Cytologie et test HPV

Revue de l’article : "The clinical effectiveness and cost-effectiveness of primary human papillomavirus cervical screening in England: extended follow-up of the ARTISTIC randomised trial cohort through three screening rounds" Kitchener HC & al, Health Technol Ass. 2014[1]

Le travail (en partie) rapporté est celui de l’équipe du ARTISTIC trial study group qui étudie le dépistage en Angleterre des lésions du col utérin par cytologie et virologie par le biais d’un essai contrôlé randomisé. Nous présentons ici les principaux résultats de cette somme, qui analyse dans le détail avec des modélisations économiques les 3 tours des campagnes de dépistage (tours 1, 2 et 3) combinant cytologie et test HPV.

La population étudiée comportait 25 410 femmes de 20 à 64 ans ayant bénéficié d’une cytologie (classique puis en phase liquide) et d’un co-testing HPV (test Hybrid Capture 2) randomisées à 3 : 1 avec un bras révélé (intervention si cytologie négative et virologie positive : dans ce cas contrôle à 12 mois et en cas de virologie positive choix laissé à la patiente entre contrôle à 12 mois ou colposcopie (choisie par 2/3 des patientes)) et un bras masqué où le résultat virologique n’était pas connu (et où la prise en charge suivait les recommandations anglaises en cas de cytologie positive). L’objectif principal de l’étude était de mesurer l’incidence des CIN de haut grade (CIN2+) dans les 2 bras.

Les résultats marquants relevés à l’issue du tour 3 peuvent être isolés comme suit :

1. Les taux cumulés de CIN2+ sont fortement corrélés aux résultats à l’entrée de l’étude.

- une cytologie positive à l’entrée donne un risque cumulé de CIN2+ équivalent à celui d’une virologie positive (taux cumulé au 3e tour = 20,12 %) : donc la sensibilité de la virologie et de la cytologie sont voisines,
- mais le risque cumulé de CIN2+ en cas de virologie négative est très inférieur au même risque en cas de cytologie négative (respectivement 0,87 % vs 1,41 %).
 

2. Un test HPV négatif à l’entrée signifie que le risque d’avoir un CIN2+ est négligeable (forte valeur prédictive négative du test) mais aussi un risque faible de développer à 6 ans une lésion.

Si l’on considère les 28 % de patientes n’ayant pas eu de dépistage au tour 2 mais simplement au tour 3 leur risque cumulé de développer un CIN2+ est seulement influencé par le test HPV initial  (Tableau 1) :

Risque cumulé
de CIN2+ à Tour 3

Dépistage
Tours 1 2 3

Dépistage
Tours 1 3

HPV + à l’entrée

1,6 %

5,2 %

HPV – à l’entrée

0,3 %

0,7 %

Les auteurs conseillent donc de réaliser un test HPV tous les 5 ans et non tous les 3 ans pour une efficacité comparable mais un coût moindre.

3. Le risque cumulé de CIN2+ varie selon l’âge.

La population a été divisée en 3 groupes d’âge : 20-34 ans / 35 – 49 ans / 50 – 64 ans : le risque cumulé de CIN2+ décroît avec l’âge en cas de test HPV positif à l’entrée mais a contrario ce risque diminue de manière drastique en cas de test HPV négatif à l’entrée (Tableau 2).

Taux cumulé de CIN2+

HPV + à l’entrée

HPV – à l’entrée

20-34 ans

23,95 %

1,80 %

35-49 ans

15,92 %

0,48 %

50-64 ans

6,40 %

0,16 %

On vérifie donc ici que les infections persistantes (d’autant plus fréquentes que les patientes sont âgées) sont les plus à risque.
 

4. Le problème des patientes avec une cytologie d’entrée négative et un test HPV positif.

Dans ce groupe important quantitativement et qualitativement de patientes le risque cumulé de CIN2+ au 3e tour est élevé : 7,73 % contre 3,24 % dans le sous groupe cytologie positive / test HPV négatif et 3,9 % dans la population générale de l’étude. Ces patientes doivent donc bénéficier d’une prise en charge spécifique, et différentes stratégies ont été étudiées :

- le contrôle virologique à 12 mois avec dans cette étude une compliance médiocre de 55 % : à noter que la persistance d’un HPV du même type entre 2 tours dans cette étude multiplie le risque de CIN2+ par 3 (gravité des infections persistantes ici confirmée),

- le choix d’un seuil élevé de positivité du test Hybrid Capture (2 RLU/Co vs 1 RLU/Co) qui autorise une sensibilité identique sans perte majeure de spécificité (comme vérifié dans l’étude italienne NTCC [2])

- le génotypage : clairement HPV 16 et 18 sont les plus inquiétants (Tableau 3) justifiant d’une prise en charge spécifique,

Génotypage à l’entrée

Risque cumulé de CIN2+

HPV 16

43,55 %

HPV 18

38,49 %

HPV 31/33/45/52/58

23,93 %

Autres HPV

6,95 %

 

- la colposcopie d’emblée pour les patientes HPV positive n’est pas réaliste  mais selon les auteurs une colposcopie effectuée en cas de génotypage positif à HPV à très haut risque (HPV 16/18/31/45/52/58) serait cliniquement acceptable avec 8 % de patientes référées et une valeur prédictive de la colposcopie de 22 % ; ces chiffres sont à mettre en regard de ce qui est observé dans la même étude avec un triage cytologique des patientes HPV positive : dans ce cas en cas de cytologie positive chez ces patientes HPV positives le taux de patientes référées en colposcopie au tour 1 était de 5 % avec une valeur prédictive positive de la colposcopie de 35 % (et 2 à 3 % de patientes référées au tour 2 avec alors une VPP de 23 %).

En conclusion, à l’issue de l’article les auteurs se prononcent en faveur du dépistage virologique avec un triage cytologique qui semble plus efficace que le dépistage cytologique : le test HPV est plus sensible mais moins spécifique que le dépistage cytologique [3, 4], et s’il donne des résultats globaux après 2 tours dans les grands essais européens comparables à la cytologie (Tableau 4), il permet un diagnostic plus précoce de lésions de CIN2+ qui ne régressent pas (donc pas de sur-diagnostic), et surtout a un impact positif sur les cas de cancers invasifs du col utérin (en particulier les adénocarcinomes qui échappent plus volontiers au dépistage cytologique) [5].

CIN3+

Tour 1

Tour 2

Tours 1+2

POBASCAM (30 – 57 ans, intervalle : 5 ans)

Intervention n = 16750

171

88

259

Contrôle n = 16743

150

122

272

SWEDSCREEN (32 – 38 ans, intervalle : 3 ans)

Intervention n = 6257

72

16

88

Contrôle = 6270

55

30

85

ARTISTIC (20-64 ans, intervalle : 26-54 mois)

Caché n= 6124

80

18

98

Révélé n = 18386

233

29

262 (x3)

NTCC (25-60 ans, intervalle : 3 ans)

Intervention n = 34430

98

8

106

Contrôle n = 34405

47

7

64

 

Toutefois, deux points majeurs sont soulevés par cet article :

- l’espacement des tests de dépistage virologique doit être de 5 ans dans un souci d’efficacité économique : cela suppose une organisation du dépistage,

- la gestion des patientes HPV positives / cytologie négative est crucial : les négliger conduit à une perte d’efficacité du dépistage, les surdiagnostiquer entraîne une chute de rentabilité économique et les surtraiter peut être source d’aberrations thérapeutiques en particulier chez les patientes les plus jeunes.

Les auteurs invitent chaque pays à modéliser son dépistage en termes de coût / efficacité pour gérer au mieux ce sous groupe particulier et définir un paradigme de dépistage cohérent.

Références

[1] Kitchener H, Canfell K, Gilham CS, Sargent A, Roberts C, Desai M, et al. The clinical effectiveness and cost-effectiveness of primary human papillomavirus cervical screening in England: extended follow-up of the ARTISTIC randomised trial cohort through three screening rounds. Health Technol Ass. 2014;18:1-189.

[2] Ronco G, Giorgi-Rossi P, Carozzi F, Confortini M, Dalla Palma P, Del Mistro A, et al. Results at recruitment from a randomized controlled trial comparing human papillomavirus testing alone with conventional cytology as the primary cervical cancer screening test. J Natl Cancer Inst. 2008;100:492-501.

[3] Arbyn M, Ronco G, Meijer CJ, Naucler P. Trials comparing cytology with human papillomavirus screening. Lancet Oncol. 2009;10:935-6.

[4] Cuzick J, Clavel C, Petry KU, Meijer CJ, Hoyer H, Ratnam S, et al. Overview of the European and North American studies on HPV testing in primary cervical cancer screening. Int J Cancer. 2006;119:1095-101.

[5] Ronco G, Dillner J, Elfstrom KM, Tunesi S, Snijders PJ, Arbyn M, et al. Efficacy of HPV-based screening for prevention of invasive cervical cancer: follow-up of four European randomised controlled trials. Lancet. 2014;383:524-32.

 
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