Comment le DPANI a modifié la pratique échographique ?

Le dépistage des anomalies chromosomiques, et plus particulièrement de la trisomie 21, la plus fréquente d’entre elles a été bouleversé par l’arrivée du Dépistage Prénatal Avancé Non Invasif, appelé aussi « ADN fœtal ».

Depuis une vingtaine d’années, pour un taux de faux positif de 5 %, nous sommes passés d’une estimation du risque qu’un fœtus soit atteint de cette affection « d’une particulière gravité » par

  • l’âge maternel avec un dépistage d’environ 25 %,
  • les marqueurs sériques maternels (MSM) du 2e trimestre combinés à l’âge maternel ; 65 %,
  • la clarté nucale (CN) rapportée à la longueur crânio-caudale (LCC) et combinée à l’âge maternel ; 75 %,
  • la combinaison de cette dernière technique avec les MSM du 2e trimestre, dit dépistage intégré ; 80 %,
  • le dépistage combiné du 1er trimestre qui est le « gold standard » actuel: âge maternel, CN rapportée à la LCC, marqueurs sériques du 1er trimestre ; 85 %.

Pour la stratégie issue du risque combiné du 1er trimestre, les recommandations officielles sont claires :

  • le risque estimé est supérieur ou égal à 1/250 : un prélèvement invasif, biopsie de trophoblaste ou amniocentèse doit être proposé, avec un taux de fausse-couche de 0,5 à 1 %. Cela concerne 3,5 % des patientes. Dans cette zone on retrouve 90 % des trisomies, mais seuls 10 % des fœtus de cette zone sont atteints ;
  • le risque est inférieur à 1/250 : seule la surveillance échographique doit être proposée. Cela concerne 96,5 % des fœtus et 10 % des trisomies sont dans cette zone.

Mais les choses ne sont pas aussi simples.

En effet plusieurs études ont montré qu’il existait une zone « grise » entre 1/250 et 1/1000 où le risque était plus élevé et où on trouve 9 % des trisomies, contre seulement 1 % quand le risque est inférieur à 1/1000 et donc qu’une attention particulière devait être portée à ces fœtus.
Cette zone a généré ce que l’on appelé, à tort, des « genetic scan », à la recherche de signes échographiques (« soft signs » des anglo-saxons) pouvant faire évoquer un risque plus important de trisomie.
Elle a surtout entraîné des difficultés d’information de nos patientes qui ne comprenaient plus si elles étaient « à risque » en ne l’étant pas ou « pas à risque » tout en l’étant!

Le DPANI a chamboulé tout cela et va radicalement simplifier la tâche des médecins en première ligne dans le dépistage.

Cette technique consiste à quantifier les ADN libres ; celui du fœtus, relargués dans le sang maternel par le trophoblaste et celui de la mère (l’ADN fœtal est présent très précocement dans le sang maternel et ne persiste pas après la grossesse).

On le compare ensuite à un témoin normal. Le résultat est donné en pourcentage, traduisant l’éventuelle surreprésentation du chromosome 21 dans l’ADN libre analysé.
Pour la trisomie 21, sa sensibilité est supérieure à 99 % pour un taux de faux-positif inférieur à 1 %  et on considère qu’un test négatif divise le risque par plus de 40.

On comprend alors l’engouement que suscite ce test, freiné simplement par son prix, environ 400 € actuellement, et l’espoir qu’il a fait naître d’éviter un grand nombre de prélèvements invasifs, donc de pertes fœtales.

Il convient cependant de rappeler certains points :

  • ce test n’est pas un test diagnostic,
  • il ne remplace pas le test combiné du 1er trimestre,
  • ses indications doivent tenir compte des antécédents (T21 lors d’une précédente grossesse, anomalie chromosomique chez l’un des parents notamment),
  • il ne doit pas être prescrit en population générale et doit être réalisé en fonction du résultat du risque combiné. En effet pour un risque combiné du 1er trimestre supérieur à 1/250, un DPANI positif signifie qu’il y a 10 fois plus de risque qu’il s’agisse d’une trisomie que d’un faux positif. Mais à l’inverse pour un risque inférieur à 1/10000, il y a 10 fois plus de risque qu’il s’agisse d’un faux positif que d’une trisomie !
  • la sensibilité du test dépend du terme et du poids maternel,
  • un test positif doit impérativement être confirmé par un caryotype,
  • un certain nombre d’études montrent que le taux d’anomalies chromosomiques est élevé dans les « non-réponses », soit dans 1 à 5 % des cas.

Dès lors une nouvelle stratégie se dessine : à la suite du risque combiné T1 ;

  • le risque est supérieur à 1/100, c’est le haut risque (0,5% des cas) proposition de caryotype,
  • le risque est compris entre 1/100 et 1/1000 (cette limite supérieure restant à préciser) et il n’y a pas d’anomalie échographique, c’est le risque intermédiaire (12,5 % des cas), un DPANI, pris en charge, sera proposé : négatif il remet la patiente dans le circuit d’une surveillance habituelle, positif un caryotype est proposé,
  • le risque est inférieur à 1/1000 c’est le faible risque (87 % des cas) et un suivi habituel par échographie est proposé s’il n’y a pas d’anomalie échographique.

Naturellement le couple garde la main et peut, à sa convenance, suivre les recommandations, faire l’inverse, ou ne rien faire.

En conclusion, nous disposons dorénavant d’un outil fantastique pour le dépistage des anomalies chromosomiques et en particulier de la trisomie 21.
À nous de l’utiliser à bon escient pour le bénéfice de nos patientes.

 

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.