Optimiser le traitement des lésions intra épithéliales de haut grade du col utérin par résection a l’anse diathermique grâce à la colposcopie

Les recommandations européennes précisent que les traitements d’exérèse des lésions intra épithéliales de haut grade (LIEHG ou CIN2-3) doivent être réalisés sous guidage colposcopique (1). Si ces recommandations semblent logiques (il est tout de même souhaitable de regarder ce qu’on retire), elles ne reposent que sur des avis d’experts ; à l’époque de leur rédaction, aucune publication n’avait évalué l’apport de la colposcopie sur la qualité des traitements d’exérèse. Au cours de ces dernières années, notre équipe s’est particulièrement intéressée à cette question qui, si elle semble triviale, est associée à un impact de santé public potentiellement important. Rappelons que les traitements d’exérèse des LIEHG (conisation et résection à l’anse diathermique) sont associés à un risque accru d’accouchement prématuré et à la morbidité et mortalité néonatale qui en découle (2, 3). Ce point est d’autant plus important que près de 30 000 conisations sont réalisées chaque année en France et qu’elles concernent le plus souvent des femmes en âge de procréer. En pratique, il semble que l’élément déterminant du risque d’accouchement prématuré ultérieur soit l’importance de la résection réalisée en terme de dimensions de la résection, et en particulier de hauteur, mais également en terme de volume de col réséqué. Lorsque nous faisons une conisation, l’enjeu est donc de trouver le difficile équilibre entre la réalisation d’un geste efficace et curatif, idéalement en marges saines et la réalisation d’une exérèse de dimensions, de hauteur et en particulier de volume les plus contenus possible.

Deux études rétrospectives ont montré que la réalisation d’un traitement d’exérèse sous vision colposcopique permet d’augmenter significativement la probabilité d’obtenir des marges saines tout en réduisant la  hauteur et le volume réséqué (4, 5). Si ces études sont importantes pour la pratique quotidienne, elles  souffrent néanmoins de nombreuses limitations qui rendent l’interprétation de ces résultats délicate. Le principal biais reste bien évidemment la nature rétrospective de ces études, mais aussi le risque d’un biais de confusion entre les performances du chirurgien et en particulier ses compétences en colposcopie et en pathologie cervicales et l’utilisation du colposcope faite lors de l’intervention. Il semble effectivement difficile de considérer que l’utilisation du colposcope soit la même d’un chirurgien à un autre en fonction de sa formation, de son expérience et de sa pratique colposcopique quotidienne. Pour cette raison, nous avons récemment mené un essai prospectif multicentrique (6). Au total, 216 patientes ayant bénéficié d’une résection à l’anse pour le traitement d’une LIEHG documentée par une biopsie préalable avec une jonction visible ont été inclues dans cette étude. Neuf centres hospitaliers universitaires ont participé à cette étude. Les résections étaient réalisées selon l’habitude de chacun : soit sans utilisation du colposcope lors de la résection, en se référant alors au compte rendu de la colposcopie pré opératoire uniquement, soit en faisant une colposcopie immédiatement avant la résection qui était réalisée sous contrôle visuel simple, soit enfin en réalisant la résection entièrement sous guidage colposcopique. Enfin, les dimensions et le volume des pièces opératoires étaient mesurés au bloc opératoire, immédiatement après la résection, sur pièce fraiche, avant fixation dans le formol. Les résultats montrent que par rapport aux autres techniques, l’utilisation de la colposcopie pour guider la résection permet de réduire significativement toutes les dimensions ainsi que le volume du fragment réséqué, sans modifier les risques de marges non saines.

Alors bien évidemment, on peut reprocher encore des limites à ce travail et en particulier l’absence de randomisation ou le risque de biais de confusion. Mais surtout on peut s’interroger sur l’impact réel d’une telle réduction de volume et de dimensions sur le risque d’accouchement prématuré. Car si les dimensions et le volume sont plus faibles, est ce que cette réduction suffit à réduire le risque d’accouchement prématuré qui en résulte ? D’autres études restent nécessaires pour répondre à cette question. Une autre question est de savoir si en minimisant les dimensions du fragment de col réséqué, on ne modifie pas le risque de lésion résiduelle et/ou de récidive. Dans une autre étude récemment publiée, nous n’avons pas observé de différence significative du risque d’échec thérapeutique après traitement d’exérèse d’une LIEHG en fonction de l’utilisation faite de a colposcopie lors du geste opératoire (7). Là encore, d’autres études sont nécessaires pour étayer ces résultats et en particulier, le suivi des patientes de notre essai prospectif permettra de répondre à cette question avec une meilleure méthodologie.

A ce jour, les données de ces études récentes incitent à recommander que les conisations soient systématiquement réalisés sous visions colposcopique, ceci afin de garantir des excisions optimisées en terme de dimensions, de volume et de marges, dans l’espoir de limiter l’impact de ces traitement sur le risque de prématurité ultérieure. On ne peut que regretter qu’en France, la colposcopie soit utilisée par une toute petite minorité de chirurgiens. Dans une enquête nationale, seulement 30 % des chirurgiens interrogés ont répondu utiliser la colposcopie pour guider leurs résection (8)…

Pour en savoir plus

  1. Jordan J et al. European guidelines for clinical management of abnormal cervical cytology, Part 2. Cytopathology 2009;20:5‑16.
  2. Kyrgiou M et al. Obstetric outcomes after conservative treatment for intraepithelial or early invasive cervical lesions: systematic review and meta-analysis. Lancet 2006;367:489‑98.
  3. Arbyn M et al. Perinatal mortality and other severe adverse pregnancy outcomes associated with treatment of cervical intraepithelial neoplasia: meta-analysis. BMJ 2008;337:a1284.
  4. Grisot et al. How to optimize excisional procedures for the treatment of CIN? The role of colposcopy. Arch Gynecol Obstet 2012;285(5):1383-90.
  5. Carcopino et al. Direct colposcopic vision used with the LLETZ procedure for optimal treatment of CIN: results of joint cohort studies. Arch Gynecol Obstet 2013;288(5):1087-94.
  6. Préaubert et al. The benefits of direct colposcopic vision for optimal LLETZ procedure: A prospective multicenter study. J Low Gen Tract Dis 2015. Article en cours de publication
  7. Heineman et al. Treatment failure following excision therapy of CIN: The impact of direct colposcopic vision during procedure. Arch Gynecol Obstet 2015. Article en cours de publication
  8. Einaudi et al. How are excisional therapies for CIN performed in France? A national audit. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015; 44(5):403-10.

 
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