Stress et Infertilité : Quels sont les liens ? Quels sont les modes de prise en charge ?

L’infertilité et ses traitements sont des sources de stress importantes pour les femmes concernées. Le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfant est considéré comme une crise majeure, comme en attestent les chiffres significativement plus élevés de détresse psychologique, de dépression et d’anxiété dans les populations de femmes infertiles que dans la population générale (1), l’infertilité générant une détresse d’intensité comparable à celle ressentie à la suite d’événements traumatiques.

Les thématiques évoquées sont celles de perte de contrôle, de colère et de deuil, ainsi qu’une sensation d’humiliation, de perte de féminité, de honte et de culpabilité (1).

Le rôle du stress et de ses répercussions psychologiques et physiologique étant maintenant reconnu dans de nombreuses pathologies, un grand nombre d’études se sont penchées sur les liens existant entre stress, détresse psychologique et infertilité. Ces études tentent de répondre à deux questions : quel est le rôle du stress en matière de reproduction (délai d’obtention d’une grossesse naturelle), et quel est son rôle dans le cadre des techniques de reproduction assistée ?

Malgré le nombre important d’études consacrées à ce sujet, les liens entre stress et fertilité restent complexes et controversés, en grande partie en raison des difficultés liées à l’objectivation du stress tant sur le plan psychologique qu’au niveau biologique.

Dans une population de couples souhaitant débuter une grossesse, des études prospectives mettent en évidence un lien entre des niveaux plus élevés de stress chez la femme, mesurés par des marqueurs salivaires tels que cortisol et alpha-amylase (2,3) et un délai plus important d’obtention des grossesses ainsi qu’un risque plus élevé d’infertilité.

Deux méta-analyses de 2011 réalisées sur ce thème aboutissent à des conclusions divergentes : la première (4) concluait que la détresse émotionnelle avait un impact négatif sur le succès des traitements de l’infertilité, alors que la deuxième (5) ne pouvait confirmer cette hypothèse.

De façon plus large, et bien que les résultats ne soient pas univoques, les revues de la littérature (6, 7, 8) ont généralement conclu que les facteurs psychosociaux tels que stress, anxiété, symptômes dépressifs et certains types de stratégies et mécanismes psychologiques utilisés pour faire face à l’adversité sont associés à une probabilité diminuée de grossesse. Cette discordance dans les résultats est attribuée à des problèmes d’ordre méthodologiques et notamment à l’utilisation de mesures de stress et de détresse psychologique ainsi qu’à des paramètres de définition de grossesse différents selon les études (8).

Au delà de la question d’une relation de causalité claire entre stress et infertilité, plusieurs travaux se sont également intéressés à l’impact de la prise en charge de la détresse psychologique sur la qualité de vie des patientes ainsi que sur le résultat des techniques de reproduction assistée.

Trois méta-analyses se sont penchées sur les effets des interventions psychologiques sur la qualité de vie des patientes et la probabilité de grossesse.

De nouveau, les résultats ont été mitigés :

La première méta-analyse publiée en 2003 (9) concluait que les interventions psychosociales permettaient de réduire les émotions négatives et plus particulièrement l’anxiété et la détresse liée à l’infertilité mais n’avait pas d’effet sur la probabilité de grossesse.

La seconde méta-analyse publiée en 2005 (10) se centrait sur les différents types de formats des interventions psychologiques (individuelle, de groupe). Les résultats suggéraient que les interventions, individuelles comme de groupe, avaient un effet favorable en terme de réduction de la détresse émotionnelle et amélioraient également les probabilités de grossesse.

La troisième méta-analyse publiée en 2009 (11), qui n’incluait que des études contrôlées, ne trouva pas de preuves suffisantes des effets des interventions psychologiques sur la détresse émotionnelle. Pourtant, un effet positif de ces interventions était trouvé sur les taux de grossesse pour les couples infertiles n’ayant pas encore débuté de prise en charge médicale.

La méta-analyse la plus récente publiée en 2015 (8) inclut quant à elle les 39 études publiées sur ce sujet entre 1978 et 2014. Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que les femmes qui bénéficient d’une intervention psychologique ont une probabilité approximativement deux fois plus élevée de commencer une grossesse que celles appartenant aux groupes contrôles et recevant un traitement standard ou une intervention de type contrôle.

Confirmant les résultats des méta-analyses précédentes, l’étude de 2015 note également un effet plus large des interventions de groupe sur la diminution de la détresse émotionnelle. Les interventions de type cognitivo-comportementales apparaissent comme plus efficace que d’autres types d’interventions. De façon significative, il apparaît que plus le niveau d’anxiété est diminué par l’intervention, plus les probabilités de grossesse augmentent.

Ces travaux suggèrent qu’une prise en charge ciblée, utilisant des approches de type cognitivo-comportementales visant à diminuer le stress psychique et physiologique associé à l’infertilité améliorerait la probabilité de grossesse.

Ces approches associent la restructuration cognitive, les techniques de relaxation (ayant un effet physiologique direct) et le soutien social (qui permet de sortir de l’isolement induit par les troubles de la fertilité).

Conclusion:

L’infertilité et ses traitements sont associés à un stress psychologique considérable.

Etant donné le coût psychologique élevé associé à l’infertilité et à ses traitements, les résultats des dernières études sur les liens complexes entre stress et infertilité recommandent de proposer aux femmes souffrant d’infertilité une prise en charge psychologique, préférablement de type cognitivo-comportementale, avant le début d’une prise en charge médicale ou parallèlement à cette prise en charge.

Ces interventions ciblées peuvent améliorer la qualité de vie des patientes ainsi que, potentiellement, leurs probabilités de grossesse.
 

Références :

1-Cousineau TM, Domar AD. Psychological impact of infertility. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol 2007;21:293–308.

2-Lynch CD, Sundaram R, Buck Louis GM, Lum KJ, Pyper C. Are increased levels of self-reported psychosocial stress, anxiety, and depression associated with fecundity? Fertil Steril 2012;98:453–458.

3-Lynch, M.D., Sumdaram, R., Maisog, J.M., Sweeny, A.M., and Buck Louis, G.M. Preconception stress increases the risk of infertility: results from a couple-based prospective cohort study—the LIFE study. Hum Reprod. 2014;29: 1067–1075

4-Matthiesen SM, Frederiksen Y, Ingerslev HJ, et al. Stress, distress and outcome of assisted reproductive technology (ART): a meta-analysis. Hum Reprod 2011;26:2763–76.


5- Boivin J, Griffiths E, Venetis CA. Emotional distress in infertile women and failure of assisted reproductive technologies: meta-analysis of prospective psychosocial studies. BMJ 2011;342:d223.

6-Klonoff-Cohen H. Female and male lifestyle habits and IVF: what is known and unknown. Hum Reprod Update 2005;11:179–203.


7-Homan GF, Davies M, Norman R. The impact of lifestyle factors on reproductive performance in the general population and those undergoing infertility treatment: a review. Hum Reprod Update 2007;13:209–23.

8-Fredricksen Y, Farver-Vestergaard, I, Grønhøj Skovgård N, Ingerslev H.J, Zachariae R. Efficacy of psychosocial interventions for psychological and pregnancy outcomes in infertile women and men: a systematic review and meta-analysis, BMJ Open 2015;5:1 e006592 

9-Boivin J. A review of psychosocial interventions in infertility. SocSci Med 2003;57:2325–41.

10- de Liz TM, Strauss B. Differential efficacy of group and individual/couplepsychotherapy with infertile patients. Hum Reprod2005;20:1324–32.

11- Haemmerli K, Znoj H, Barth J. The efficacy of psychological interventions for infertile patients: a meta-analysis examining mental health and pregnancy rate. Hum Reprod Update 2009;15:279–95.

 
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