Étude de cohorte : statines et malformations congénitales

Les statines sont les médicaments les plus utilisés pour traiter l’hypercholesterolémie. Basées sur des études animales ayant montré un effet tératogène  potentiel à des doses élevées, celles-ci sont contre indiquées au cours de la grossesse. Les données sur l’utilisation des statines in utero restent faibles. Cependant, une méta-analyse incluant 6 études n’a pas retrouvé d’augmentation des malformations. (RR = 1.15(IC95 % : 0.75-1.76). (1)

L’étude de Bateman et al. est une étude de cohorte basée sur 886 996 grossesses recensées aux États-Unis (US Medicaid programme) entre 2000 et 2007. Cette cohorte regroupait des patientes à faible revenu. Le risque de malformations congénitales (une ou plusieurs complications spécifiques d’organe) en rapport avec l’utilisation de statines au premier trimestre a été étudié ainsi que les effets tératogènes par organe. La population étudiée était une population aux faibles revenus, puisqu’elles étaient éligibles au Medicaid. 1152 parturientes (soit 0.13 %) avaient été traitées par des statines au premier trimestre de grossesse. Les statines les plus utilisées étaient l’atorvastatine (n=538), simvastatine (n=319) et lovastatine (n=132).

Dans cette étude, on observait de nombreux facteurs de confusion :

  • caractéristiques démographiques : âge, origine géographique, année d’accouchement,
  • caractéristiques obstétricales : gestité, parité,
  • médicaments administrés (traitement) à la mère dans les 3 mois,
  • comorbidités associées : diabète, dylipidémie, HTA préexistante, IRC, obésité, alcool, tabac.

En effet, les patientes sous statines étaient plus fréquemment de race blanche, plus âgées et présentaient plus de comorbidités. Un diabète préexistant était présent chez 45.1 % des patientes sous statines. Celles-ci prenaient également plus d’antihypertenseurs, d’insuline ou d’antidiabétiques oraux.
La prévalence de malformations chez ces patientes était de 6.34 % contre 3.55 % dans la population générale (RR=1.79, IC 95 % = 1.43-2.23). Le contrôle de ces facteurs de confusion, comme le diabète préexistant, expliquant cette hausse (RR=1.07, IC95 % = 0.85-1.37).
Les femmes prenant des statines au premier trimestre de grossesse sont à plus fort risque de malformations fœtales. Des malformations cardiaques (RR=3.04, IC 95 %= 1.27-7.30) et du SNC (RR=3.05, IC 95 % = 2.30-4.03) étaient les plus fréquentes. Cependant, après ajustement  sur les facteurs de confusion, on ne retrouvait pas de différence significative.
Dans cette cohorte de plus de 800 000 patientes bénéficiant de Medicaid, on ne retrouvait pas d’association significative entre la prise de statines au premier trimestre et le risque de malformations congénitales ou spécifiques d’organes après contrôle des différents facteurs de confusion.

Aujourd’hui, des questions restent encore en suspens comme les conséquences des statines à savoir le type de malformations congénitales (fausses couches, MFIU) et les effets à long terme.
Les statines sont de plus en plus prescrites chez les femmes en âge de procréer, dues à une augmentation des pathologies cardio-vasculaires du fait d’une augmentation des facteurs de risque tels que l’HTA, surpoids, diabète. Les recommandations actuelles font état d’une contre-indication au cours de la grossesse. Chez les patientes en âge de procréer, les statines sont utilisées comme traitement préventif de la pathologie cardio vasculaire. Certaines pathologies comme l’hypercholestérolémie familiale sont à haut risque de décès. D’autres études s’avèrent toutefois nécessaires pour étudier les effets de l’hypercholestérolémie sur la grossesse et l’intérêt du maintien des statines au cours de la grossesse. Malgré des différences pharmacocinétiques, elles partagent un même mécanisme d’action. Toutefois, il n’a pas été retrouvé de risque accru ce qui rejoint les données de la littérature (2-3).

La FDA désigne toujours les statines comme catégorie X, c’est à dire contre-indiquée; cependant, les patientes sous statines en début de grossesse, doivent être rassurées sur les éventuels risques. L’étude de Bateman est cependant limitée puisqu’elle ne donne pas d’information sur l’utilisation de statines après le premier trimestre de grossesse.
Basées sur la physiopathologie (inhibition de l’HMG-coA réducatse), les statines apparaissent utiles dans la prévention de la prééclampsie. Cependant, il n’y a que peu de données actuellement sur l’utilisation des statines dans le cadre de la prévention de la prééclampsie (4). Une étude de l’équipe du Professeur Asif Ahmed, de l’université de Birmingham, sur l’utilisation de la pravastatine comparée à un placebo comme inhibiteur de facteurs anti angiogéniques, ainsi que sur les conséquences fœtales de son utilisation, est actuellement en cours (5).

Pour en savoir plus :

  1. Zarek J, Koren G. The fetal safety of statins: a systematic review and meta-analysis. J Obstet Gynaecol Can 2014; 36:506-9
  2. Petersen EA, Mitchell AA, Carey JC, Werler MM, Louik C, Rasmussen SA, et al. Maternal exposure to statins and risk for birth defects: a case-series approach. Am J Med Genet 2008;(Part A 146A): 2701-5
  3. Godefrey LM, Erramouspe J, Cleveland KW. Teratogenic risk of statins in pregnancy. Ann Pharmacother 2012; 46:1419-24
  4. Lecarpentier E, Morel O, Fournier T, Elefant E, Chavatte-Palmer P, Tsatsaris V. Statins and pregnancy: between supposed risks and theoretical benefits. Drugs 2012; 72:773-88
  5. A Proof of Principle, Double-Blind, Randomised, Placebo-Controlled, Multi Centre Trial of pravaStatin to Ameliorate Early Onset Pre-eclampsia. http://www.birmingham.ac.uk/research/activity/mds/trials/bctu/trials/womens/StAmP/index.aspx

 
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