Insuffisance ovarienne prématurée : les recommandations de l’ESHRE

Prise en charge des patientes présentant une insuffisance ovarienne prématurée : les recommandations de l’ESHRE (European Society  of Human Reproduction and Embryology)

L’European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) a publié dans la Revue Human Reproduction du mois de mai 2016, ses recommandations sur la prise en charge des patientes présentant une insuffisance ovarienne prématurée (IOP).

Le groupe qui a participé à ces recommandations (Guideline Development Group – GDG) a formulé 99 recommandations répondant à 31 « questions clé » sur le diagnostic et le traitement des patientes avec une IOP.

L’interprétation des degrés de recommandation a été évaluée selon l’analyse de VERMEULEN et coll. établie en 2014 (tableau ci-dessous).

Table I Interprétation des grades de recommandation pour la mise en évidence et la prise en charge des patientes présentant une insuffisance ovarienne prématurée (VERMEULEN et col. 2014)

Recommandations de grade A

Meta-analysis, systematicreview or multiple RCTs (highquality)

Recommandations de grade B

Meta-analysis, systematcireview or multiple RCTs (moderatequality)

Single RCT, large non-randomized trial, case-control or cohortstudies (highquality)

Recommandation de grade C

Single RCT, large non-randomized trial, case-control or cohortstudies (moderatequality)

Recommandation de grade D

Non-analyticalstudies, case reports or case series (high or moderatequality)

Recommandations de grade GPP

Expert opinion

 

Selon le GDG, 17 recommandations ont été établies sur le diagnostic de l’insuffisance ovarienne prématurée et 46 recommandations sur les différentes séquelles et leurs conséquences pour la prise en charge et le traitement des insuffisances ovariennes prématurées ; par ailleurs, 24 recommandations ont été formulées sur l’intérêt et l’indication du traitement hormonal substitutif chez les patientes présentant une IOP.

Selon les auteurs, la principale limitation des recommandations est liée à l’absence de données dans la littérature, la plupart des recommandations sont établies sur les recommandations, les opinions d’experts, ou « l’évidence based médicine » provenant d’études chez des patientes ménopausées ou des patientes présentant un syndrome de TURNER (NDLR : nous citerons les principales recommandations de façon non exhaustive).

Comment définir l’insuffisance ovarienne prématurée ?
L’IOP est un syndrome clinique défini par la perte de l’activité ovarienne avant l’âge de 40 ans, associant des symptômes tels que l’aménorrhée ou l’oligoménorrhée, avec élévation plasmatique des gonadotrophines et la chute des taux hormonaux d’oestradiol.

La prévalence de l’IOP dans la population générale est d’environ 1 %.

Quelles sont les principales causes de l’IOP et quelles investigations doivent être menées ?
L’analyse chromosomique est recommandée chez toute patiente présentant une IOP d’origine non iatrogène (recommandation de grade C).

Les anomalies chromosomiques recherchées sont :

  • par le caryotype, un syndrome de TURNER, ce qui nécessiterait de référer la patiente à un endocrinologue, un cardiologue et un généticien ;
  • la recherche de chromosomes Y : ce qui impliquerait de poser l’indication d’une gonadectomie (recommandation de grade C) ;
  • la recherche de chromosomes X fragiles (recommandation de grade B) ;
  • la recherche d’anticorps adrénocortical et d’anticorps antithyroïde(AC-TPO), ce qui impliquerait des examens approfondis sur le plan endocrinien (recommandation de grade D).

Chez un nombre important de patientes ayant présenté une IOP, la cause n’est pas retrouvée, ce qui traduit un caractère idiopathique de l’insuffisance ovarienne prématurée.

Conséquences et séquelles de l’insuffisance ovarienne prématurée
- Morbidité en cas d’IOP non traitée : l’absence de traitement chez une patiente présentant une IOP est associée à une réduction de la durée de vie, dont une grande partie due à des problèmes cardio-vasculaires (évidence de grade C).

Les patientes présentant une IOP doivent être conseillées au mieux sur la façon de réduire les risques cardio-vasculaires, l’absence de consommation tabagique, l’exercice physique régulier et, dans la mesure du possible, l’absence de surcharge pondérale (recommandation du groupe d’experts).

- Conséquences sur la fertilité : les chances de grossesse spontanée chez les patientes présentant une IOP sont très faibles (avis du GDG).

Il est nécessaire d’informer les patientes qu’il n’y a pas d’intervention ou de traitement médical susceptible d’augmenter l’activité ovarienne et les chances de conception naturelle (évidence de groupe A).

Le don d’ovocytes est une option justifiée chez les patientes présentant une IOP (évidence de grade C).

- Risques obstétricaux : les patientes doivent être informées que les risques dans les grossesses spontanées en cas d’IOP idiopathique, ne sont pas plus élevés que dans la population générale.

Néanmoins, en cas de don d’ovocytes, les grossesses doivent être considérées comme à haut risque et suivies dans une unité obstétricale spécialisée.

Les grossesses chez les patientes présentant un syndrome de TURNER doivent être considérées comme des grossesses à très haut risque, notamment sur le plan cardio-vasculaire.

Une collaboration entre obstétricien et cardiologue est justifiée, le suivi obstétrical devant être réalisé aux mieux dans un hôpital, en collaboration avec un service de cardiologie et de réanimation.

Quelles options thérapeutiques ou préventives peut-on envisager ?

  • selon l’avis du Groupe d’experts, il est nécessaire que les patientes aient une qualité de vie la plus saine possible, associant l’exercice physique, l’absence de surcharge pondérale, l’absence de consommation de tabac,
  • un régime adapté est recommandé, notamment avec une supplémentation en vitamine D et calcium (recommandation de type C),
  • le traitement hormonal substitutif, notamment oestrogénique, est recommandé pour réduire le risque d’ostéoporose (évidence de grade C).

Le traitement hormonal substitutif, malgré l’absence de données évidentes dans la littérature, est recommandé. Il devrait être initié le plus tôt possible afin de réduire le risque cardio-vasculaire et devrait être poursuivi jusqu’à l’âge moyen de la ménopause naturelle (évidence de grade C).

Induction de puberté
La puberté doit être « provoquée » avec des doses faibles d’oestradiol de 17-bétaoestradiol (évidence de grade C) à partir de l’âge de 12 ans.

Le type d’administration orale ou transcutanée n’est pas conclusif.

La contraception orale est contre-indiquée pour l’induction de la puberté (recommandation de grade D).

Les auteurs insistent sur la nécessité d’une collaboration étroite entre gynécologues obstétriciens, cardiologues, généticiens…

Ce groupe d’étude suggère, afin de disposer d’études plus complètes, que soit créé n Registre de l’Insuffisance Ovarienne Prématurée et espère que ces recommandations, malgré les limitations du nombre d’articles et d’études, permettra aux praticiens d’améliorer la prise en charge des patientes présentant une insuffisance ovarienne prématurée.

ESHRE Guideline : management of women with premature ovarian insufficiency – L. WEBBER, M. DAVIES, R. ANDERSON, J. BARTLETT, D. BRAAT, B. CARTWRIGHT, R. CIFKOVA, S. de MUINCK  KEIZER-SCHRAMA, E. HOGERVORST, F. JANSE, L; LIAO, V. VLAISAVLJEVIC, C. ZILLIKENS, and N. VERMEULEN -  Human Reproduction, Vol. 31 – n°5, 2016

 

 
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