La prématurité

La prématurité est une des causes majeures de mortalité et morbidité néonatale. En 2010,15 millions d’accouchements prématurés étaient rapportés dans le monde avec environ 10% de ces enfants qui décédaient des conséquences de la prématurité1.

Le nombre d’enfants nés prématurément en France est environ de 52.000 naissances par an dont 6600 avant 31SA. Ceci signifie que 7.2% des naissances ont lieu avant 37SA représentant 5.8% des naissances des grossesses uniques et environ 45% des grossesses gémellaires2.
 

Il est classique de parler de prématurité lorsque la naissance survient avant 37 semaines d’aménorrhée (SA). Selon le terme de naissance la prématurité sera extrême (22-27+6SA, 5%), grande (28-31+6SA, 15%), modérée (32-33+6SA, 20%) ou tardive (34-36+6SA, 60%).

Les deux classifications les plus fréquemment utilisées pour évaluer les accouchements prématurés (AP) sont les circonstances de survenue de la prématurité ou leurs causes. Les circonstances de survenue sont classées en 3 groupes : (i) Le travail spontané à membranes intactes (45%), (ii) L’induction médicale pour complication de la grossesse (30%), (iii) Rupture prématurée des membranes (25%)3. Cela signifie que 2/3 des accouchements prématurés (AP) surviennent spontanément alors que le dernier tiers est lié à une prématurité induite en raison de la nécessité d’extractions précoces dues à une pathologie maternelle ou à une pathologie fœtale.

Les causes principales sont le travail spontané à membranes intactes, la rupture prématurée des membranes, les grossesses multiples, les complications de l’HTA, les hémorragies avant travail, les RCIU, les malformations utérines et incompétences cervicales.

En cas d’accouchement avant 25SA, la plupart des enfants décèdent et ceux qui survivent sont encore à risque de développer des séquelles motrices et neurologiques. La prématurité modérée est également associée à une morbidité à long terme non négligeable et son coût important pour la société doit nous inciter à tout mettre en œuvre pour la prévenir.

Afin de diminuer le taux de prématurité et d’en améliorer les conséquences médicales il est nécessaire de mettre en place des outils d’évaluation exhaustifs. C’est donc au titre d’outil d’évaluation qu’ont été mise en place en 1997  les enquêtes périnatales ainsi que la création des réseaux régionaux de soins périnataux. L’enquête nationale périnatale de 20114 a permis de montrer que les taux de prématurité en France ont varié de 5,9% en 1995 à 7,4% en 2010. La prématurité est donc un enjeu important de santé publique. De nombreuses mesures gouvernementales ont été prises au fil des ans depuis le premier plan périnatalité de 1994 jusqu’à celui de 2005/2007 en passant par le décret de 1998 définissant les types de maternités.

La compréhension et la prise en charge de l’accouchement prématuré spontané sont encore mal définies. L’étiologie est certainement multifactorielle et encore mal élucidée rendant difficile la prédiction et la prévention. Les causes de l’AP spontané sont multifactorielles : infections, pathologies vasculaires, sénescence de la déciduale, distension utérine, diminution de l’action de la progestérone, pathologie cervicale, modification de la tolérance materno-fœtale, stress, autant de facteurs potentiellement impliqués dans le déclenchement de l’AP dont certains restent encore inconnus5. Une publication récente dans le N Engl J Medicine sur le rôle potentiel de l’ADN fœtal circulant dans le déclenchement du travail ouvre un nouveau champ dans le domaine de la prématurité6.

La prévention de la prématurité passe par une bonne évaluation des facteurs de risque et la mise en place d’un traitement lorsque cela est possible. Cependant la place des différents traitements est encore controversée et la littérature foisonne de papiers sur les cerclages, les pessaires ou encore la place de l’échographie du col ou l’utilisation de la progestérone.

Le cerclage est indiqué pour réduire les risques de prématurité en cas d’incompétence cervicale démontrée soit par une hystéroscopie soit en raison d’antécédents cliniques d’accouchement prématuré7. En revanche l’utilisation d’un cerclage de Mac Donald simple plutôt qu’un cerclage plus invasif  type Shirodkar ou Benson n’est pas clair en raison de l’association dans les publications de cas d’incompétence cervicale vraie et de cerclages réalisés sur des cols courts de découverte fortuite (clinique, échographie..).

A ce jour seuls trois essais randomisés ont étudié l’utilisation du pessaire cervical versus contrôle. L’essai espagnol portait sur les grossesse unique avec col court et a monté une réduction significative de l’accouchement prématuré avant 34 SA. L’étude chinoise n’a pas démontré le bénéfice du pessaire en terme de réduction de la prématurité tout comme l’étude hollandaise sur les jumeaux8,9,10.

Un essai randomisé comparant cerclage, pessaire et progestérone avec des critères d’inclusions stricts est encore nécessaire pour démontrer la supériorité d’une des techniques par rapport aux deux autres.

L’utilisation de la progestérone dans la prévention de l’accouchement prématuré repose sur plusieurs essais randomisés sur des populations différentes.

Pour les patientes asymptomatiques avec un col court (≤15mm) à l’échographie, l’administration de 90 à 200 mg de progestérone naturelle en intra-vaginal est associée avec une diminution du risque d’AP <35SA et <28SA et une diminution de la morbidité néonatale11

En revanche, la littérature est controversée en cas d’antécédent d’AP.  Cependant les patientes qui présentent un col court à l’échographie et un antécédent d’AP pourraient bénéficier soit d’un cerclage, soit de l’utilisation de progestérone intravaginale12

Le traitement tocolytique est également controversé. Très récemment l’essai multicentrique randomisé APOSTEL III a comparé l’efficacité de la nifédipine versus celle de l’atosiban dans l’AP.  Le taux d’effet périnataux défavorables était identique dans les deux groupes13.

Le mode d’accouchement idéal pour les grands prématurés n’est pas encore déterminé et seul le transfert dans une maternité de type 3 est reconnu comme indispensable pour améliorer la morbi-mortalité de ces enfants. Entre 2010 et 2013, le taux de grands prématurés nés vivants en type III est passé de 76% à 78,5% avec toujours 2% des enfants qui naissent dans les type I2 . Les réseaux et les politiques de transfert in utero peuvent encore être améliorés.

La prématurité est hétérogène et présente de nombreux phénotypes avec des étiologies, prises en charge, devenirs et pronostics pour les futures grossesses très différents. La prématurité n’est pas une pathologie unique, un seul test ne permettra pas de prédire tous les AP et un seul traitement ne préviendra pas tous les AP.

Les résultats de l’étude de la cohorte EPIPAGE-2 viennent d’être publiés. Le but de cette étude était de déterminer la survie et la morbidité néonatale des enfants nés entre 22 et 34SA en France en 2011 et de comparer les résultats avec ceux de la cohorte de 1997.  Ces résultats sont encourageant et montrent une nette amélioration de la survie des grands prématurés entre 25 et 31 SA. Les progrès majeurs de la néonatologie tant du point de vue prise en charge respiratoire que nutritionnelle joue un rôle majeur dans l’amélioration du devenir ce ces enfants .Le suivi à long terme de ces enfants est en cours14.
 

Références

1. Blencowe H et al. National, regional, and worldwide estimates of preterm birth rates in the year 2010 with time trends since 1990 for selected countries: a systematic analysis and implications. Lancet. 2012 9;379:2162-72

2. C. Crenn-Hebert, Perinat ARS IDF, 2013 et 2015

3. Goldenberg RL et al. Epidemiology and causes of preterm birth Lancet. 2008;371:75-84

4. Blondel B et al.Trends in perinatal health in France from 1995 to 2010. Results from the French National Perinatal Surveys. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2012;41:e1-e15

5. Romero R et al. Preterm labor: one syndrome, many causes. Science. 2014;345:760-5.

6. Philippe M. Cell-free fetal DNA- A trigger for parturition. N Engl J Medicine. 2014 ; 370 :2534-36

7.  Royal College of Obstetricians and Gynaecologists 2011 https://www.rcog.org.uk/en/guidelines-research-services/guidelines/gtg60/

8. Goya M et al Cervical pessary in pregnant women with a short cervix (PECEP): an open-label randomised controlled trial. Lancet. 2012;379:1800-6.

9. Hui SY et al. Cerclage pessary for preventing preterm birth in women with a singleton pregnancy and a short cervix at 20 to 24 weeks: a randomized controlled trial. Am J Perinatol. 2013;30:283-8.

10. Hegeman MA. Pessaries in multiple pregnancy as a prevention of preterm birth: the ProTwin Trial. BMC Pregnancy Childbirth. 2009 ;7;9:44

11. Fonseca EB et al. Progesterone and the risk of preterm birth among women with a short cervix. N Engl J Med. 2007;357:462-9.

12. Conde-Agudelo A et al..Vaginal progesterone vs. cervical cerclage for the prevention of preterm birth in women with a sonographic short cervix, previous preterm birth, and singleton gestation: a systematic review and indirect comparison metaanalysis. Am J Obstet Gynecol. 2013;208:42.e1-

13. Vliet E et al.Nifedipine versus atosiban for tocolysis in preterl labour. Am J Obstet Gynecol Jan 2005 Supplement

14. Ancel PY et al. Survival and Morbidity of Preterm Children Born at 22 Through 34 Weeks' Gestation in France in 2011: Results of the EPIPAGE-2 Cohort Study. JAMA Pediatr. 2015;169:230-8.

 
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