Pourquoi la ménopause n'intéresse-t’elle plus le corps médical ?

Il s’agit là malheureusement d’un constat qui se vérifie tous les jours. La WHI est passée par là et avec elle, la remise en cause de l’intérêt du traitement hormonal de la ménopause (THM) largement relayée par les autorités de santé et autres médias bienveillants.

L’industrie pharmaceutique s’est désengagée et avec elle, les invitations aux congrès et autres avantages en nature auxquels le corps médical s’était largement habitué… Le temps est loin des congrès rassemblant sur ce thème plus de 1 500 médecins (dont il est vrai moins de 1% payaient leur inscription ou leur déplacement…). Arriver actuellement à réunir plus de 300 personnes est devenu une gageure et malgré la qualité scientifique des manifestations.

Et de fait, les médecins ont abandonné leurs patientes ménopausées à leurs bouffées de chaleur et autres troubles fonctionnels. Fini également, le dépistage et la prévention de l’ostéoporose post-ménopausique ! Malgré le remboursement de l’acte d’ostéodensitométrie depuis juillet 2006 (certes, avec des contraintes qui ne facilitent pas sa diffusion), le nombre d’examens diminue en France de 6% par an depuis 4 à 5 ans. Moins de 573 000 examens en 2013, alors que 2 ans au préalable, 100 000 de plus avaient été réalisés (et pour une cible potentielle de 3 à 4 millions de femmes en ne considérant que celles répondant aux conditions du remboursement !). Et bien sûr, moins on dépiste, moins on fait de la prévention et moins on traite, qu’il s’agisse du THM mais également des autres thérapeutiques de l’ostéoporose… avec pour corollaire, une augmentation de la prévalence des fractures ostéoporotiques récemment constatée en France !

Les médecins ont baissé les bras, autant en raison de la pression des autorités de santé, relayant souvent leurs propres craintes, que des difficultés à convaincre des patientes chez qui le journal télévisé de 20 heures ou internet sont devenus des sources d’information beaucoup plus crédibles. Et pourtant, la problématique est loin d’avoir disparue. Le nombre des femmes ménopausées ne fait que s’accroître. Rappelons que nous en comptons en France plus de 10 millions et que du fait de la progression de l’espérance de vie, plus d’un tiers de leur vie se déroulera dans une situation de carence hormonale. Oh rassurons tout de suite le lecteur effrayé, la ménopause n’est effectivement pas une maladie (en dehors des situations d’insuffisance ovarienne prématurée); il s’agit bien d’un phénomène physiologique qui est « normal » aux yeux de tous, femmes comme médecins. Néanmoins, chez un pourcentage non négligeable de ces femmes, c’est bien la carence estrogénique qui va favoriser l’émergence des pathologies de la ménopause, l’ostéoporose post-ménopausique ou le risque coronarien n’en n’étant que les plus emblématiques. Et c’est à nous tous, gynécologues mais également médecins généralistes, de dépister les femmes qui abordent leur ménopause avec déjà des facteurs de risque dont l’impact va être amplifié par la carence hormonale de la ménopause ; et ne parlons même pas de notre mission d’information, de réassurance et de prise en charge des attentes de nos patientes !

Les moyens du dépistage se sont développés, la connaissance de l’impact tissulaire des estrogènes s’est formidablement améliorée : fenêtre d’intervention du traitement, hormones bio-identiques, voie cutanée d’administration des estrogènes, autant de concepts étrangers à la WHI qui rendent le challenge de la prise en charge hormonale encore plus passionnant qu’au préalable. Alors, arrêtons de sacrifier une génération de femmes, rebroussons nous les manches et redonnons aux femmes ménopausées l’attention qu’elles méritent !

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.