Quel traitement en cas d’insuffisance ovarienne prématurée ?

Ostéopénie, ostéoporose et risque fracturaire ont été rapportés chez les patientes en hypogonadisme qu’il soit lié à un syndrome de Turner ou à une insuffisance ovarienne prématurée (IOP). Plusieurs études ont montré l’intérêt, sur la masse osseuse, d’un traitement estrogènique ou par hormone de croissance, en particulier chez les filles atteintes de syndrome de Turner. A l’inverse, peu de recherches se sont intéressées à l’évolution de la minéralisation osseuse en cas d’IOP alors même que l’effet néfaste de la carence hormonale à la ménopause et son évolution sous traitement sont parfaitement établis. Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur le traitement optimal à proposer aux filles atteintes d’IOP. Certaines vont bénéficier d’un traitement substitutif identique à celui proposé aux femmes ménopausées alors que d’autres vont se voir conseiller une simple pilule estro-progestative. Il a déjà été prouvé que la substitution hormonale « naturelle » en cas d’IOP entraine moins de perturbations métaboliques et moins d’hypertension artérielle qu’une pilule estro-progestative. En revanche, l’impact sur le métabolisme osseux de ces thérapeutiques chez ces filles reste inconnu.

Une équipe écossaise a voulu évaluer l’effet, sur le squelette, d’une telle substitution hormonale. L’étude a porté sur un groupe de 42 patientes en insuffisance ovarienne liée à un syndrome de Turner ou à une IOP ( à la suite d’un traitement pour cancer, d’une chirurgie ovarienne ou de cause indéterminée). Les patientes étaient randomisées pour recevoir durant 12 mois un traitement hormonal substitutif ou une pilule estro-progestative. Le traitement était interverti après 3 mois de wash-out pour une nouvelle durée de 12 mois. Une évaluation du métabolisme osseux comportait une ostéodensitométrie annuelle et des dosages des marqueurs biologiques avant et tous les 3 mois durant les périodes thérapeutiques. Le traitement hormonal associait des patchs d’estrogènes dosés à 100 ug et 150 ug associés 2 semaines sur 4 à des anneaux vaginaux de progestérone ou à de la dydrogestérone orale. La pilule utilisée était composée de 30 ug d’éthinyl-estradiol et de 1,5 mg/j de norethisterone.

Les 2 types de traitements étaient bien tolérés avec quelques cas de réactions allergiques aux patchs. Malheureusement, seulement 18 jeunes femmes ont été jusqu’au terme de l’étude. L’âge moyen était de 27 ans, 7 étaient atteintes de syndrome de Turner et 11 d’IOP. Les premières étaient, en moyenne, plus jeunes et plus petites que les secondes. En revanche, leur minéralisation osseuse et leurs marqueurs biologiques du métabolisme osseux n’étaient pas différents lors de l’entrée dans l’étude. Les gonadotrophines étaient hautes chez toutes les patientes à l’entrée dans l’étude avec une diminution superposable sous THS ou sous pilule. Le Z-Score vertébral augmentait de 0,17 sous traitement hormonal substitutif alors qu’il n’était pas modifié chez les filles sous pilule. Cette variation positive était directement corrélée au taux d’œstradiol et inversement au taux de FSH. En revanche, aucun des traitements n’avait d’impact sur la minéralisation fémorale. Les marqueurs osseux de la résorption osseuse chutaient significativement dans les 2 groupes alors que les marqueurs de la formation osseuse n’augmentaient que sous traitement substitutif.

Certes, il s’agit d’une étude de faible envergure et de courte durée, néanmoins elle a le mérite de poser la question du traitement optimal, sur le plan osseux, chez des jeunes filles en hypogonadisme hypergonadotrophique. Il semblerait que seul le traitement substitutif, à fortes doses, permet d’augmenter la minéralisation osseuse vertébrale grâce à une action sur la formation osseuse. En effet, il faut noter que les patchs utilisés contenaient de fortes doses d’estrogènes bien supérieures à celles reconnues comme efficaces pour palier la carence estrogènique post-ménopausique. A l’inverse, la pilule proposée était minidosée, avec un impact osseux plus discuté.

Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus concernant la substitution optimale à proposer aux jeunes filles atteintes d’IOP. Il est évident qu’un traitement s’avère nécessaire afin de palier aux multiples effets de la carence estrogènique tant au plan physique que psychologique. La pilule estro-progestative est certes moins physiologique mais permet à ces jeunes filles de se sentir « comme les autres ». Cependant, si les années à venir confirmaient la moindre efficacité osseuse en plus de la moins bonne tolérance métabolique, le choix pourrait alors se tourner vers des traitements de substitution.

Crofton P., Evans N., Bath L. , Warner P., Whitehead T., Critchley H., elnar C., Wallace H. Physiological versus standard sex steroid replacement in young women with premature ovarian failure: effects on bone mass acquisition and turnover. Clinical Endocrinology. 2010; 73:707-714.

 
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