THM après cancer du sein : l’étude Stockholm après 10 ans de suivi confirme la contre-indication !

De nombreuses patientes antérieurement traitées pour un cancer du sein se plaignent de symptômes climatériques et d’une diminution de leur qualité de vie ; les thérapeutiques proposées restent habituellement d’une efficacité médiocre. Les estrogènes, utilisés seuls ou en association à une molécule progestative, permettent chez les femmes saines une nette amélioration de ces paramètres. Le rôle des hormones sexuelles dans la pathogénie du cancer du sein et le risque de récidives sous traitement hormonal imposent la plus grande prudence. Bien que certaines études donnent des résultats contradictoires, un antécédent de cancer du sein reste à ce jour une contre-indication formelle au THM.

En 1997, deux essais prospectifs randomisés indépendants ont été initiés afin d’évaluer de façon précise les effets et les risques d’un THM après un cancer du sein : il s’agit des études HABITS et Stockholm. Des résultats intermédiaires montrant un risque accru de récidives (HR=1,8 avec un IC à 95% =1,03-3,1) ont imposé leur arrêt prématuré. Il existait cependant une importante hétérogénéité des résultats avec notamment un risque non significativement augmenté dans l’étude Stockholm, après 4,1 ans de suivi. Les auteurs rapportent ici les résultats de cet essai après près de 11 ans de recul.

Les femmes randomisées présentaient un antécédent de cancer du sein sans distinction de délai, de stade ou de statut hormonal. Les 188 patientes recevant un THM étaient comparées à 190 femmes sans traitement. Le THM utilisé était constitué soit d’un estrogène associé l’acétate de medroxyprogesterone (MPA) selon un mode séquentiel ou continu soit d’un estrogène seul en cas d’hystérectomie antérieure. Ce traitement avait été suivi en moyenne sur 2,6 ans.

Durant plus de 10 ans de suivi, 108 évènements sont survenus sans différence significative globalement entre les 2 groupes (HR=1,3 (0,9-1,9)). Il s’agissait de récidives loco-régionales, de métastases à distance, de tumeurs contro-latérales, d’autres cancers primitifs ou de décès. Seul le taux des récidives controlatérales semblait augmenter sous THM (HR=3,6 (1,2-10,9)) : dans la moitié des cas, l’histologie y était différente de celle de la tumeur initiale. Un excès de risque était également retrouvé chez les patientes traitées moins de 2 ans avant la mise en route du THM contrairement à celles traitées depuis plus longtemps (HR=4,8 (1,0-22)). Aucune différence n’apparaissait concernant le taux de mortalité globale et le risque de survenue d’un autre cancer. Probablement du fait du petit nombre de patientes dans chaque groupe, le type de THM semblait indifférent (estrogènes seuls ou en association continue ou séquentielle avec du MPA). 197 femmes étaient sous tamoxifène lors de l’entrée dans l’essai : un excès de risque de cancer controlatéral lié au THM était observé chez elles.

Un effet « timming » est retrouvé dans cet essai avec un risque accru chez les patientes traitées pour leur cancer depuis moins de 2 ans. Cet effet est à rapprocher de celui retrouvé chez les femmes saines chez lesquelles plusieurs études montrent un sur-risque de cancer du sein si le THM est initié précocement après leur entrée en ménopause.

La moitié des récidives controlatérales sous THM présentaient une histologie différente de la tumeur initiale : la question de la récidive ou de la survenue d’une autre tumeur primitive se pose donc.

Dans l’essai HABITS, l’augmentation de risque était attribuée à la plus grande exposition aux progestatifs qui y étaient administrés préférentiellement en continu ; dans l’étude Stockholm présentée ici, aucune différence n’est perceptible en fonction du schéma thérapeutique.

Le rôle du tamoxifène en termes de prévention secondaire est bien établi mais cet effet protecteur semble disparaitre sous THM.

A ce jour, un antécédent de cancer du sein reste une contre-indication formelle à la mise en route d’un THM. Il faut souhaiter que de nouvelles thérapeutiques alternatives plus efficaces voient le jour permettant une amélioration de la qualité de vie des femmes après cancer du sein.

 

Fahlèn M, Fornander T, Johansson H, Johansson u et al. Hormone replacement therapy after breast cancer: 10 year follow up of the Stockholm randomised trial. European Journal of Cancer 2013;49:52-59.

 
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