Procédés et techniques d’AMP : arrêt du Conseil d’Etat, 30 décembre 2015

1. Rappel du contexte :   

   La loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 a introduit un nouveau régime juridique concernant les procédés biologiques d’assistance médicale à la procréation (AMP), qui doivent être autorisés pour être mis en œuvre dans les établissements de santé ou les laboratoires d’analyses de biologie médicale, les nouvelles dispositions sont codifiées dans le code de la santé publique aux articles L.2141-1 et suivants.

   Les procédés biologiques utilisés en AMP s’entendent des méthodes de préparation et de conservation des gamètes et des tissus germinaux, de fécondation in vitro et de conservation des embryons, que ce soit à des fins d’assistance médicale à la procréation ou de préservation de la fertilité.

   Un décret n° 2012-360 du 14 mars 2012 a fixé les modalités et critères d’inscription des procédés sur une liste publiée par le ministre chargé de la santé après avis de l’Agence de biomédecine, en précisant que les critères d’inscription portent notamment sur :

  • le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil,
  • l’efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l’enfant à naître.

   Toute technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur cette liste fait l’objet, avant sa mise en œuvre, d’une autorisation délivrée par le directeur général de l’Agence de biomédecine après avis motivé de son conseil d’orientation. Si ce conseil considère que la modification proposée est susceptible de constituer un nouveau procédé, sa mise en œuvre est subordonnée à son inscription sur la liste elle-même.

   Par arrêté du 12 juin 2012, le ministre chargé de la santé a fixé la liste des procédés biologique d’AMP régulièrement utilisés à la date du 9 juillet 2011, consacrés par l’usage et faisant l’objet d’une évaluation annuelle au moyens des rapports annuels d’activité transmis par les centres d’AMP :

  • préparation de sperme en vue d’AMP,
  • fécondation in vitro sans micromanipulation,
  • fécondation in vitro avec micromanipulation,
  • congélation des gamètes (ajouté le 6 novembre 2013),
  • congélation des tissus germinaux,
  • congélation de zygotes et d’embryons,
  • maturation in vitro des ovocytes.

   L’Agence de biomédecine, consultée sur la liste fixée par l’arrêté, a constitué pour chaque procédé, un dossier technique comprenant :

  • la description des techniques régulièrement mises en œuvre aux fins d’utilisation de ces procédés,
  • la caractérisation ou la nature du procédé,
  • les procédures et modes opératoires qu’il suppose et l’identification des étapes critiques,
  • le cas échéant, l’impact du procédé sur le nombre d’embryons conservés,
  • une synthèse des données pertinentes issues du suivi des activités biologiques d’AMP et du dispositif de vigilance existant.

 

2. Refus d’inscription de la culture embryonnaire prolongée en coculture sur cellules d’endomètre autologue :

   Les Laboratoires Genévrier ont demandé au ministre de la santé de saisir l’Agence de biomédecine d’une demande de réexamen de la cette liste des techniques pouvant être mises en œuvre dans le cadre des procédés biologiques utilisés en AMP, à la suite d’une décision du 6 novembre 2013 par laquelle le directeur général de l’Agence a refusé d’autoriser la culture embryonnaire prolongée en co-culture sur cellules d’endomètre autologue (Endocell) en tant que technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur la liste.

 

3. Arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2015 (n° 376963) :

Le Conseil d’Etat vient de trancher ainsi qu’il suit :

« 3. La décision par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a rejeté la demande des Laboratoires Genévrier, à la différence de l’autorisation ou du refus d’autorisation du directeur général de l’Agence de la biomédecine, ne présente pas de caractère réglementaire. Ainsi, l’acte en litige ne relève pas des dispositions du 2° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, qui donnent compétence au Conseil d’Etat pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres. Aucune autre disposition du code de justice administrative ne lui donne compétence pour connaître en premier et dernier ressort des conclusions de la requête.

« 4. Toutefois, par une décision du 30 juin 2014, intervenue postérieurement à l’introduction de la requête, le directeur général de l’Agence de la biomédecine a retiré sa décision du 6 novembre 2013, en vue de procéder à un nouvel examen de la demande d’autorisation de la technique Endocell, développée par la société requérante, en tant que technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation. Dans ces conditions, les conclusions de cette société tendant à l’annulation du refus du ministre chargé de la santé de saisir l’Agence de la biomédecine, en vue d’une révision de la liste des techniques autorisées, a perdu son objet. Il appartient dès lors au Conseil d’Etat, par application de l’article R. 351-4 du code de justice administrative, de constater qu’il n’y a pas lieu de statuer.

« 5. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’etat la somme que la société requérante demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions que l’Agence de la biomédecine présente au même titre.

« Décide :

« Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête des Laboratoires Genévrier tendant à l’annulation du refus du ministre chargé de la santé de saisir l’Agence de la biomédecine en vue d’une révision de la liste des techniques visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation.

« Article 2 : Les conclusions des Laboratoires Genévrier et de l’Agence de la biomédecine présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

« Article 3 : La présente décision sera notifiée aux Laboratoires Genévrier, à l’Agence de la biomédecine et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. »

Le dossier était à nouveau en cours d’instruction devant l’Agence de biomédecine, mais le Conseil d’Etat, saisi par requêtes des 1er avril et 30 juin 2014, vient seulement de statuer…

Procédure administrative d’inscription :

Le ministre de la santé procède à l’inscription d’un procédé sur la liste susvisée, après avoir consulté l’Agence de biomédecine, qui doit rendre son avis dans le délai de 4 mois, porté à 6 mois si l’Agence l’estime nécessaire (article R. 2141-1-2, CSP). L’avis est accompagné de celui de son conseil d’orientation et du dossier technique présenté.

L’article R. 2141-1-7 du CSP prévoit que, saisi d’une demande d’autorisation d’une technique modifiant un procédé figurant sur la liste AMP, le directeur de l’Agence de biomédecine saisit le conseil d’orientation de l’agence qui se prononce, par avis motivé, sur la nature et sur l’intérêt de la modification proposée au vu du dossier technique.

Si le conseil d’orientation considère que la modification proposée doit être regardée comme un nouveau procédé, le directeur général rejette la demande et peut proposer au ministre de la santé l’inscription du procédé sur la liste.

L’article R. 2141-1-8 oblige le directeur de l’Agence à statuer sur la demande d’autorisation dans un délai de 4 mois. A défaut, la demande est réputée rejetée.

 
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