que les chiffres cités plus hauts témoignent clairement (sur plusieurs études) qu’il existe une relation entre accouchement par césarienne et développement de certaines pathologies, on en ignore encore la vraie raison, et on reste dans le domaine des suppositions toutes théoriques. On peut espérer que les prochaines études prendront compte notamment des indications des césariennes, à membrane rompue ou non, à travail débuté ou non, afin d’avancer dans les recherches causales.

Afin également de mieux isoler les groupes de ces études à venir il faudra tenir compte d’un autre facteur potentiellement influent, l’antibiothérapie en prépartum.

En conclusion ces données nouvelles doivent entrer dans les discussions concernant notamment les césariennes dites de convenance maternelle et également dans certaines indications de mode d’accouchement, notamment la voie basse après une première césarienne quand elle est techniquement réalisable bien sûr.

 
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