Translocations robertsoniennes chez l’homme infertile

Les anomalies chromosomiques sont retrouvées de façon significativement augmentée dans les populations d’hommes infertiles. Parmi ces anomalies les translocations robertsoniennes (T rob) sont des anomalies qui touchent les chromosomes acrocentriques (13, 14, 15, 21 et 22) et conduisent à un caryotype à 45 chromosomes. Ces réarrangements chromosomiques sont parmi les plus fréquents dans l’espèce humaine (1,23 pour 1000 naissances) ; les plus fréquentes étant la translocation entre un chromosome 13 et un chromosome 14 (73% des T rob), puis celles entre un chromosome 14 et un chromosome 21 (10% des T rob) ; les autres étant beaucoup plus rares.

Les patients porteurs de ce type de translocations équilibrées présentent un phénotype normal en dehors d’une altération des paramètres du sperme pouvant conduire à une infertilité. On retrouve des translocations robertsoniennes chez 2 à 3% des hommes infertiles versus 0,1% dans une population d’hommes fertiles.

L’altération des caractéristiques du sperme s’explique notamment par l’interaction entre le trivalent des chromosomes impliqués dans la translocation avec la vésicule sexuelle entraînant une altération du processus de la spermatogenèse. Il existe néanmoins des variabilités individuelles expliquant que pour une même translocation, les paramètres du sperme peuvent être différents en fonction des patients.

D’autre part au moment de la méiose, la ségrégation des chromosomes peut être variable et entraîner un pourcentage différent de gamètes déséquilibrés pour les chromosomes impliqués dans la translocation. Ce pourcentage variable est important à prendre en compte dans la mesure où un spermatozoïde présentant un déséquilibre chromosomique aboutira, s’il féconde un ovocyte, à l’obtention d’un embryon aneuploïde expliquant des échecs de développement embryonnaire précoce, des échecs d’implantation, des fausses couches ou des malformations congénital à la naissance. Ce pourcentage d’aneuploïdie varie en fonction du type de translocation robertsonienne (Perrin A et col, 2010).

La présence d’une translocation robertsonienne peut également altérer la ségrégation méiotique d’autres chromosomes (non impliqués dans la translocation) par un effet dit inter-chromosomique, ce sujet étant encore soumis à discussion.

Dans une étude réalisée par l’équipe du laboratoire de cytogénétique et de biologie de la reproduction de l’hôpital de Poissy (Ferfouri F et col, 2011), nous avons cherché à montrer pour la première fois s’il existe un impact du type de translocation robertsonienne et de la numération spermatique en cas de translocation robertsonienne sur la ségrégation des chromosomes impliqués et sur l’effet inter-chromosomique.

Cette étude a été réalisée sur une population de 29 hommes présentant une translocation robertsonienne :

  • 16 patients avec un caryotype 45, XY, rob (13;14)(q10 ;q10)
  • 8 patients avec un caryotype 45, XY, rob (14 ;21)(q10 ;q10)
  • 5 patients avec un caryotype des translocations robertsoniennes rares.

Parmi ces 29 patients, 8 présentaient une normozoospermie et 21 une oligozoospermie.

L’étude du pourcentage de spermatozoïdes aneuploïdes a été réalisée avec les sondes spécifiques des chromosomes impliqués dans la translocation.

L’étude sur un éventuel effet inter-chromosomique a été réalisée par comparaison avec une population de 20 patients à caryotype normal ; 10 patients normozoospermiques et 10 patients oligozoospermiques.

L’effet inter-chromosomique a été réalisé par mesure du taux d’aneuploïdie avec les sondes des chromosomes 18, X et Y et avec les sondes des chromosomes 13 et 21 pour les cas où ces chromosomes n’étaient pas impliqués dans la translocation..

Au total, les résultats de cette étude montrent :

  • que le taux d’aneuploïdie des spermatozoïdes pour ces 29 patients est en moyenne de 15,5% avec des variations individuelles allant de 3,14% à 39,7%. Ce taux variable est retrouvé dans d’autres études (Ogur G et col, 2006 ; Rousseaux S et col, 1995)
  • que la moyenne du taux d’aneuploïdie est variable en fonction du type de translocation : 9,7% pour les 8 patients présentant une T rob (14 ;21) ; 16,6% pour les 16 patients présentant une T rob(13 ;14) et 21,3% pour les 5 patients avec des translocations robertsoniennes plus rares
  • que le taux d’aneuploïdie des spermatozoïdes des patients porteurs de translocation est plus important pour les patients présentant une oligozoospermie que pour les patients avec une normozoospermie (18% vs 9,7%) ; cette tendance se retrouve quelque soit le type de translocation robertsonienne.

 

Concernant l’analyse de l’effet inter-chromosomique, cette étude (Ferfouri F et col, 2011) trouve :

  • chez les patients porteurs de T rob, un taux d’aneuploïdie significativement augmenté pour les gonosomes chez ceux présentant une oligozoospermie par rapport à ceux avec une normozoospermie ; cette différence n’étant pas retrouvée pour les chromosomes 13, 18 et 21
  • une augmentation significative du taux d’aneuploïdie par effet interchromosomique pour les chromosomes 13 et 21 chez les patients normospermiques porteurs d’une T rob (n’impliquant pas les chromosomes 13 et 21) par rapport aux patients à caryotypes normaux ; cette différence n’étant pas retrouvée pour les chromosomes 18, X et Y. Ce taux plus élevé peut s’expliquer par une interaction particulière entre le trivalent des chromosomes impliqués dans la translocation et des chromosomes acrocentriques comme le 13 et le 21.
  • paradoxalement un taux d’aneuploïdie augmenté pour les chromosomes 13 et 21 chez les patients avec une oligozoospermie non porteur de T rob par rapport aux patients avec une oligozoospermie porteur de T rob. Ce dernier résultat pourrait s’expliquer par le fait que pour les patients présentant une oligozoospermie à caryotype normal, les causes de l’aneuploïdie peuvent être environnementales, génétiques ou épigénétiques ; ces facteurs pouvant être associés à un taux plus élevé d’erreur de méiose, alors que dans le cas d’une translocation robertsonienne, l’altération de la spermatogenèse est directement liée à un blocage de méiose due à la translocation.

 

En cas d’anomalie du caryotype chez un homme consultant pour infertilité, un conseil génétique doit être proposé au patient. Dans le cas d’une translocation robertsonienne, le conseil génétique est aidé par les résultats de ces différentes études mais une analyse du taux d’aneuploïdie des chromosomes impliqués dans la translocation et d’un éventuel effet inter-chromosomique, notamment en cas d’oligozoospermie associée, peut être demandée afin de mieux évaluer le risque d’anomalie chromosomique avant une prise en charge du couple en Assistance Médicale à la Procréation.

 

Références.

Perin A, Morel F, Drouet-GuilbertN, Le Bris MJ, Amice J, et al. A study of meiotic segregation of chromosomes in spermaotozoa of translocation carriers using fluorescent in situ hybridization. Andrologia, 2010, 42:27-34

 

Ferfouri F; Selva J, Boitrelle F, Molino Gomes D, Torre A, Albert M, Bailly M, Clement P, Vialard F. The chromosomal risk in sperm from heterozygous Robertsonian translocation carriers is related to the sperm count and the translocation type.

 

Ogur G, Van Assche E, Vegetti W, Veheyen G, Tournaye H, Bonduelle M et al. Chromosomal segregation in spermatozoa of 14 Robertsonian translocation carriers. Mol Hum Reprod 2006 ; 12 :209-15.

 

Rousseaux S, Chevret E, Monteil M, Cozzi J, Pelletier R, Delafontaine D et al. Sperm nuclei analysis of Robertsonian t(14q21q) carrier, by FISh, using three plasmids and two YAC probes. Hum Genet 1995;96:655-60.

 
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