Résultats des FIV en Europe : ESHRE 2014

Introduction

Cet article(1) relate le 14e rapport européen de l’ESHRE et fait le bilan des différentes pratiques dans les centres d’AMP à travers l’Europe en termes d’activités et de résultats
Une question est soulevée : y a t-il eu des changements en Europe dans les pratiques de l’AMP par rapport aux années antérieures ?

Matériel et Méthode

Étude rétrospective à partir des registres nationaux en Europe sur les cycles débutés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010 dans 31 pays.
991 cliniques ont rapporté 550 296 cycles de FIV, ICSI, TEC (transfert d’embryon congelé) MIV (maturation in vitro), don d’ovocytes, DPI (diagnostic pré implantatoire) et transfert d’ovocytes réchauffés mais également 176 512 cycles d’IAC et 38 124 cycles d’IAD.

Résultats

Participation
L’étude a inclus les données fournies par 31 des 47 pays européens.
Le taux de participation global (la proportion des cliniques qui ont transmis leurs résultats sur l’ensemble qui pratiquent l’AMP) était de 82,5% en léger recul par rapport à 2009.
La France, l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre enregistrent un taux de participation supérieure à 90 %.Ce taux est faible en Grèce avec seulement 18 % de participation.
Le nombre total de cycle enregistrés (FIV, ICSI, TEC) a augmenté de 2,8 % par rapport à 2009.

Distribution FIV/ICSI :
La proportion de FIV/ICSI en 2010 est en moyenne de : 32 % en FIV et 68 %pour l’ICSI.
L’utilisation de L’ICSI a été en nette augmentation ces dix dernières années jusqu’ à atteindre un plateau depuis 2008.

Grossesses et accouchements
En moyenne, le taux de grossesse par ponction en Europe était de 29,2 % (+0,3 % par rapport à 2009) et de 20,3 % après transfert d’embryons congelés(TEC) (soit une baisse de 0,6 % par rapport à 2009). Les données manquantes appelées : « perdues de vues » représenteraient en FIV-ICSI 7,3 % et 6,5 % en TEC
Le taux moyen d’accouchement par ponction était de 22,4 % pour la FIV, de 21,1 % pour l’ICSI et de 14,1 % pour les TEC, probablement légèrement sous estimée du fait « des perdues de vues ».
Le taux de fausses couches varie entre 9,9 % et 23 % en cycle frais et de 0 à 33,3 % en cycle avec de la congélation.
Pour les 9 pays européens où il n’y avait pas de données manquantes, les taux sont de 20,3 % de fausses couches après transfert d’embryons en frais et 25,3 % après TEC.

120 634 enfants sont nés en 2010 après FIV, ICSI, TEC et DPI parmi les 27 pays qui ont rapporté leurs naissances.
Ce nombre représente 1,7 % de la totalité des enfants nés en Italie ,1,8 % au Monténégro et 5,9 % au Danemark.
La proportion des enfants nés après AMP étaient supérieure à 3 % dans les pays nordiques.

Moyenne d’âge des femmes en AMP
C’est en Grèce, en Italie, et en Suisse que l’on retrouve les pourcentages les plus élevés de femmes ayant recours à l’AMP de plus de 40 ans.

Nombre moyen d’embryons transférés et taux de grossesses multiples
Le taux moyen de SET (transfert d’embryon unique) est de 25,7 % et est en augmentation rapport aux années antérieures.
Le taux moyen de 2 embryons transférés est de 56,7 %, de trois embryons est de 16,1 % et de 4 ou plus de est de 1,5 %  en fort recul par rapport à 2008 et 2009.
En 2010, 3 pays ont rapporté un taux de SET supérieur à 50 % : la Belgique 50,4 %, la Finlande 67,5 %, et la Suisse 73,3 %.

En cycle frais, le pourcentage de jumeaux est de 19,6 % et de triplés de 1 %.
Après réchauffement des embryons congelés, le pourcentage de jumeaux est de 12,5 % et de triplés de 0,3 %.

DPI (diagnostic pré implantatoire)
17 pays européens en font, le principal est l’Espagne avec 2 743 cycles par an.

MIV (maturation in vitro)
10 pays européens en font, le principal est la Russie avec 223 cycles.

Remplacement d’ovocytes vitrifiés
10 pays en font, essentiellement en Italie et en Espagne.

IAC
Au total, 176 512 cycles rapportés en 2010  (en augmentation par rapport à 2009) essentiellement en France, en Italie et en Espagne.
Le taux d’accouchement par tentative était de 8,9 % (en augmentation de 0,6 % par rapport à 2009) dont 9,3 % de jumeaux et 0,5 % de triplets.

IAD
Au total 38 124 cycles rapportés en 2010 (en augmentation par rapport à 2009) essentiellement au Danemark, en France, en Espagne, et  en Angleterre. Le taux d’accouchement par tentative était de 13,8 % (en augmentation de 0,4 % par rapport à 2009) dont 7,9 % de jumeaux et 0,2 %de triplets.

Discussion
Les méthodes de déclaration des résultats ne sont pas standardisées en Europe. Par conséquent, l’interprétation des données exige la plus grande prudence.

De plus, certains pays ne fournissent pas des données indispensables comme le nombre de cycles initiés ou encore les données concernant les accouchements. Néanmoins, cet article permet de mettre en évidence des grandes tendances en Europe sur les pratiques en AMP.
En 2010 la participation des différentes cliniques en Europe était de 82,5 % à peu près similaire à celle de 2009 (85,2 %).
Globalement le nombre de cycle rapporté a augmenté de 2,4 % depuis 2009 pour atteindre 555 296 cycles.
Le nombre de femmes en âge de procréer est un bon dénominateur pour mesurer l’accessibilité de l’AMP dans un pays. Ainsi en utilisant ce dénominateur des différences importantes sont mises en évidence entre les différents pays européens allant de 2 703 cycles en Hongrie jusqu’à 14 494 cycles en Belgique.
Le nombre d’enfants nés après AMP varient entre 0,6 % en Moldavie et 5,9 % au Danemark.
On peut noter que le taux de grossesse par ponction est resté relativement stable sur ces trois dernières années autour de 29,2 % pour la FIV et 28,8 % pour l’ICSI . Tandis que le taux de grossesse après transfert d’embryon congelé a lui augmenté par rapport à 2008 (20,3 %). Ceci s’explique facilement par l’amélioration des techniques de congélation grâce à l’utilisation notamment de la vitrification embryonnaire.
L’utilisation de la FIV ou de l’ICSI semble être différente en fonction des pays et plus précisément en fonction de la « zone » géographique. Ainsi dans les pays d’Europe du nord et de l’Est comme le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Roumanie, la Russie, la Suède ou encore les Pays-Bas, la FIV reste la technique la plus utilisée. En revanche, dans la plupart des pays d’Europe occidentale et centrale comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche et la suisse l’ICSI est plus largement utilisée (dans 75 % des cas). Cette tendance est suivie également par les États-Unis où l’ICSI est très largement utilisée (dans 74 % des cas).
Cette augmentation du recours à l’ICSI par rapport à la FIV ne semble pas lié à l’augmentation des infertilités d’origine masculines mais plutôt du à l’utilisation plus large de cette technique dans de nombres autres indications comme :pour les problèmes mixtes d’infertilité, aux infertilités idiopathiques, aux échecs de fécondation en FIV ou encore lorsque peu d’ovocytes sont recueillis à la ponction (Jain and Gupta (2), Nyboe Andersen et coll (3).De même qu’aux États-Unis où  53 % des cycles d’ICSI ont été fait pour des couples sans diagnostique évident d’ infertilité masculine (CDC, (4)).
En 2010, en Europe le nombre de transfert de trois embryons ou plus a diminué par rapport à ces trois dernières années et celui du transfert unique d’embryon (SET) à lui augmenté. Les pays en Europe qui pratiquent le plus le « SET » sont : la Suède, la Finlande, la Belgique et le Danemark ; à la différence de l’Italie ou la Grèce qui continuent à transférer dans de nombreux cas trois ou plus d’embryons. Malgré ces différences importantes de politiques de transfert entre les pays, la tendance générale qui consiste à transférer moins d’embryons semble se poursuivre.
La même tendance est observée sur le nombre de grossesses multiples. Au total une baisse importante d’accouchement de triplets a été observée passant de 3.6% en moyenne en 1997 à 1,0 % en 2010. Cependant des différences majeures sont à noter en fonction des pays, certains ont un taux d’accouchement de triplets comme la Serbie (5,2 %), la Bulgarie (2,2 %) et en Italie (1,9 %) encore très élevé et d’autres ont réussi à maintenir un taux inférieur à 0,2 % (Belgique, Suède, Pays-Bas). La pratique du SET permettrait de réduire sensiblement ce risque (Clua) (5).
Le risque d’un accouchement prématuré (avant 28 SA) est multiplié par 3 pour des grossesses gémellaires et par 13 pour des grossesses avec des triplets. Après 28 semaines d’aménorrhées, ce risque est multiplié par 5 pour des grossesses gémellaires et par 20 pour des grossesses avec des triplets.
Les taux d’accouchement en Europe par ponction et par transfert reste inférieur à celui des États-Unis (CDC) (4). Cependant ces taux en Europe étaient similaires à ceux obtenus en Australie et aux nouvelles Zélande.
Le taux de jumeaux (triplets ou plus) est un point important de différence entre les pays avec en moyenne en Europe 20,6 % pour 30,3 % aux USA et 7,8 % en Australie et aux nouvelles Zélande.
La tendance qui consiste à augmenter la proportion de TEC est suivie par certains pays Ainsi le taux de grossesse par cycle passe de 22,7 % à 34,8 % en Finlande, de 15,7 à 21 % en Belgique et de 22,8 à 31,9 % en Suisse. Ces bons taux permettent de justifier aisément leur politique de transfert et de congélation.
Le nombre de cycle d’IAC et d’IAD ont légèrement augmenté depuis 2008 et 2009. Les taux de grossesse et de grossesse multiple correspondants sont eux stables dans le temps.

Conclusion
Le 14e rapport de l’ESHRE sur l’AMP en Europe montre une augmentation modérée du nombre de cycles avec plus d’un demi million de cycles rapportés en 2010. Le nombre total de cycle d’AMP continuent d’augmenter d’année en année, bien que les taux de grossesse en 2010 soient restés similaires à ceux de 2009. L’utilisation de l’ICSI semble atteindre un plateau. Le taux de grossesses multiples reste relativement stable par rapport à 2008 et 2009. Le nombre de transfert d’embryons supérieurs à 3 semble diminuer.

Bibliographie
(1) M.S. Kupka*, A.P. Ferraretti, J. de Mouzon, K. Erb, T. D’Hooghe, J.A. Castilla, C. Calhaz-Jorge, C. De Geyter, V. Goossens, and The EuropeanIVF-monitoring (EIM) Consortium,for the European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE).Assisted reproductive technology in Europe, 2010: results generated from European registers by ESHRE, Hum Reprod 2014, 29,.2099–2113.
(2) Jain T, Gupta RS. Trends in the use of intracytoplasmatic sperm injection in the United States.
New Engl J Med 2007;357:251–257.
(3) Nyboe Andersen A, Goossens V, Bhattacharya S, Ferraretti AP, KupkaMS, de Mouzon J,Nygren KG; European IVF-monitoring (EIM)Consortium, for the European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE).Assisted reproductive technology and intrauterine inseminations in Europe, 2005: results generated from European registers by ESHRE. TheEuropean IVF Monitoring Programme (EIM), for the European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE).
Hum Reprod 2009; 24:1267–1287.
(4) CDC, Centres for Disease Control and Prevention. Reproductive health. Assisted reproductive technology. National Summary and Fertility Clinic Reports 2010.
(5) Clua E, Tur R, Coroleu B, Boada M, Rodrı´guez I, Barri PN, Veiga A. Elective single-embryo transfer in oocyte donation programmes: should it be the rule? Reprod Biomed Online 2012;25:642–648.

 
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