Vaccin anti-HPV : Une dose suffit ?

Lecture critique de l’article : Sankaranarayanan et al. Immunogenicity and HPV infection after one, two, and three doses of quadrivalent HPV vaccine in girls in India: a multicentre prospective cohort study. Lancet Oncol 2016; 17: 67–77
 

Disponible depuis maintenant près de 10 ans, la vaccination anti-HPV a initialement été proposée en France sur un schéma de trois doses vaccinales. Ces recommandations reposaient initialement sur les résultats des principaux essais randomisés ayant mis en évidence une efficacité vaccinale, qu’il s’agisse du vaccin bivalent ou quadrivalent, de près de 100 % pour prévenir les lésions intraépithéliales de haut grade dues aux types viraux ciblés par la vaccin en population naïve et de plus de 55 % en intention de traiter.1-3 Depuis quelques années, la vaccination est désormais proposée en France prioritairement aux jeunes filles de 11 à 14 ans avec un schéma vaccinal simplifié à 2 injections espacées de 6 mois.4 Cette réduction des doses du schéma vaccinal a été rendue possible par les résultats d’essais ayant mis en évidence une réponse immunitaire très forte chez les jeunes filles pré-adolescentes.5,6  De manière générale, la réduction des doses du schéma vaccinal est un enjeu majeur de santé publique, et ce pour deux raisons principales. Il est évident qu’une diminution du nombre d’injections permet de limiter les couts. Mais la seconde raison est qu’en simplifiant le schéma vaccinal, on peut espérer une meilleure adhésion à celui-ci et un meilleur taux de couverture.

Les résultats de l’étude que je vous présente ici étaient attendus depuis de nombreuses années.7 Il s’agissait initialement d’une étude prospective dans laquelle les patientes étaient randomisées entre un schéma vaccinal à 3 et à 2 injections utilisant le vaccin quadrivalent. Initiée en Inde en 2009, chez des jeunes filles âgées de 10 à 18 ans, cette étude avait malheureusement dû être interrompue suite à des difficultés locales n’ayant rien à voir avec l’étude ni avec le vaccin. Il résulte de cette interruption une étude observationnelle permettant la comparaison de 4 schémas vaccinaux ; près de la moitié des patientes n’ayant pu recevoir toutes les doses vaccinales. On dispose ainsi des données du suivi de 17729 jeunes filles dont  4384 (25 %) avaient reçu 3 doses vaccinales (J1, J60 et J 180 ou plus), 4979 (28 %) avaient reçu 2 doses (J1 et J180 ou plus), 3452 (19 %) avaient reçu 2 doses par défaut (J1 et J60) et 4950 (28 %) avaient reçu une seule dose vaccinale par défaut également. Il est important de noter que le critère de jugement principal de cette étude était immunologique avec en particulier le taux et l’avidité d’anticorps anti-HPV 16, 18, 6 et 11 obtenus. Le critère de jugement secondaire de l’étude était le taux d’infection, en particulier d’infection persistante, aux différents types d’HPV ciblés par le vaccin.

Au final, cette étude confirme que deux doses de vaccin anti-HPV quadrivalent administrées à 180 jours d’intervalle ou plus ne sont pas inferieures à un schéma vaccinal à 3 doses en terme d’immunogénicité et que la prévention des infections à HPV 16, 18, 6 et 11 transitoires et persistantes est équivalente à celle obtenue avec un schéma vaccinal à 3 doses. Mais cette étude montre également pour la première fois la démonstration de l’efficacité d’une administration d’une dose vaccinale unique. Celle-ci permettait effectivement d’obtenir des taux d’anticorps anti-HPV neutralisants avec une protection vaccinale pour la prévention des infections comparable à celle observée après deux ou trois doses vaccinales.

S’ils sont extrêmement intéressants, ces résultats permettent, d’abord de valider l’efficacité d’une vaccination reposant sur deux doses vaccinales. Il est encore trop tôt pour pouvoir affirmer qu’une seule dose de vaccin suffit et d’autres travaux évaluant cette question sont bien évidemment indispensables avant de valider ce résultat. Il est désormais attendu que les futurs essais vaccinaux étudient l’efficacité d’une vaccination monodose. De tels essais sont tout particulièrement attendus pour la vaccination nonavalente à venir. Finalement, il n’est pas impossible que dans un avenir proche, la vaccination anti-HPV soit proposée à des jeunes filles encore plus jeunes avec une seule et unique dose vaccinale.
 

Pour en savoir plus

  1. Schiller JT, Castellsague X, Garland SM. A review of clinical trials of human papillomavirus prophylactic vaccines. Vaccine 2012; 30 (suppl 5): F123–138.
  2. Bosch FX, Broker TR, Forman D, et al. Comprehensive control of human papillomavirus infections and related diseases. Vaccine 2013; 31 (suppl 5): F1–31.
  3. Erickson BK, Landers EE, Huh WK. Update on vaccination clinical trials for HPV-related disease. Clin Ther 2014; 36: 8–16.
  4. Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) consacré au calendrier des vaccinations 2013. Le Calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2013 selon l’avis du Haut Conseil de la santé publique. BEH 2013, n° 14-15. http://www.invs.sante.fr/Publications-et-outils/BEH-Bulletin-epidemiolo…- domadaire/Derniers-numeros-et-archives/Archives/2013/BEH-n-14-15-2013
  5. 6 Block SL, Nolan T, Sattler C, et al. Comparison of the immunogenicity and reactogenicity of a prophylactic quadrivalent human papillomavirus (types 6, 11, 16, and 18) L1 virus-like particle vaccine in male and female adolescents and young adult women.
    Pediatrics 2006; 118: 2135–45.
  6. 7 Pedersen C, Petaja T, Strauss G, et al. Immunization of early adolescent females with human papillomavirus type 16 and 18 L1 virus-like particle vaccine containing AS04 adjuvant. J Adolesc Health 2007; 40: 564–71.
  7. Sankaranarayanan et al. Immunogenicity and HPV infection after one, two, and three doses of quadrivalent HPV vaccine in girls in India: a multicentre prospective cohort study. Lancet Oncol 2016; 17: 67–77

 
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