Analyse du sperme sur smartphone

L’infertilité touche 15 à 20% des couples en âge de procréer, et des causes masculines sont impliquées dans près de 50% des cas. Bien que ce pourcentage de causes masculines soit important, beaucoup d’hommes ne sont pas conscient de ces chiffres dans la mesure où la littérature grand public et les médias ne s’en font pas l’écho. Une meilleure connaissance des causes masculines d’infertilité serait nécessaire dans la population générale.

Partant de cet état des lieux, une équipe américaine a chercher comment il serait possible que les hommes aient un accès plus facile à leur fertilité. Or l’analyse du sperme est à la base de l’exploration de la fertilité de l’homme.

Au cours de la prise en charge du couple infertile, les hommes doivent réaliser, après une consultation médicale, un spermogramme dans un laboratoire, ce qui nécessite un recueil au sein du laboratoire. Beaucoup d’hommes ne sont pas très à l’aise avec cette pratique.

En 1677, un scientifique allemand, Antonie Van Leeuwenhoek, a mis au point « l’ancêtre du microscope » en construisant une lentille sphérique adaptée sur un microscope permettant d’observer des très petits éléments avec détails. Cette découverte a été utilisée dans de très nombreuses applications médicale et en autre en spermiologie (description des animalcules spermatiques), car elle permettait de grossir l’élément observé par 270 fois sa taille.

L’équipe de Chicago rapporte dans cette publication comment ils ont réussi à adapter ce dispositif sur un smartphone équipé d’une caméra comme le sont aujourd’hui la majorité des smartphones.

La lentille sphérique de 0,8 mm est ainsi insérée dans un petit support en plastique et placée sur l’ouverture de la caméra du smartphone.

Les auteurs précisent qu’avec cette adaptation, le système permet d’amplifier 555 fois la taille de l’élément observé.

Trois types de smartphone ont été utilisés pour tester ce dispositif : Iphone 5S, Iphone 6S et LG Optimus Exceed2.

L’évaluation de la technique a été réalisée à partir d’éjaculats de 50 patients. Après liquéfaction du sperme, le prélèvement est homogénéisé et mis dans un tube calibré pour mesurer le volume. Le système comprend deux parties : une lentille et une partie en polyéthylène qui permet la fixation sur le smartphone. Un aliquot de 10ul de sperme est placé sur la surface en polyéthylène, elle même placée ensuite sur le smartphone.

Les spermatozoïdes mobiles et statiques sont comptés en pourcentage, à partir du smartphone, lui-même connecté à un MacBook Pro Retina (Apple). Le système ne permet pas de compter séparément les spermatozoïdes mobiles progressifs et les mobiles sur place. Trois cadres de lecture sont comptés pour chaque sperme analysé. Parallèlement à cette analyse sur le smartphone, une analyse sur le système CASA est effectuée pour chaque éjaculat.

5 spermes avaient une numération de plus de 100 millions/ml et ne pouvaient pas être comptés avec le système sur smartphone.

Pour les autres spermes, 14 ont une numération inférieure à 15 Millions/ml ; 17 avaient une numération entre 15 et 50 Millions/ml et 14 spermes avaient une numération entre 50 et 100 Millions/ml.

L’analyse statistique montre une très bonne corrélation entre le système CASA et l’analyse avec le smartphone, en ce qui concerne la concentration en spermatozoïdes (p<0,001) et la mobilité (p<0,001).

Le manuel de l’OMS définit une oligozoospermie comme un nombre de spermatozoïdes inférieur à 15 millions/ml. L’étude montre qu’avec l’Iphone 6S, on détecte une oligozoospermie dans 83% des cas pour un nombre de spermatozoïdes inférieur à 8 par champs de vision sur le smartphone et il y a 9% de cas d’oligozoospermie pour un nombre supérieur à 8. Pour l’Iphone 5S on détecte l’oligozoospermie également dans 83,3% des cas pour un nombre de spermatozoïdes inférieur à 5 par champs de vision, et dans 12,1% des cas si le nombre est supérieur à 5. Enfin pour le LG Optimus Exceed2, on détecte une oligozoospermie dans 75% des cas pour un nombre de spermatozoïdes inférieur à 5 par champs de vision et dans 12,1% des cas pour un nombre supérieur à 5.

En fonction de ces résultats, il est possible de déterminer une oligozoospermie avec une sensibilité et une spécificité respectivement de 83,3% et 90,9% pour l’Iphone6S, de 90 ;9% et de 88,2% pour l’Iphone 5S et de 75% et 87,8% pour le LG Optimus.

Entre la découverte des « animalcules » (ancêtres des spermatozoïdes) par Antonie van Leeuwenhoek (Karamanou M, 2010) et l’observation des spermatozoïdes sur un smartphone, il s’est passé plusieurs siècles.

En dehors de la publicité que cet article fait pour la firme à la pomme, cela pose de nombreuses questions.

Les smartphones sont maintenant utilisés dans différentes applications médicales (Kim E, 2016 ; Kanazawa T, 2016 ; Patel NG, 2016), et ceci y compris dans l’analyse d’éléments microscopiques comme des bactéries (Hutchinson JR, 2015).

Les auteurs concluent que la facilité d’accès à ce type de technique sur un smartphone et l’utilisation simple permettrait à un nombre important d’hommes de faire cette analyse simplement avec une bonne sensibilité et spécificité.

 

Analyse de l’article.

Le fait qu’une grande partie de certaines populations possèdent des smartphones donnent effectivement la possibilité aux hommes qui le souhaitent de « tester leur fertilité ».

Toutefois il faut rester extrêmement prudent en ce qui concerne ce type d’analyse « à la maison ».

En effet, la fertilité d’un homme, voir d’un couple est loin de se résumer à la numération et à la mobilité des spermatozoïdes.

D’autre part, la lecture des spermatozoïdes réalisée dans cet article est faite par des professionnels de la spermiologie et il n’est pas certain qu’un homme seul chez lui puisse le faire correctement.

En plus, la lecture du sperme sur le smartphone est uniquement la partie analytique de l’examen biologique, et l’on sait très bien que, d’une part la partie pré-analytique (conditions dans lesquels sont faits les recueils, antécédents, traitement en cours … ) jouent un rôle important dans l’interprétation du résultat, ce que le patient ne peut pas forcement savoir et que d’autre part la partie post-analytique (interprétation du résultat) ne se résume pas à deux chiffres (la numération et la mobilité des spermatozoïdes).

Avoir un résultat, c’est bien ; pouvoir l’interpréter correctement c’est mieux.

D’autre part, plusieurs autres paramètres du sperme doivent être analysées dans un spermogramme réalisé en laboratoire, ainsi que d’autres examens complémentaires (spermoculture, analyse de l’ADN du spermatozoïdes …)

Ce procédé pose également un potentiel problème psychologique pour un patient qui apprendrait seul chez lui qu’il présente une azoospermie alors que ce résultat peut être tout à fait transitoire pour de nombreuses raisons. L’accompagnement du patient dans l’annonce d’un tel résultat doit être fait par un professionnel de santé au cours d’une consultation.

Si ce type d’examens sur smartphone devait se développer dans la population générale, il faudrait qu’il y ait une importante et claire information à travers les médias afin que les hommes qui l’utilisent en connaissent les limites et que ce soit plutôt une étape vers une consultation médicale pour une prise en charge plus rapide.

Il est certain de ce type d’utilisation peut être pertinent dans le cadre d’un suivi de traitement comme le diabète, mais certainement plus compliqué dans un contexte de diagnostic.

A quand l’échographie 3D du fœtus, faite à la maison par une femme enceinte avec son smartphone ?

 

 

Références.

Novel device for male infertility screening with single-ball lens microscope and smartphone.
Kobori Y, Pfanner P, Prins GS, Niederberger C.
Fertil Steril. 2016 Sep 1;106(3):574-8.

Feasibility of a Patient-Centered, Smartphone-Based, Diabetes Care System: A Pilot Study.
Kim EK, Kwak SH, Baek S, Lee SL, Jang HC, Park KS, Cho YM.
Diabetes Metab J. 2016 Jun;40(3):192-201

Use of smartphone attached mobile thermography assessing subclinical inflammation: a pilot study.
Kanazawa T, Nakagami G, Goto T, Noguchi H, Oe M, Miyagaki T, Hayashi A, Sasaki S, Sanada H.
J Wound Care. 2016 Apr;25(4):177-80,

Modern use of smartphone applications in the perioperative management in microsurgical breast reconstruction.
Patel NG, Rozen WM, Marsh D, Chow WT, Vickers T, Khan L, Miller GS, Hunter-Smith DJ, Ramakrishnan VV.
Gland Surg. 2016 Apr;5(2):150-7

Reagent-free and portable detection of Bacillus anthracis spores using a microfluidic incubator and smartphone microscope.
Hutchison JR, Erikson RL, Sheen AM, Ozanich RM, Kelly RT.
Analyst. 2015 Sep 21;140(18):6269-76

 
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