THM sur les fonctions cognitives : un rôle globalement neutre ?

La ménopause peut être à l’origine de manifestations variées, avec à la fois des symptômes physiques et psychologiques. Certains pourraient être considérés comme annonciateurs d’un futur déclin cognitif. Les hormones sexuelles, en particulier les estrogènes, ont montré un effet neuroprotecteur ; l’hypoestrogénie post-ménopausique pourrait ainsi contribuer au développement de maladies neurodégénératives. Il est dès lors logique de penser qu’une estrogénothérapie substitutive pourrait réduire ce risque.
Les études de laboratoire et deux essais de petite taille avaient, en effet, suggéré l’existence d’un lien bénéfique entre traitement hormonal de la ménopause (THM) et déclin cérébral lié à l’âge. Cependant, le plus grand essai WHIMS (Women’s Health Initiative Memory Study) a trouvé une augmentation du risque de développer une démence chez les utilisatrices de THM. Par la suite, des études de plus petite taille ont montré des résultats contradictoires.

Une équipe britannique a utilisé les données de deux très importantes études à partir des registres des médecins généralistes QResearch et Clinical Practice Research Datalink (CPRD). Ils ont ainsi pu mener une étude cas témoins de grande envergure, également en lien avec les données hospitalières, la mortalité et le niveau social. Différents types et durées de THM ont pu ainsi être analysés.

L’étude porte sur 118 501 femmes, âgées de 55 ans ou plus, chez lesquelles un diagnostic de démence avait été posé entre 1998 et 2020. Les témoins étaient des femmes appariées pour l’âge, le médecin traitant et la date de diagnostic du cas index, correspondant à 497 416 femmes témoins. L’âge moyen des femmes atteintes de démence était de 83,5 ans.

Dans le registre le plus ancien, les données permettent d’estimer la prévalence de l’hormonothérapie chez les femmes âgées de 50 à 59 ans :

  • 1 % en 1988,
  • un pic de prescriptions en 2000 avec 30 %
  • puis une décroissance après 2003,
  • avec un taux le plus bas en 2013 de 10 %.

13,7% des femmes avec un diagnostic de démence et 13,8 % des témoins avaient utilisé un traitement hormonal de la ménopause plus de trois ans avant la date index.

Globalement, il n’y avait pas d’augmentation du risque de développer une démence en rapport avec THM :

  • pour un traitement par estrogènes seuls : OR= 0. 99 (0.96-1.02)
  • pour un traitement associant estrogènes plus molécule progestative : OR= 1.00 (0.97-1.03)
  • ces données étaient indépendantes de la durée d’exposition à l’hormonothérapie et du délai après l’arrêt.

Les auteurs ont constaté une petite diminution de risque pour un traitement, parmi les plus utilisés en France, associant estrogènes et dydrogestérone pris entre 1 et 11 ans : OR=0.88 (0.75 - 1.02).

Un risque global diminué de démence a été trouvé parmi les cas et les témoins âgées de moins de 80 ans qui avaient pris une hormonothérapie pendant 10 ans ou plus : OR=0.85 (O.76-0. 94).

Cependant, une légère augmentation du risque, avec chaque année d’exposition supplémentaire, de développer une maladie d’Alzheimer a été trouvée chez les femmes qui avait utilisé des estrogènes associés à un progestatif sur de longues durées. Cette augmentation pourrait atteindre 11 % pour une durée de traitement de 5 à 9 ans et 19 % pour des durées de plus de 10 ans, correspondant respectivement à 5 et 7 cas nouveaux pour 10 000 femmes/années.
Il semblait exister une relation linéaire entre la durée de l’exposition d’un estrogène combiné à n’importe quel progestatif et le risque d’Alzheimer, ce risque pouvant augmenter de 1,2% par année d’hormonothérapie.

Cette large étude d’observation ne trouve pas d’association globale entre l’utilisation de THM et risque de développer une démence, avec différents types d’hormones, de doses, de voie d’administration et timing de début de l’hormonothérapie. Il était même noté une diminution du risque de démence avec un traitement très utilisé en France (association estrogène + dydrogestérone).

Cependant lors de l’analyse des cas atteints de maladie d’Alzheimer, il semblerait exister une légère augmentation du risque associé aux traitements combinés lorsqu’ils sont prolongés. Les auteurs évoquent le possible effet néfaste de la molécule progestative qui pourrait peut-être contrecarrer l’effet protecteur des estrogènes.

 

Vinogradova Y, Dening T, Hippisley-Cox J, Taylor L, Moore M, Coupland C et al.
Use of menopausal hormone therapy and risk of dementia : nested case-control studies using case-control sudies using QResearch and CPRD databases. BMJ 2021 ; 374 :n2182 doi :10.1136/bmj.n2182

 
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