Prévention de la perte osseuse en cas d’IOP : traitement hormonal substitutif ou contraception estroprogestative ?

L’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) affecte 1% des femmes de moins de 40 ans et 5% des moins de 45 ans (définition de la British Menopause Society) . Une des conséquences majeures de la carence estrogénique sur le long terme est la fragilité osseuse avec possibilité d’ostéoporose et son lot de fractures. L’estrogénothérapie est indiquée en cas d’IOP pour prévenir cette perte osseuse mais aussi lutter contre les symptômes climatériques  et maintenir une « bonne santé » cardiovasculaire, psychologique, sexuelle…La thérapeutique optimale fait  toujours l’objet d’un débat. Est-il préférable de prescrire un traitement substitutif estroprogestatif (THS) souvent considéré comme plus physiologique, plus naturel  ou une contraception estroprogestative (COP) qui permet à ces femmes parfois très jeunes de se sentir « comme les autres » ?

Les contraceptions estroprogestatives augmentent, on le sait,  le risque thromboembolique et sont  de ce fait considérées comme un facteur de risque de maladie cardiovasculaire et d’accident vasculaire cérébral. Les traitements hormonaux substitutifs élèvent également le risque thromboembolique lorsqu’ils sont administrés par voie orale mais la molécule d’estradiol utilisée est moins délétère que l’éthinylestradiol (EE) contenu dans les  COP. Les THS sont donc préférables aux COP sur le plan vasculaire mais qu’en est-il au niveau osseux ?

Une équipe du Royaume-Uni a cherché a comparé l’effet sur la minéralisation osseuse de 2 ans de THS versus COP chez 59 femmes atteintes d’IOP spontanée  depuis plus de 3 ans, âgées de 18 à 44 ans. Les patientes choisissaient elles-mêmes  initialement d’̂être traitées ou non. Si elle optait pour le traitement, une randomisation était mise en place pour recevoir soit un THS (2mg d’estradiol/j  et 75 microgrammes de lévonorgestrel 12j/mois) soit une COP (30 microgrammes d’EE et 75 microgrammes de lévonorgestrel 21 jours /28).

A l’issu du recrutement, 29 femmes ne prenaient aucune thérapeutique, 15 utilisaient le THS et 15 la COP.  La minéralisation osseuse avait été évaluée avant tout traitement chez toutes les femmes et chez 15 des 29 femmes non traitées, 12 des 15 femmes utilisant le THS et 9 des 15 femmes utilisant la COP régulièrement sur les 2 années d’étude.

La minéralisation osseuse au niveau lombaire à 2 ans augmentait chez les patientes utilisant le THS (+0.050 g/cm2 ; IC à 95% 0.007-0.092 ; p= .025) comparativement aux femmes utilisant COP.  Les 2 traitements permettaient de maintenir le même niveau de minéralisation osseuse au niveau fémoral sans différence significative ente les traitements COP ou THS. Comme attendu, les 2 types de thérapeutiques apportaient un bénéfice comparativement aux femmes non traitées aux 2 niveaux analysés, vertébral et fémoral.  Les marqueurs du remodelage osseux  s’abaissaient significativement  chez les femmes traitées, sans différence significative entre THS et COP, alors qu’ils continuaient à s’élever dans le groupe sans traitement.

Comme on pouvait s’y attendre la mise en route d’un traitement estrogénique quel qu’il soit est tout à fait bénéfique en cas d’IOP en particulier pour la santé osseuse. La supériorité qui semble ici apparaitre en faveur du THS versus COP pourrait correspondre à une action biologique supérieure de l’estradiol comparativement à l’éthinylestradiol sur le tissu osseux. Ces 2 molécules estrogéniques sont différentes et bien qu’elles agissent par l’intermédiaire du récepteur des estrogènes, leurs effets tissulaires peuvent ̂être variables. Il n’a pas été réalisé de dosages plasmatiques des différentes molécules estrogéniques qui pourraient en partie expliquer des effets dose-dépendants. De plus, dans la COP, on note d’une part une fenêtre thérapeutique de 8 jours et d’autre part une dose double de progestatif administré les 21 jours alors que seulement 12 jours en cas de THM. La liaison du lévonorgestrel aux récepteurs des glucocorticoïdes pourraient entrainer une action inhibitrice au niveau des ostéoblastes. De plus, chez les rats, un phénomène de down régulation des récepteurs hormonaux au niveau des ostéoblastes  pourrait également expliquer l’effet moins favorable d’une administration continue versus cyclique du progestatif.

Une des limites majeures de cette étude est le tout petit nombre de femmes évaluées et le pourcentage important de perdues de vue,  en particulier dans le groupe COP. Cependant, ce papier permet de préciser encore l’importance de la mise en route d’un traitement estrogénique ne serait ce que sur le plan osseux en cas d’IOP. D’autres essais randomisés de plus grande envergure sont bien sur nécessaires pour déterminer la thérapeutique optimale tout en tenant compte, bien sur, du choix personnel de la femme. En France, la définition de l’IOP correspond à  un âge de moins de 40 ans. Il s’agit souvent de femmes jeunes sans facteur de risque vasculaire chez lesquelles la simplicité d’une COP peut l’emporter sur le THS. Cependant, le traitement hormonal est conseillé au minimum jusqu’à l’âge habituel de la ménopause et si la COP peut être un choix initial, un relai vers le THS doit toujours être envisagé à court ou moyen terme.

B Cartwright, J Robinson, P T Seed, I Fogelman, J Rymer. Hormone replacement therapy versus the combined oral contraceptive pill in premature ovarian failure: a randomized controlled trial of the effects on bone mineral density. J Clin Endocrinol Metab 2016;101: 3497-3505.

 
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