Contraception de la femme en surpoids

Les rapports entre la contraception et le poids sont le plus souvent traités sous l’aspect «la contraception hormonale fait-elle grossir ? ». En réalité la prévalence sans cesse croissante de la surcharge pondérale devrait plutôt nous inciter à nous intéresser au sujet « contraception de la femme en surpoids».

En effet il existe 4 fois plus de grossesses chez les femmes obèses, ces dernières utilisant 8 fois plus souvent des contraceptions non médicales. Il faut souligner aussi que contrairement à des idées reçues, les obèses ont une sexualité équivalente à leurs congénères de poids normal.

L’efficacité des contraceptions estroprogestatives a souvent été jugée moins bonne chez les femmes en surpoids, alors que l’analyse de la littérature est loin d’être unanime sur ce sujet. Par ailleurs les études s’y intéressant sont souvent de mauvaise qualité : analyses rétrospectives, peu de puissance statistique des études, nature déclarative des données comme le poids, le type de contraceptif, et enfin taux d’échec le plus souvent sous-déclarés. Il a par ailleurs été prouvé que l’adhésion aux méthodes contraceptives, et en particulier la persistance, varie selon l’index de masse corporelle (IMC). Les études d’efficacité sont le plus souvent observationnelles : en effet les femmes en surpoids sont majoritairement exclues des études expérimentales. Dans les rares études expérimentales où ont été incluses des femmes en surpoids, il n’existe pas de sous-efficacité des contraceptions hormonales chez les femmes en surpoids. Dans les études observationnelles, et dans leur méta-analyses, rien ne permet d’affirmer que la contraception hormonale est moins efficace au fur et à mesure que l’IMC augmente. Tout au plus peut-on dire que le taux de persistance à la méthode y est plus mauvais, en particulier du fait de saignements plus fréquents chez les femmes en surpoids.

Si l’on s’intéresse maintenant à la pharmacocinétique des stéroïdes composant les contraceptifs chez leds femmes en surpoids, on note qu’il existe des différences entre les femmes en surpoids et les femmes de poids normal. Pour le progestatif, il y a une augmentation de la demie vie du Lévonorgestrel par réduction de sa clairance, une augmentation du temps nécessaire à atteindre le steady state, mais peu ou pas de modification de l’aire sous la courbe ( AUC), ce qui ne va pas dans le sens d’une baisse du blocage ovarien. Il faut souligner que les études faites avec l’implant Nexplanon® ne montrent pas de différence d’efficacité en fonction du poids ni de la pharmacocinétique, ce qui n’est pas cohérent avec les mentions légales proposant de le changer plus fréquemment. Plusieurs études, en particulier avec l’anneau vaginal, montrent qu’il y aurait un taux circulant plus faible d’éthynil estradiol, ce qui pourrait expliquer un taux de saignements plus élevé et de ce fait une altération de la persistance et ainsi une baisse d’efficacité.

Si la contraception estroprogestative (CEP) pose un vrai problème chez la femme en surpoids, ce n’est pas principalement pour des questions d’efficacité mais de sur-risque, en particulier de thrombo-embolie veineuse (TEV). Hors de toute contraception hormonale, il existe une élévation linéaire du risque de TEV suivant l’IMC, un IMC à 35 multipliant par 3 le risque de TEV. Ce sur-risque apparaît très tôt dès une IMC à 25 kg/m².

Il a été montré une augmentation majeure du risque thrombotique chez les femmes en surpoids prenant un estroprogestatif, puisque le risque relatif (RR) passe de 2 à 10 pour la tranche d’IMC inférieure à 25 kg/m² versus la tranche 25/30, et passant à RR = 25 pour un IMC>30 kg/m².

La multiplication des facteurs de risque a un  effet catastrophique sur le risque thrombo embolique, le taux de thrombose passant de 2 pour 10 000 dans la population générale à 4 pour 10 000 sous estroprogestatifs, et à 18 pour 10 000 sous estroprogestatifs associés à un IMC>30. Une femme de 40 ans, avec une histoire familiale au premier degré de TEV, ayant un IMC à 25, voit son risque passer à 216 pour 10 000. On voit bien à la lumière de ces chiffres que les comparaisons de risque de TEV suivant le type d’estroprogestatifs sont ininterprétables si  le  poids n’est pas pris en compte dans les différents groupes, comme par exemple cela était le cas dans la première publication de Lidedegaard en 2009 et dans l’étude de la FDA sur les risques liés à la drospirénone.

Il n’existe pas de  publication s’étant intéressée plus spécifiquement au risque artériel des estroprogestatifs en fonction du poids, mais la logique veut que le sur-risque existe aussi avec l’augmentation de l’IMC. En effet il a été prouvé que l’insulinosensibilité décroissait sous estroprogestatifs ou progestatifs purs chez la femme ayant un IMC> 30kg/m².

Il n’existe pas d’étude sur l’effet contraceptif des contraceptions hormonales après chirurgie bariatrique, mais des inquiétudes justifiées font préférer dans ce cas l’utilisation de traitements par voie non digestive, sachant que dans ce cas, du fait du surpoids souvent persistants, les risques sous CEP de TEV seraient majeurs.

Pour la contraception d’urgence, l’agence de  pharmacovigilance européenne (CRAT) considère que le rapport bénéfices risques du lévonorgestrel reste positif chez les femmes en surpoids, bien que des données cliniques laissent à penser qu’il y a perte d’efficacité du lévonorgestrel au-delà d’un poids de 75 kilos, et de l’ ullipristalacéte  pour un poids supérieur à 95 kilos.

Il faudrait donc privilégier des contraceptions non estroprogestatives chez les femmes en surpoids mais les contraceptions progestatives pures générales ( POP ou implants) ou locales ( SIU au lévonorgestrel) favorisent l’hyperandrogénisme si fréquent chez les femmes ayant un ovaire polykystique ( OPK), OPK lui-même souvent associé à un surpoids. Il ne resterait donc plus chez certaines femmes que la possibilité d’utiliser des dispositifs intra utérins (DIU) au cuivre. La pose de ces DIU au cuivre est souvent très difficile chez les femmes en important surpoids, et par ailleurs favorise les ménorragies déjà si fréquentes dans les obésités gynoïdes.

A la lumière de tout cela, on voit que la contraception de la femme en surpoids pose des problèmes médicaux très complexes, et ne constitue pas une mince affaire…

 
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