Quelle « communauté de vie » pour le couple candidat à l’AMP ?

Avant la réforme intervenue par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique (c’est-à-dire sous le régime de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004), l’assistance médicale à la procréation (AMP) était encadrée strictement par l’article L. 2141-2 du code de la santé publique (CSP) :

« L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation. »

   Depuis la réforme de 2011, la condition de stabilité de 2 ans de vie commune est supprimée dans le nouvel article L. 2141-2 du CSP :

« L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation.  »

   Dans la hiérarchie des normes, un arrêté ne peut être contraire à la loi. Le problème est que l’arrêté relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’AMP du 11 avril 2008, a été modifié par un arrêté du  3 août 2010, lui-même modifié par un arrêté du 2 juin 2014 (JO n° 134 du 12 juin 2014 page 9778), signé par Monsieur B. Vallet, Directeur Général de la Santé, qui n’a pas pris en considération le préambule de l’annexe qui mentionne donc toujours l’exigence de la « preuve d’une vie commune d’au moins deux ans » et au § II-5 de l’Annexe à l’arrêté l’exigence avant le recours à l’AMP d’un « justificatif du mariage ou tout document apportant les éléments en faveur d’une durée de vie commune d’au moins deux ans ».

   Néanmoins, la loi nouvelle ayant supprimé l’obligation d’être « mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans », ni le gynécologue ni le médecin biologiste n’est en droit d’exiger une preuve supprimée par la réforme de 2011.La déclaration écrite sur l’honneur de l’homme et la femme déclarant vivre en couple suffit sans obligation d’apporter la preuve d’une durée de 2 ans de vie commune.

   En revanche, il est indispensable, pour le gynécologue et le biologiste, de faire signer un formulaire dans lequel l’homme et la femme certifient sur l’honneur :

  • consentir au transfert des embryons ou à l’insémination,
  • s’ils sont mariés ensemble : ne pas avoir déposé une requête en divorce ou en séparation de corps,
  • s’ils ne sont pas mariés ensemble : déclarer ne pas être mariés avec une autre personne et être actuellement en état de vie commune.

   Les médecins n’ont pas à se convertir en détectives privés pour vérifier la pertinence des déclarations sur l’honneur de l’homme et la femme formant le couple demandeur à l’AMP et n’ont pas non plus à leur imposer une durée minimum de deux ans de vie commune que la dernière loi de bioéthique (2011) a écartée.

   Le but est d’éviter un conflit de « présomption de paternité », si la femme ment en déclarant être divorcée alors qu’elle ne l’est pas, mais l’article 314 du code civil écarte cette présomption de paternité avec l’homme n° 1 lorsque l'acte de naissance de l'enfant ne désigne pas celui-ci (« le mari » non divorcé contrairement à la déclaration de la mère), et que l'enfant n'a pas de possession d'état à son égard. Le couple obtenant l’AMP déclarera l’homme n° 2 comme étant le père et non le « mari non divorcé » lequel ne pourra pas établir la « possession d’état » de l’enfant puisqu’il n’existait plus de vie commune avec lui au moment de l’AMP et que l’enfant ne vivra normalement pas (ou alors vous êtes tombés sur une situation vaudevillesque très très compliquée…)  sous son toit. Le risque juridique n’est donc pas exclu si la mère signe une déclaration sur l’honneur frauduleuse, mais c’est aux parties (la mère, le père et le mari qui n’est pas le père) à gérer les effets éventuels de la fraude, pas aux cliniciens et biologistes qui peuvent s’en tenir aux termes de la loi de bioéthique modifiée.

   En conclusion, l’article L. 2141-2 n’exige pas « la preuve du divorce » d’avec un autre homme que celui avec lequel la femme constitue aujourd’hui le couple demandeur et qui en atteste par un écrit qui doit être conservé précieusement dans le dossier médical, comme la mention qu’aucun autre obstacle juridique et/ou médical à l’AMP n’est constaté ce qui sera tracé également dans le dossier à archiver.

 
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