Amélioration des taux de grossesses après vitrification des embryons à J3 versus congélation lente : étude randomisée

La qualité de la cryoconservation des embryons surnuméraires est un élément fondamental d’une bonne prise en charge d’un couple en Assistance Médicale à la Procréation. De nombreuses études et plusieurs méta-analyses ont montré l’efficacité supérieure de la vitrification par rapport à la congélation lente (Kolibianakis et al, 2009, Abdelhafez et al, 2010) en terme de taux de survie  après décongélation au stade blastocyste. Mais dans plusieurs études, il existe une controverse en ce qui concerne les taux de grossesses issues de ces deux techniques, certainement liée à une quantité de données insuffisante.

En ce qui concerne les embryons précoces (J2 et/ou J3), il existe également des différences de conclusions entre plusieurs études ; certaines concluant à une amélioration des taux de survie des embryons à la décongélation, des taux d’implantation et de grossesses après vitrification par rapport à la congélation lente (Rama Raju et al, 2005, Fasano et al, 2014), d’autres études ne trouvant pas de différences entre les deux techniques (Li et al, 2007, Wilding et al, 2010).

Afin d’essayer de répondre à cette question, l’équipe belge à l’origine de cette publication a décidé de mettre en place une étude prospective randomisée. Cette étude a été initiée suite à la modification de la législation belge obligeant les centres à limiter le nombre d’embryons transférés et à privilégier le transfert d’un seul embryon « en frais » (Single Embryo Transfer).

Les critères d’inclusion des patientes étaient les suivants :

  • patientes de moins de 40 ans
  • ovocytes de la patiente
  • première tentative de FIV ou ICSI
  • patientes planifiées pour un transfert à J3
  • nombre suffisant d’embryons surnuméraires de bonne qualité

Un consentement était signé par les patientes.

Tous les embryons surnuméraires d’un couple ont été congelés avec la même technique.

La congélation lente était effectuée avec un milieu contenant du 1,2-propanediol et 0,1M de sucrose, puis utilisation du Planer (technique en une étape). La vitrification était effectuée avec un milieu composé de diméthylsulphoxide (DMSO)-ethylène glycol (EG)-sucrose comme cryoprotecteur et les embryons placés dans des paillettes haute sécurité (un embryon par paillette).

Après réchauffement, les embryons sont notés comme ayant une survie si plus de 50% des blastomères présents à la congélation sont encore présents, et notés totalement intacts si 100% des blastomères sont présents.

Les embryons réchauffés sont placés dans un milieu pendant 24H et ré-évalués le lendemain. La reprise du développement embryonnaire est considérée comme présente s’il y a au moins un blastomère de plus que le nombre compté au moment du réchauffement. Les embryons ayant  ou non repris leurs divisions sont transférés. Les embryons dégénérés ne sont pas transférés et dans ce cas, un autre embryon est décongelé et transféré s’il n’est pas dégénéré.

Au total, sur 562 patientes qui ont signé le consentement, 255 n’ont pas pu être randomisées. 307 patientes ont été randomisées ; 155 patientes (480 embryons) avec la congélation lente et 152 patientes (495 embryons) avec la vitrification. Il n’y avait pas de différences significatives entre les deux groupes pour l’âge des patiente, les indications de prise en charge en AMP, l’index de masse corporelle, le type d’infertilité (primaire et secondaire), le nombre d’ovocytes recueillis à la ponction, le nombre d’ovocytes matures, le nombre d’embryons surnuméraires et la qualité embryonnaire, ni le taux d’implantation et de grossesses après transfert d’embryons « frais ».

En ce qui concerne les tentatives de transfert d’embryons congelés/décongelés à J3, les résultats sont les suivants.

 

 

Congélation lente

Vitrification

p

Nb embryons congelés et décongelés

200

217

 

% de survie

52,5

84,3

<0,0001

% embryons totalement intact

28,6

75,4

<0,0001

% embryons reprenant leur division

61,2

78,3

0,0043

Nb moyen embryons transférés

1,43+/-0,5

1,62+/-0,49

 

Taux d’implantation

7,5%

20,7%

0,0012

Taux de naissances vivantes

5%

16,1%

0,0022

 

Les résultats de cette étude randomisée montre clairement que le taux de naissances vivantes après transferts d’embryons congelés/décongelés au stade J3 par la technique de vitrification est significativement supérieur à la technique de congélation lente.

Il faut noter que dans cette étude, les embryons congelés/décongelés venaient des ovocytes d’une même ponction et qu’il n’y avait donc pas d’accumulation d’ovocytes à partir de plusieurs ponctions, ceci afin de répondre à la législation belge.

Les auteurs de l’étude notent que d’autres études randomisées ne trouvent pas de différences en taux de naissances vivantes entre ces deux groupes (Wilding et al, 2010 ; Fasano et al, 2014), mais les taux de naissances vivantes après vitrification sont plus élevés dans cette étude (16,1%) que dans les deux autres (12% dans l’étude de Wilding et 7,5% dans celle de Fasano qui utilisaient à la fois des embryons à J2 et à J3).  Ces différences peuvent s’expliquer par le stade auxquels sont congelés les embryons (J2 et/ou J3), par les critères d’inclusions des couples, par la technique de vitrification ; système ouvert (Li et al, 2007 ; Balaban et al, 2008) ou système fermé (Wilding et al, 2010 ; Fasano et al, 2014), par l’utilisation ou non d’une remise en culture avant le transfert.

Le taux de grossesse multiple après vitrification était de 31% dans cette étude ; ce résultat devant être analysé en fonction du taux plus élevé d’implantation et du nombre moyen d’embryons transférés de 1,6 (assez élevé). Les auteurs suggèrent de renforcer la politique de Single Embryo Transfer en cas d’utilisation d’embryons vitrifiés.

Cette étude randomisée conclue donc à l’intérêt d’utiliser la technique de vitrification pour les embryons au stade précoce. En France, l’autorisation de vitrification date maintenant de quelques années (2011) et beaucoup de centres ont commencé en vitrifiant des blastocystes (cf étude des BLEFCO sur la vitrification dans les centres français). Le surcout de la vitrification a incité beaucoup de centres français a opter pour ce choix car il permet de sélectionner les embryons à congeler en utilisant la culture prolongée jusqu’au stade blastocyste et donc d’en congeler moins. Les centres étaient également incités à commencer par cette politique de vitrification des blastocystes étant donné les mauvais résultats des taux de survie des blastocystes avec la congélation lente, ce qui n’était pas le cas pour les embryons à J2/J3.

Il est certain qu’avec ce type d’étude, les centres qui n’ont pas commencé la vitrification des embryons au stade précoce doivent avoir une réflexion pour évoluer vers cette pratique. Ceci pose néanmoins un problème de surcoût, pour une technique qui n’est pas encore à la nomenclature des actes de biologie médicale. La fédération des BLEFCO a fait une demande de mise à la nomenclature de cette technique, en envoyant un dossier argumenté à la Haute Autorité de Santé pour évaluation de son efficacité. Ce dossier se base notamment sur différentes études publiées dans de grandes revues internationales. L’étude de l’équipe Belge pourra s’ajouter à ces études pour étayer notre demande en démontrant que la technique de vitrification est plus efficace que la congélation lente quelque soit le stade embryonnaire.

Référence.

Cryopreservation of human embryos by vitrification or slow freezing: which one is better?
Kolibianakis EM, Venetis CA, Tarlatzis BC.
Curr Opin Obstet Gynecol. 2009 Jun;21(3):270-4

Slow freezing, vitrification and ultra-rapid freezing of human embryos: a systematic review and meta-analysis.
AbdelHafez FF, Desai N, Abou-Setta AM, Falcone T, Goldfarb J.
Reprod Biomed Online. 2010 Feb;20(2):209-22

A randomized controlled study of human Day 3 embryo cryopreservation by slow freezing or vitrification: vitrification is associated with higher survival, metabolism and blastocyst formation.
Balaban B, Urman B, Ata B, Isiklar A, Larman MG, Hamilton R, Gardner DK.
Hum Reprod. 2008 Sep;23(9):1976-82

Vitrification of cleavage stage day 3 embryos results in higher live birth rates than conventional slow freezing: a RCT.
Debrock S, Peeraer K, Fernandez Gallardo E, De Neubourg D, Spiessens C, D'Hooghe TM.
Hum Reprod. 2015 Aug;30(8):1820-30

A randomized controlled trial comparing two vitrification methods versus slow-freezing for cryopreservation of human cleavage stage embryos.
Fasano G, Fontenelle N, Vannin AS, Biramane J, Devreker F, Englert Y, Delbaere A.
J Assist Reprod Genet. 2014 Feb;31(2):241-7

[Comparison of vitrification and slow-freezing of human day 3 cleavage stage embryos: post-vitrification development and pregnancy outcomes].
Li Y, Chen ZJ, Yang HJ, Zhong WX, Ma SY, Li M.
Zhonghua Fu Chan Ke Za Zhi. 2007 Nov;42(11):753-5

Vitrification of human 8-cell embryos, a modified protocol for better pregnancy rates.
Rama Raju GA, Haranath GB, Krishna KM, Prakash GJ, Madan K.
Reprod Biomed Online. 2005 Oct;11(4):434-7

Human cleavage-stage embryo vitrification is comparable to slow-rate cryopreservation in cycles of assisted reproduction.
Wilding MG, Capobianco C, Montanaro N, Kabili G, Di Matteo L, Fusco E, Dale B.
J Assist Reprod Genet. 2010 Sep;27(9-10):549-54.

 
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