Salpingectomie prophylactique et cancer de l’ovaire

Dans les pays développés le cancer de l’ovaire apparait comme le cancer gynécologique qui présente la plus haute mortalité, avec en effet environ 225.000 nouveaux cas chaque année dont 140.000 décès.

Il n’y a à ce jour encore aucune méthode de dépistage à la fois suffisamment sensible et spécifique qui autorise son diagnostic précoce ou sa prévention.

Les cancers séreux de l’ovaire de haut grade en sont le type histologique le plus fréquent et il a été évoqué depuis plusieurs années, l’origine tubaire distale de la majorité de ce type de lésions, (voire article prévention du cancer de l’ovaire par la Salpingectomie : Gyneco-Online déc. 2011) par ailleurs la perméabilité tubaire pourrait egalement jouer un rôle permissif dans les formes endométrioïdes et à cellules claires en laissant passer par reflux des cellules endométriales ou des agents inflammatoires et/ou infectieux.

La plus grande rareté des lésions ovariennes néoplasiques chez les patientes ayant bénéficié d’une ligature de trompe pourrait être probablement expliqué par ce phénomène.

Depuis ces travaux physiopathologiques les sociétés de Gynécologie canadiennes et notamment en Colombie Britannique ont préconisé en septembre 2010 :

  1. de réaliser prophylactiquement une Salpingectomie bilatérale lors de tout geste chirurgical pelvien (hystérectomie) en cas de préservation ovarienne (chez les patientes ne désirant pas de grossesse) afin de tenter de réduire l’incidence du cancer de l’ovaire dans la population générale.
     
  2. De pratiquer plutôt une Salpingectomie bilatérale qu’une simple ligature de trompe lors des stérilisations tubaires
     
  3. D’adresser les patientes aux antécédents familiaux de cancer ovariens pour une enquête oncogénétique afin de rechercher une mutation des BRCA 1-2

Les autorités sanitaires prévoyaient que ces actions permettraient de diminuer de 40% l’incidence des cancers ovariens au cours des 20 prochaines années…

Le but de l’étude présentée ici est de déterminer si cette politique active de Salpingectomie pouvait avoir des conséquences défavorables à court terme en matière de durée ou de complications opératoires.

Entre les années 2008 et 2011 la pratique de la Salpingectomie bilatérale est passée de 5 à 35% au cours des hystérectomies et de 0.5 à 33% au cours des stérilisations tubaires.

La durée opératoire moyenne s’en est trouvée allongée respectivement de 16 minutes pour les hystérectomies et de 10 minutes pour les stérilisations.

Il est amusant de noter au passage que le nombre de Salpingectomies bilatérales isolées chez les femmes de 15 à 39 ans est passé de 68 en 2009, à 435 en 2010, et 934 en 2011 ! Alors que chez les femmes de 50 à 54 ans  au de ces 3 années ce nombre était de 10 puis 37 puis 49…

Aucune différence significative n’a été retrouvée sur le taux de réadmission, transfusion sanguine, tant sur les hystérectomies que sur les stérilisations tubaires. A noter que le taux d’hystérectomie par laparotomie est passé au cours de la même époque de 77% à 44% au bénéfice de la cœlioscopie, la voie vaginale ou  de méthodes combinées (bien que la voie vaginale pure ne facilite pas vraiment la réalisation d’une Salpingectomie…).

Cependant cette étude ne permet pas d’étudier la durée ou la valeur résiduelle de la fonction ovarienne dont la vascularisation risque d’être modifiée par le geste opératoire.

Les auteurs concluent donc à la faisabilité et l’innocuité d’une telle procédure qui permettra selon eux de diminuer d’ici vingt ans l’incidence du cancer ovarien ou en tous cas de mesurer l’évolution de la répartition des futures formes histologiques.

 

Opportunistic Salpingectomy: Uptake, Risks and Complications of a Regional Initiative for Ovarian Cancer Prevention.

McAlpine JN, Hanley GE, Woo MM, Tone AA, Rozenberg N, Swenerton KD, Gilks CB, Finlayson SJ, Huntsman DG, Miller DM; British Columbia’s Ovarian Cancer Research Program (OVCARE).

Am J Obstet Gynecol. 2014 Jan 8. pii: S0002-9378(14)00014-3. doi: 10.1016/j.ajog.2014.01.003.
 

Pour en savoir plus:

Prophylactic salpingectomy in premenopausal low-risk women for ovarian cancer: primum non nocere.Gynecol Oncol.2013 Jun;129(3):448-51. doi: 10.1016/j.ygyno.2013.03.023.Epub 2013 Apr 2.Morelli M, Venturella R, Mocciaro R, Di Cello A, Rania E, Lico D, D'Alessandro P, Zullo F.

Tubal ligation, hysterectomy and epithelial ovarian cancer in the New England Case-Control Study.Int J Cancer.2013 Nov 15;133(10):2415-21. doi: 10.1002/ijc.28249. Epub 2013 Jul 9.Rice MS, Murphy MA, Vitonis AF, Cramer DW, Titus LJ, Tworoger SS, Terry KL

 
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