Nouveautés en imagerie sénologique

On constate au fil des congrès internationaux une multiplication des techniques d’investigation de la pathologie mammaire non seulement sur le plan diagnostique mais également sur le plan interventionnel.

Ainsi, parallèlement à l’utilisation des deux méthodes cardinales pour le diagnostic de la pathologie mammaire que sont la mammographie et l’échographie, sont apparues plus  récemment cinq méthodes complémentaires dans le but d’augmenter la sensibilité et la spécificité du couple mammographie numérisée plein champ-échographie.

 

La Tomosynthèse :

La mammographie analogique puis  numérisée  à prouvé sa capacité à réduire la mortalité du cancer du sein. Malheureusement la sensibilité de  la mammographie reste relativement basse évaluée à 36 à 70 % dépendant surtout de la densité du tissu  mammaire. Ceci a mené à  proposer en complément un examen échographique tout particulièrement indiqué dans les seins denses (de densité 3 et 4). La raison fondamentale pour la non détection des cancers du sein  est la loi de confusion des plans  en radiologie, c’est-à-dire la superposition de tissus mammaire en particulier dans les  seins denses  ou très hétérogènes.   Ce phénomène de  superposition peut masquer un cancer du sein surtout s’il est de petite taille ; à l’inverse il peut être aussi la cause de faux positif en réalisant une fausse image de masse ou de  distorsion.  De là est née l’idée de  compléter la mammographie classique (2D) par une  mammographie volumique  ou mammographie 3D appelé aussi tomosynthèse (1). On va  effectuer 1 balayage du sein selon un angle (variable d’une machine à l’autre), permettant de réaliser une pile de coupes de  1 mm d’épaisseur. Ceci permet de différencier les différents plans de la glande et ainsi innocenter une image construite (faux positif) ou mettre en évidence sur une ou deux coupes jointives une distorsion franche masquée par la superposition du tissu avoisinant.  Cette technique est disponible en Europe depuis 2008. En février 2011 cette technique a obtenu l’approbation par la FDA pour une utilisation en pratique clinique de dépistage et de diagnostic sur les 2 incidences face et oblique..

Les premières études révèlent (2-4) que cette technique aurait un intérêt principalement pour la détection et la caractérisation des images d’asymétrie et de distorsion architecturale avec une amélioration de la  sensibilité pour le diagnostic du cancer du sein de l’ordre de 10 à 20 % selon les études (7-10). A noter que l’utilisation de la tomosynthèse permet de s’affranchir d’autres incidences en particulier elle rend inutile la  réalisation de clichés en compression focalisée (5-6).Sa place n’est pas encore bien établie lors du bilan initial,  en particulier en fonction de la densité  mammaire. Quelques réticences existent notamment en raison de l’augmentation de l’exposition aux rayons X qu’elle engendre mais des études multicentriques sont en cours pour établir sa valeur diagnostique en terme de détection en remplaçant une des incidences mammographiques. A ce titre une étude randomisée, bicentrique (Tenon – Saint-Louis, Paris), va débuter dans le cadre d’un PHRC national comparant la dose d’irradiation de la tomosynthèse à celle générée par tous les clichés complémentaires réalisés lors de la découverte d’une anomalie mammographique.

D’autres équipes développent l’angio-mammographie : en pratique  cette technique consiste à réaliser successivement deux mammographies numérisées l’une sans puis l’autre avec injection de produits de contraste  iodé. Dans un deuxième temps on  réalise une soustraction du cliché sans injection. Le principe est de mettre en évidence une zone de prise contraste focalisée suspecte d’une pathologie maligne. L’idée et la réalisation sont basées sur le même principe que l’examen I.R.M. Le but pourrait être de supplanter l’IRM mammaire posant des problèmes en terme de faux positifs et en terme de correspondance avec le bilan conventionnel. Les études portent actuellement sur la comparaison entre l’IRM mammaire et l’angio-mammographie pour le bilan d’extension de certains cancers mammaires.

Enfin, une nouvelle technique dite d’imagerie spectrale dont le principe est d’utiliser le comptage des photons et de créer une image en fonction de la perte d’énergie variable en fonction du tissu traversé. Elle pourrait être couplée à la technique de tomosynthèse et trouver une place notamment dans une meilleure évaluation de la taille tumorale et le bilan d’extension des cancers.

Concernant l’imagerie par ultrasons, on assiste à la validation de la valeur ajoutée de l’élastographie à l’échographie mode B classique. En effet l’échographie mammaire est une technique d’imagerie très sensible, sa réalisation dans les seins denses (10)  en complément de la mammographie, majore la sensibilité du dépistage d’environ 27 %. Cependant l’adjonction de l’échographie  entraîne 1 perte de spécificité d’environ 6 %. Il s’ensuit que les taux de biopsie sont presque doublés avec une valeur  prédictive positive faible.  L’idée est venue de compléter l’échographie par la technique d’élastographie, en particulier  dans les nodules classés ACR 3.  Deux techniques sont possibles : l’élastographie statique réalisée par le mouvement de pression-dépression en temps réel sur  la glande mammaire ou  la technique dite d’onde de cisaillement faite par des impulsions ultrasonores successives et focalisées. L’élasticité du tissu mammaire va  alors être directement déduite de la vitesse de propagation des ondes cisaillement. Ceci sera codé en couleur en surimpression sur l’image du nodule visible  en échographie, de couleur bleue pour un tissu mou, de couleur rouge pour un tissu plus dur.   Athanassiou et al.(11) ont montré sur une étude portant sur 48 lésions une spécificité de 0,96 nettement meilleure que l’échographie seule ; la sensibilité n’est pas modifiée (12). De plus il existe une excellente reproductibilité intra et interobservateurs(13).

Ces résultats ont permis l’intégration de l’élastographie dans le nouveau lexique BI-RADS 2012.

Concernant l’imagerie par résonance magnétique, il n’y a pas de véritable révolution mais une bataille s’est ouverte entre les ardents défenseurs et les plus modérés notamment sur la place de l’IRM mammaire dans le bilan d’extension des cancers du sein. Suite aux résultats de l’étude COMICE et aux nombreuses critiques méthodologiques qui ont suivi, une étude européenne multicentrique sous l’égide de la société européenne d’imagerie mammaire (EUSOBI) appelée MIPA se met en place pour réaliser une nouvelle évaluation de l’IRM mammaire pour le bilan d’extension des cancers du sein (12 centres avec plus de 2000 patientes à inclure).

Les techniques ici décrites seront bien sûres évoquées au cours des 3 congrès de fin d’année : EUSOBI, Barcelone en novembre ; SFR, Paris en octobre et RSNA à Chicago en décembre. Ils livreront leur lot de mise au point et de perspectives de développement de ces techniques. Gageons que ces réunions nous surprendront par quelques nouveautés et pourquoi pas par une nouvelle hiérarchie des éléments du diagnostic à notre portée.

 

Bibliographie

1: Rafferty EA. Digital mammography: novel applications. Radiol Clin North Am. 2007 Sep;45(5):831-43, vii. Review.

2: Skaane P, Gullien R, Bjørndal H, Eben EB, Ekseth U, Haakenaasen U, Jahr G, Jebsen IN, Krager M. Digital breast tomosynthesis (DBT): initial experience in a  clinical setting. Acta Radiol. 2012 Jun 1;53(5):524-9.

3: Tagliafico A, Tagliafico G, Astengo D, Cavagnetto F, Rosasco R, Rescinito G, Monetti F, Calabrese M. Mammographic density estimation: one-to-one comparison of digital mammography and digital breast tomosynthesis using fully automated software. Eur Radiol. 2012 Jun;22(6):1265-70

4: Wallis MG, Moa E, Zanca F, Leifland K, Danielsson M. Two-view and single-view tomosynthesis versus full-field digital mammography: high-resolution X-ray imaging observer study. Radiology. 2012 Mar;262(3):788-96. Epub 2012 Jan 24.

5: Noroozian M, Hadjiiski L, Rahnama-Moghadam S, Klein KA, Jeffries DO, Pinsky RW, Chan HP, Carson PL, Helvie MA, Roubidoux MA. Digital breast tomosynthesis is comparable to mammographic spot views for mass characterization. Radiology. 2012 Jan;262(1):61-8. Epub 2011 Oct 13.

6: Tagliafico A, Astengo D, Cavagnetto F, Rosasco R, Rescinito G, Monetti F, Calabrese M. One-to-one comparison between digital spot compression view and digital breast tomosynthesis. Eur Radiol. 2012 Mar;22(3):539-44. Epub 2011 Oct 11.

7: Baker JA, Lo JY. Breast tomosynthesis: state-of-the-art and review of the literature. Acad Radiol. 2011 Oct;18(10):1298-310. Review. PubMed PMID: 21893296.

8: Gur D, Abrams GS, Chough DM, Ganott MA, Hakim CM, Perrin RL, Rathfon GY, Sumkin JH, Zuley ML, Bandos AI. Digital breast tomosynthesis: observer performance study. AJR Am J Roentgenol. 2009 Aug;193(2):586-91

9: Michell MJ, Iqbal A, Wasan RK, Evans DR, Peacock C, Lawinski CP, Douiri A, Wilson R, Whelehan P. A comparison of the accuracy of film-screen mammography, full-field digital mammography, and digital breast tomosynthesis. Clin Radiol.

2012 May 23.

10. Early detection of breast cancer: benefits and risks of supplemental breast Ultrasound in asymptomatic women with mammographically dense breast tissue. A systematic review. Monika Nothacker1, Volker Duda2, Markus Hahn3, Mathias Warm4, Friedrich Degenhardt5, Helmut Madjar6, Susanne Weinbrenner7 and Ute-Susann Albert*8BMC Cancer 2009, 9:335.

11: Athanasiou A, Tardivon A, Tanter M, Sigal-Zafrani B, Bercoff J, Deffieux T, Gennisson JL, Fink M, Neuenschwander S. Breast lesions: quantitative elastography ith supersonic shear imaging--preliminary results. Radiology. 2010 Jul;256(1):297-303. Epub 2010 May 26.

12: Berg WA, Cosgrove DO, Doré CJ, Schäfer FK, Svensson WE, Hooley RJ, Ohlinger R, Mendelson EB, Balu-Maestro C, Locatelli M, Tourasse C, Cavanaugh BC, Juhan V, Stavros AT, Tardivon A, Gay J, Henry JP, Cohen-Bacrie C; BE1 Investigators. Shear-wave elastography improves the specificity of breast US: the BE1 multinational study of 939 masses. Radiology. 2012 Feb;262(2):435-49.

13: Cosgrove DO, Berg WA, Doré CJ, Skyba DM, Henry JP, Gay J, Cohen-Bacrie C; BE1 Study Group. Shear wave elastography for breast masses is highly reproducible. Eur Radiol. 2012 May;22(5):1023-32. 

 
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