Profil de fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes en fonction des groupes cliniques

Alkaline and neutral Comet assay profiles of sperm DNA damage in clinical groups
J. Ribas-Maynou, A. Garcıa-Peiro , C. Abad, M.J. Amengual,
J. Navarro, and J. Benet,*
Human Reproduction, Vol.27, No.3 pp. 652–658, 2012

L’analyse de la qualité du noyau des spermatozoïdes à travers la mesure du taux de fragmentation de l’ADN est devenue un examen important au cours de la prise en charge d’un patient infertile. Pour certains, cet examen doit même être réalisé avant les premières tentatives d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) puisque le taux de fragmentation d’ADN des spermatozoïdes peut être élevé bien que les paramètres classiques du sperme soient normaux.

Les causes d’augmentation de la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes sont nombreuses ; à la fois des facteurs intrinsèques comme le stress oxydant, des altérations de la structure de l’ADN pendant la spermatogenèse, une apoptose augmentée des cellules germinales au moment de la méiose (Sakkas D et col. 1999) ou des facteurs extrinsèques comme les toxiques environnementaux, des traitements anticancéreux (chimiothérapie, radiothérapie) (O’Flaherty C et col, 2008).

Différentes méthodes sont utilisées pour mesurer le taux de fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes : Comet assay, SCSA (Evenson D et col, 2000), méthode TUNEL (in situ sur lame ou en cytométrie de flux) (Sergerie M et col, 2005). L’interprétation de ces résultats est délicate, la question étant de savoir quel seuil de fragmentation doit être retenu comme pathogène. Les différentes études donnent des seuils assez différents à la fois en fonction des techniques utilisées et des populations d’hommes analysés (Sergerie M et col, 2005). La majorité des équipes considèrent aujourd’hui qu’un taux de fragmentation d’ADN supérieur à 30% peut être considéré comme étant en cause dans des échecs d’AMP liés à des échecs de développement embryonnaire précoce. Néanmoins l’interprétation d’un résultat pathogène doit être nuancé par le fait que les ovocytes ont des capacités de réparation de l’ADN des spermatozoïdes pouvant quand même permettre un développement embryonnaire de bonne qualité ; ce pouvoir de réparation étant d’autant plus efficace que les ovocytes sont obtenus chez une femme plus jeune.

L’altération de l’ADN des spermatozoïdes peut toucher l’un des deux brins d’ADN ou les deux brins. Les méthodes mentionnées ci dessus ne permettent pas de faire cette différence. Une équipe de l’université de Barcelone (Ribas-Maynou J et col, 2012) s’est intéressé à différencier ces deux types d’altération, en émettant l’hypothèse que des profils de fragmentation d’ADN différents (simple brin et double brins) pouvaient être trouvés dans des populations d’hommes ayant des origines d’infertilité différentes. Pour différencier le type de profil, l’équipe de Barcelone a utilisé la technique COMET, en faisant varier la valeur du pH (condition neutre ou alcaline)., et en utilisant comme contrôle des altérations (cassures) de l’ADN provoqués soit de manière oxydative soit de manière enzymatique.

L’étude a été réalisée sur une population de 73 hommes :

  • 15 hommes fertiles (donneurs de sperme)
  • 15 hommes ayant une asthénotératozoospermie (ATZ) avec varicocèle
  • 15 hommes ayant une asthénotératozoospermie (ATZ) sans varicocèle.
  • 15 hommes ayant une oligoasthénotératozoospermie (OATZ).
  • 13 hommes présentant des anomalies de structures chromosomiques (9 translocations réciproques, 1 translocation robertsonienne, 2 doubles translocations réciproques, 1 inversion.

Les résultats montrent que la technique COMET en condition alcaline est plus sensible pour détecter les cassures simple brin d’ADN et la technique COMET en condition neutre plus sensible pour détecter les cassures doubles brins d’ADN.

Les profils de fragmentation sont différents en fonction des conditions neutre ou alcaline et en fonction de l’origine de l’altération (oxydative ou enzymatique).

La différence des taux de fragmentation de l’ADN reste significative quelque soit les conditions analytiques entre le groupe d’hommes fertiles (donneurs) et tous les groupes d’hommes infertiles (pris globalement ou séparément).

Cette étude confirme l’hypothèse (Sakkas D et col, 2010) de l’association entre le stress oxydant et une augmentation de l’activité enzymatique des caspases et des endonucléases du sperme.

Il n’y a pas de différences significatives entre les populations d’hommes ATZ sans varicocèles, d’hommes OATZ et d’hommes porteurs d’anomalies de structures chromosomiques (bien que dans ce dernier cas, il y ait une tendance à l’augmentationdu taux de fragmentation).

Les taux de fragmentation d’ADN des hommes ATZ avec une varicocèle sont significativement plus élevés que dans les autres groupes d’hommes infertiles, confirmant l’hypothèse que le stress oxydatif est une des causes majeures d’altérations de l’ADN dans ces conditions (Hauser et col, 2001), et qu’un traitement antioxydant peut être proposé à ces patients.

Dans le groupe des hommes infertiles avec anomalies chromosomiques, le profil de fragmentation est plus proche de celui des hommes avec ATZ et varicocèle, laissant penser que le stress oxydatif est une cause majeure d’altération de l’ADN dans ce groupe de patient. D’autre part dans ce groupe, la variabilité du taux de fragmentation est élevée et différentes en fonction des conditions alcaline ou neutre, et en fonction des patients ayant des anomalies de structure différentes. Il y a des situations dans lesquelles le taux de fragmentation est élevé dans les deux situations et d’autres situations où il existe une différence du taux de fragmentation en fonction des conditions neutres ou alcalines ; cette deuxième situation semblant avoir un meilleur pronostic en terme de grossesse évolutive (ce résultat devant être confirmé sur un nombre de cas plus important).

Cette étude est intéressante car elle montre que la technique d’étude de la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes pourrait être affinée afin de différencier différentes causes d’altération de l’ADN. Dans les situations d’homme présentant une augmentation de la fragmentation de l’ADN dans le sperme, mieux appréhender l’origine de celle ci  permettrait une meilleure prise en charge de l’infertilité ; traitement anti-oxydant avec des chances suffisantes d’efficacité ou proposition d’une solution alternative d’AMP. Elle montre également l’intérêt de cette technique dans l’évaluation du pronostic chez les hommes porteurs d’anomalies chromosomiques.

 

Référence.

Evenson D, Jost L. Sperm Chromatine Structure Assay is useful for fertility assesment. Methods Cell Sci. 2000 ; 2-3 :169-189

Hauser R, Paz G, Botchan A et col. Varicocele : effect on sperm functions. Hum reprod Update. 2001 ; 5 :482-485

O’FlahertyC, Vaisheva F et col. Characterization of sperm chromatin quality in testicular cancer and hodgkin’s lymphoma patients prior to chemotherapy. Hum Reprod 2088 ; 5 :1044-1052

Ribas-Maynou J, Garcia-Peiro A et col. Alkaline and neutrl Comet assay profiles of sperm DNA damage in clinical groups. Hum Reprod. 2011 ; 27 : 652-658

Sakkas D, Mariethoz E et col. Origin of DNA damage in ejaculated human spermatozoa. Rev Reprod 1999 ; 1 :31-37

Sakkas D, Alvarez JG. Sperm DNA fragmentaiton : mechanism of origin, impact on reproductive outcome and analysis. Fertil Steril 2010 ;4 :1027-1036

Sergerie M, Laforest G, Bujan L et col. Sperm DNA fragmentation: threshold value in male fertility Hum. Reprod. 2005 ;20: 3446-3451

 
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