La superiorité du test HPV sur le frottis : est-ce vraiment aussi simple ?

Le test HPV est plus performant que le frottis pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Voilà ce que nous disent les résultats de nombreux essais randomisés publiés au cours de la dernière décennie. En particulier, deux de ces essais ont montré la réduction significative de l’incidence du cancer du col chez les patientes dépistées par le test HPV (1, 2). La lecture de toutes ces différentes publications montre que le test HPV est plus performant que le frottis pour prévenir le cancer du col de l’utérus en détectant les lésions préinvasives plus précocement et assure une durée de protection plus importante permettant d’allonger la durée entre deux tests de dépistage en cas de test HPV négatif. Pourtant, en Europe, et plus particulièrement en France, le test HPV tarde à être introduit dans les politiques de dépistage. Aux Etats-Unis, le dépistage combinant le frottis au test HPV est maintenant recommandé de manière préférentielle au frottis seul pour le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus des femmes de plus de 30 ans (3). Une des questions fondamentales à propos de l’utilisation du test HPV pour le dépistage du cancer du col est la valeur extrinseque des études l’ayant évalué. En d’autres termes, est ce que le test HPV a été utilisé dans ces études dans les conditions qui seraient celles de son utilisation clinique courante ? Peut-on donc extrapoler les résultats observés à nos patientes et à notre activité ? Ces questions sont fondamentales car la démonstration de la supériorité du test HPV sur le frottis en Inde rurale, aussi solide soit-elle, ne permet pas de conclure que celui-ci est le plus adapté à nos patientes (1). Le Lancet vient de publier une méta analyse reprenant les résultats des quatre principaux essais prospectifs randomisés comparant le frottis au test HPV et ayant été réalisés en Europe industrialisée, c’est à dire, dans des conditions d’exercice et au sein de populations proches de la notre (4). Les essais réunis dans cette méta analyse sont l’essai suédois swedescreen (5), l’essai néerlandais POBASCAM (6, 7), l’essai anglais ARTISTIC (8)et enfin l’essai Italien NTCC (2). Au total, ce sont 176464 femmes âgées de 20 à 64 ans qui ont été incluses dans ces quatre essais avec un suivi médian de 6,5 ans. L’analyse des résultats confirme une fois de pus la supériorité du test HPV sur le frottis. Mais surtout, il démontre que le test HPV permet effectivement de réduire l’incidence du cancer du col dans nos populations (Pooled Rate Ratio (PRR) : 0,60 ; IC à 95 % : 0,40-0,89). Cette réduction est d’autant plus importante avec le temps, confirmant la protection à long terme du test HPV. Ainsi, la réduction d’incidence observée est la plus importante après 2,5 ans de suivi (PRR : 0,45 ; IC à 95 % : 0,25-0,81). Cette méta analyse apporte également des résultats extrêmement intéressants pour comprendre les raisons de la supériorité du test HPV sur le frottis. Notamment, elle montre que le test HPV n’est pas plus performant que le frottis pour réduire l’incidence des carcinomes épidermoïdes (PRR : 0,78 ; IC à 95 % : 0,49-1,25) mais que cette supériorité est par contre évidente pour les adénocarcinomes (PRR : 0,31 IC à 95 % : 0,14-0,69). Ce point n’est d’ailleurs que l’illustration des limites connues du frottis pour le dépistage des lésions endocervicales. Ce résultat est d’autant plus logique quand on sait que, comme les carcinomes épidermoides, les adénocarcinomes sont majoritairement associés aux HPV de haut risque (9).  Autre point important, cette étude montre bien qu’il est inutile d’utiliser le test HPV chez les femmes les plus jeunes. Avant 30 ans, aucune réduction significative de l’incidence des cancers invasifs n’a effectivement été mise en évidence. La réduction d’incidence la plus importante a été observée chez les femmes de 30 à 35 ans (PRR : 0,36 IC à 95 % : 0,14-0,94). Enfin, cette méta analyse confirme la durée de la protection donnée par un test HPV négatif. Après 3,5 et 5,5 ans de suivi, le taux cumulé d’incidence de cancer invasif du col de l’utérus observé après un test HPV négatif était de 4,6 pour 100000 (IC à 95 % : 1,1–12,1) et 8,7 pour 100000 (IC à 95 % : 3,3–18,6) contre 15,4 pour 100000 (IC à 95 % : 7,9–27,0) et 36,0 pour 100000 (IC à 95 % : 23,2–53,5) après un frottis normal, respectivement.

Alors que conclure ? Oui, le test HPV est plus performant que le frottis pour la prévention du cancer du col de l’utérus. Mais ce résultat suffit-il à le faire indiquer en pratique courante pour le dépistage de nos patientes ? Deux autres paramètres essentiels interviennent pour pouvoir répondre à cette question. Le premier est de connaître à quelle morbidité expose l’utilisation du test HPV.  Cette méta analyse répond à cette question et illustre la perte de spécificité liée à l’utilisation du test HPV ; celle-ci se traduit par une augmentation significative du nombre de patientes ayant eu des biopsies cervicales (RR : 1,35 ; IC à 95 % : 1,30-1,40). Cette augmentation peut paraître anodine, mais elle traduit en fait le risque d’augmenter le nombre de traitements inutiles dont la dangerosité obstétricale ultérieure ne peut être exclue. Ce point est fondamental. Même si cette méta analyse n’a pas été menée pour répondre à cette question et que les études incluses sont très hétérogènes, ce résultat illustre le problème lié aux faux positifs du test HPV dont la gestion est difficile et expose au risque évident de sur traiter des patientes, de façon d’autant plus problématique qu’elles sont plus jeunes. Enfin, l’autre paramètre à étudier est la rentabilité économique d’un tel dépistage. Cette méta analyse n’apporte sur ce point aucun élément de réponse. Mais la question économique est bien sur elle aussi fondamentale et aucune recommandation ne peut être formulée sans que ce point soit précisément évalué en tenant compte des spécificités de fonctionnement de la médecine française et du risque d’augmenter les traitements inutiles et leurs conséquences.

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  1. Sankaranarayanan R, Nene BM, Shastri SS, Jayant K, Muwonge R, Budukh AM, et al. HPV screening for cervical cancer in rural India. The New England journal of medicine. 2009 Apr 2;360(14):1385-94.
     
  2. Ronco G, Giorgi-Rossi P, Carozzi F, Confortini M, Dalla Palma P, Del Mistro A, et al. Efficacy of human papillomavirus testing for the detection of invasive cervical cancers and cervical intraepithelial neoplasia: a randomised controlled trial. The lancet oncology. 2010 Mar;11(3):249-57.
     
  3. ACOG Practice Bulletin Number 131: Screening for cervical cancer. Obstetrics and gynecology. 2012 Nov;120(5):1222-38.
     
  4. Ronco G, Dillner J, Elfstrom KM, Tunesi S, Snijders PJ, Arbyn M, et al. Efficacy of HPV-based screening for prevention of invasive cervical cancer: follow-up of four European randomised controlled trials. Lancet. 2013. Article en cours de publication.
     
  5. Naucler P, Mabota da Costa F, da Costa JL, Ljungberg O, Bugalho A, Dillner J. Human papillomavirus type-specific risk of cervical cancer in a population with high human immunodeficiency virus prevalence: case-control study. The Journal of general virology. 2007 Dec;92(Pt 12):2784-91.
     
  6. Bulkmans NW, Berkhof J, Rozendaal L, van Kemenade FJ, Boeke AJ, Bulk S, et al. Human papillomavirus DNA testing for the detection of cervical intraepithelial neoplasia grade 3 and cancer: 5-year follow-up of a randomised controlled implementation trial. Lancet. 2007 Nov 24;370(9601):1764-72.
     
  7. Rijkaart DC, Berkhof J, Rozendaal L, van Kemenade FJ, Bulkmans NW, Heideman DA, et al. Human papillomavirus testing for the detection of high-grade cervical intraepithelial neoplasia and cancer: final results of the POBASCAM randomised controlled trial. The lancet oncology. 2012 Jan;13(1):78-88.
     
  8. Kitchener HC, Almonte M, Thomson C, Wheeler P, Sargent A, Stoykova B, et al. HPV testing in combination with liquid-based cytology in primary cervical screening (ARTISTIC): a randomised controlled trial. The lancet oncology. 2009 Jul;10(7):672-82.
     
  9. Pretet JL, Jacquard AC, Carcopino X, Charlot JF, Bouhour D, Kantelip B, et al. Human papillomavirus (HPV) genotype distribution in invasive cervical cancers in France: EDITH study. International journal of cancer. 2007 Sep 24.

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.