Risque d’anomalies congénitales chez les enfants de couples infertiles

Résumé de communication orale FFER 2015

Communication orale : Pessione F, Merlet F, Di Costanzo S, Royere D (Agence de la BioMédecine).

Introduction

Depuis les débuts des techniques d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP), les biologistes et cliniciens s’interrogent sur l’état de santé des enfants issus de ces pratiques clinico-biologiques. Plusieurs études ont montré une augmentation des anomalies congénitales chez ces enfants (Davies MJ, 2012). Différentes hypothèses ont alors été évoquées pour expliquer ces augmentations. L’une de ces hypothèses est que c’est la population prise en charge en AMP, notamment à cause de l’infertilité, qui serait plus à risque d’avoir des enfants avec des anomalies congénitales et non les techniques d’AMP elles-mêmes.

La Loi de Bioéthique donne mission à l’Agence de la Biomédecine (ABM) d’évaluer l’état de santé des enfants nés des techniques d’AMP et des couples ayant accès à ces techniques.

Dans une première analyse, le Dr PESSIONE de l’Agence de la Biomédecine avait, grâce aux données du PMSI, extrait l’état de santé des enfants nés après AMP et les avait comparé à une cohorte d’enfants nés de grossesses spontanées. Ces données avaient confirmé les données de la littérature et montré une augmentation significative (20%) des anomalies congénitales dans le groupe d’enfants nés après AMP.

Le docteur PESSIONE et l’équipe de l’ABM a souhaité utiliser de nouveau les données du PMSI afin de tester l’hypothèse d’une augmentation des anomalies congénitales  des enfants nés de grossesses spontanées chez des couples infertiles (indépendamment de l’utilisation d’une AMP) versus de grossesses spontanées de couples fertiles. Cette analyse permettrait de confirmer l’hypothèse d’une augmentation des anomalies congénitales des enfants nés après AMP, non pas liées aux techniques d’AMP, mais à la population infertile.

Critères d’inclusion :

  • accouchements et naissances des années 2012 et 2013 (y compris morts nés et IMG > 22 SA) ;
  • antécédents de ponctions depuis 2009 : permettant d’inclure les accouchements survenus à l’issue d’une FIV et ceux survenus après grossesses spontanées avec ou sans antécédents des FIV ;
  • exclusion des naissances de jumeaux de même sexe pour exclure le risque d’augmentation d’anomalies de jumeaux monozygotes.

 

Il n’a pas été possible d’identifier les naissances après grossesses spontanées issues d’insémination ou de stimulations simples

Types d’anomalies congénitales :

  • identifiées par le code CIM10 dans le PMSI ;
  • définition des malformations selon le registre européen Eurocat ;
  • exclusion des anomalies mineures isolées.

Type d’analyse statistique :

  • risque relatif examiné par les Odds Ratio (modèle de régression logistique) en analyses univariées et multivariées ;
  • ajustement sur âges des femmes, pluralités et prématurités.

Population :

  • groupe 1 : naissances issues de grossesses spontanées sans antécédents d’AMP
  • groupe 2 : naissances issues de grossesses spontanées avec antécédents d’AMP
  • groupe 3 : grossesses issues de FIV

Les groupes 2 et 3 sont donc les groupes des couples infertiles et le groupe 1 le groupe des couples fertiles.

 

 

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

p

Nombre de naissances

1.390.315

11.707

22.693

 

Ages moyens des femmes (ans)

29,7

34,4

33,1

< 0,0001

Accouchements multiples

0,9%

5,1%

13,5%

< 0,0001

Résultats :

  • augmentation du risque de malformations congénitales des enfants du groupe 3 versus enfants du groupe 1 : Odds Ratio ajusté = 1,20 (intervalle de confiance 95% (1,11-1,29)). Ceci confirme les données de l’analyse précédente ;
     
  • absence d’augmentation du risque de malformations congénitales des enfants du groupe 2 versus enfants du groupe 1 : Odds Ratio ajusté = 0,94 (intervalle de confiance 95% (0,84-1,05))

Conclusion

Cette étude réalisée sur un large échantillon n’a pas permis de confirmer l’hypothèse que l’augmentation des anomalies congénitales des enfants nés après techniques d’AMP serait liée aux caractéristiques de la population de couples infertiles.

Commentaires

Cette analyse est intéressante car elle permet de savoir qu’il est possible, grâce aux données disponibles dans le PMSI,  de tester une hypothèse de l’augmentation des anomalies congénitales des enfants nés après AMP.

Sans confirmer l’hypothèse de départ, cette analyse ne l’infirme pas pour autant. Il est possible que le fait de mettre dans le groupe des couples infertiles tous les couples sans séparer les causes d’infertilité rende l’analyse non concluante. Il est effectivement difficile de conclure définitivement sur cette hypothèse en mettant dans le même groupe des «couples infertiles », des causes aussi différentes que des causes féminines d’infertilité comme des infertilités tubaires, ovariennes ou endocriniennes ou des causes masculines avec altérations des paramètres spermatiques plus ou moins importantes, voir des infertilités dites « inexpliquées ». Il est possible qu’en séparant en plusieurs groupes, les différentes causes d’infertilité, on trouve une relation entre certaines causes et des augmentations d’anomalies congénitales des enfants. Le registre actuellement mis en place par l’ABM grâce à l’envoi des fiches tentatives par les centres d’AMP permettra peut être de réaliser cette étude.

Références
Davies MJ et coll. : Reproductive technologies and the risk of birth defects. N Engl J Med. 2012 ; 366 : 1803-
13.
Données disponibles sur le site de l’Agence de la BioMédecine : www.agence-biomedecine.fr

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