Quelle prise en charge offrir à une patiente ayant presenté des fausses couches précoces à répétition : bilan des dernières recommandations pour la pratique clinique du CNGOF

Lors des dernières journées du CNGOF qui se sont tenues début décembre 2014, ont été présentées les RPC sur les « Pertes de grossesse » (1). Ce texte apporte en particulier des précisions importantes sur la manière optimale de prendre aujourd’hui en charge une patiente ayant présenté des fausses-couches précoces à répétition (FCPR) (2). Il adopte également une position claire concernant les traitements à prescrire chez ces patientes. Comme toujours, ces RPC sont exprimées en grades (A, B ou C) selon les niveaux de preuve dont on dispose dans la littérature. Pour mémoire, on retiendra qu’un niveau de preuve A correspond à une preuve scientifique établie. Un niveau de preuve B correspond à une présomption scientifique et un niveau de preuve C correspond à un faible niveau de preuve.

On notera tout d’abord que la définition retenue d’une FCPR est « la survenue de 3 fausses-couches consécutives survenues avant 14 SA au sein du couple ».
A ce jour, les facteurs de risque maternels démontrés de FCPR sont : l’âge supérieur ou égal à 36 ans (NP3),  l’obésité (IMC ≥ 30), le tabagisme (NP3), la consommation de plus d’un tasse de café par jour (NP3), une endométrite chronique (NP2), une carence maternelle chronique en vitamine B9, B12 et l’hyperhomocystéinémie (NP3), l’hypothyroïdie (NP1),les facteurs psychologiques et en particulier le stress (NP3) et l’existence d’une malformation utérine congénitale (NP1). Par contre, il n’a pas été démontré dans la littérature que les anomalies acquises de la cavité utérines soient associées à un risque accru de FCPR (NP2). Enfin, les données de la littérature sur le lien entre la présence d’une infection vaginale et le risque de FCPR sont contradictoires et ne permettent pas de conclure sur ce point. Il en est de même pour l’impact de l’insuffisance lutéale et d’un taux de progestérone bas. Concernant l’homme, il ‘existe actuellement aucun facteur de risque démontré de FCPR. En particulier, l’effet de l’âge, du poids, du tabagisme ou de la qualité du spermogramme sur le risque de FCPR n’ont pas été évalués chez l’homme.

Concernant les anomalies chromosomiques, les aneuploïdies embryonnaires sont associées à un risque accru de FCPR (NP2). On retrouve également une augmentation de la fréquence des anomalies chromosomiques parentales en cas de FCPR (NP1). Concernant l’impact des mutations du facteur V, du facteur II et du gêne MHTFR chez la femme, il est important de souligner que la preuve d’un risque accru de FCPR en cas de mutation du facteur II ou V n’est pas faite et que la mutation du gène MTHFR n’est pas associé à un risque accru de FCPR (NP1). Il n’est donc pas recommandé de faire la recherche de ces mutations en première intention pour le bilan de FCPR, sauf en cas d’antécédent personnel ou familial au premier degré de maladie thromboembolique veineuse. On notera enfin que certains polymorphismes génétiques sont associés à un risque accru de FCPR (NP1). Toutefois, leur recherche n’est pas justifiée en cas de FCPR car le résultat ne modifiera pas la prise en charge des patientes. Le bilan à réaliser en cas de FCPR associera la recherche d’un diabète (Grade A), d’un SAPL (Grade A) un bilan thyroïdien avec la recherche d’anti-TG et d’anti-TPO (Grade A), la recherche d’une carence en vitamine B12, B9 et une hyperhomocystéinémie (Grade C) et d’une hyperprolactinémie (Grade B). IL est également recommandé de réaliser une hystéroscopie diagnostique afin de s’assurer de la normalité de la cavité utérine (Grade C) et un caryotype du couple à la recherche d’une anomalie chromosomique (Grade A). On notera qu’aucun facteur de risque ne sera identifié par ce bilan dans 50 à 70 % des cas. Dans le cas de FCPR sans facteur de risque identifié, on recherchera une altération de la réserve ovarienne par dosage de l’AMH et par un CFA à l’échographie pelvienne à J3 du cycle (Grade C). IL n’est par contre pas recommandé de réaliser un bilan de thrombophilie (Grade C), l’étude des polymorphismes génétiques (Grade C) ou un spermogramme. Il est par contre recommandé, si cela est possible, de réaliser une analyse cytogénétique du produit de fausse-couche (Grade C).

La prise en charge de ces patientes va ensuite bien évidemment découler des résultats de ce bilan. Ainsi on traitera une éventuelle hyperprolactinémie par la prescription de bromocriptine (Grade B), on traitera une hypothyroïdie (Grade B) ou on supplémentera une carence vitaminique (Grade C). Concernant la prescription d’une anticoagulation ou d’un traitement antiagrégant, on notera que la prescription d’aspirine n’est pas recommandée pour prévenir les récidives de FCPR inexpliquées (Grade B). Ce traitement n’a en effet pas fait la preuve de son efficacité (NP2). Il en est exactement de même pour la mise sous HBPM entre 20 et 40 mg/j qui n’est pas non plus recommandée (Grade B). Il n’est pas non plus recommandé de proposer l’association d’une HBPM et de l’aspirine (Grade B) ; ce traitement n’a pas non plus fait la preuve de son efficacité (NP2). La prescription de l’association d’une HPBM et de l’aspirine sera par contre indiquée en cas de FCPR chez une patiente porteuse d’un SAPL (Grade A). Par contre, cette association n’est pas recommandée chez une patiente porteuse d’une thrombophilie génétique sans aucune manifestation clinique (Grade B). Enfin, la prescription d’une HBPM seule chez une patiente présentant une thrombophilie constitutionnelle sans antécédent de maladie thromboembolique n’est pas recommandée dans l’unique but de prévenir une fausse-couche (Grade C). Concernant la prescription d’une corticothérapie à faible dose au premier trimestre pour les patientes porteuses d’auto anticorps, celle-ci n’a pas été évaluée et aucune recommandation ne peut donc être formulée à ce sujet. Enfin il n’est pas recommandé de prescrire des immunoglobulines par voie intraveineuse dans ce contexte (Grade A).

Pour en savoir plus

  1. Huchon et al. Pertes de grossesses : recommandations pour la pratique clinique – Texte court. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10):918-928.
  2. Gallot et al. Fausses-couches précoces « à répétition » : Bilan et prise en charge. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10): 812-841.

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.