Les anomalies thyroïdiennes subcliniques durant la grossesse affectent le développement neuro-psychomoteur des enfants

Les hormones thyroïdiennes sont essentielles au bon développement neuropsychologique fœtal et néonatal. Il est bien connu que les anomalies patentes de la fonction thyroïdienne maternelle affecte à la fois le cours normal de la grossesse et le développement fœtal. Les données concernant l’impact d’anomalies subcliniques sont moins évidentes car moins bien et plus délicates à évaluer. Quelques études antérieures évoquaient la possibilité d’altérations du développement psychomoteur chez les enfants de mères atteintes d’hypothyroïdie asymptomatique, de thyroïdite auto-immune ou en cas de thyroxinémie libre (T4l) inférieure à la normale de façon isolée. Il était donc intéressant d’essayer de déterminer le retentissement sur le développement neuropsychologique de l’hypothyroïdie subclinique, de l’hypothyroxinémie isolée et de taux élevés d’anticorps anti-péroxydase (Ac anti-TPO). C’est chose faite, en partie, avec une étude rétrospective chinoise, pays où les anomalies thyroïdiennes sont fréquentes.

Des enfants âgés de 25 à 30 mois ont été évalués sur le plan du développement psychomoteur. Tous ces enfants étaient nés de mères dont la fonction thyroïdienne a pu être analysée à postériori grâce à la conservation des sérums maternels. 1 268 sérums de patientes entre 16 et 20 semaines de grossesse ont été analysés afin de déterminer les taux de TSH, de T4 totale et T4 libre et d’AC anti-TPO.

Les valeurs retenues comme anormales l’étaient à partir de données spécifiques à la grossesse. L hypothyroïdie subclinique était définie par une TSH supérieure à 4,21 mUI/l avec une T4 normale et des anticorps anti-TPO négatifs. L’hypothyroxinémie correspondait à un taux de T4t inférieur à 101,79 nmol/l avec des taux normaux de TSH et d’anticorps. Enfin, était considéré comme pathologique un chiffre d’anticorps anti-TPO supérieur à 50 UI/ml. A partir de ces critères, 18 femmes présentaient une hypothyroïdie subclinique, 19 une hypothyroxinémie isolée et 34 un taux élevé d’anticorps anti-TPO sans autre anomalie de la fonction thyroïdienne. Le développement intellectuel et moteur de leurs enfants était analysé entre l’âge de 25 et 30 mois et comparé à celui d’enfants de mères contrôles pour lesquelles tous les chiffres se rapportant à la fonction thyroïdienne étaient normaux.

Les tests d’évaluation du développement intellectuel utilisaient l’échelle de Bayley qui comporte 163 items incluant l’appréciation du comportement d’adaptation, le langage et les capacités d’exploration. Les enfants nés des patientes présentant une hypothyroïdie subclinique, une hypothyroxinémie et des anticorps élevés avaient des scores significativement inférieurs de 8 à 10 points aux enfants dont les mères étaient indemnes de toute anomalie thyroïdienne.

Les tests d’évaluation du développement moteur comportaient 81 items analysant divers aspects des acquisitions motrices à la fois globales et plus précises. Là encore, les enfants des mères présentant des perturbations biologiques thyroïdiennes montraient des scores 7 à 9 points inférieurs aux autres.

Tous ces scores, intellectuels et moteurs, étaient significativement inférieurs pour toutes les anomalies thyroïdiennes même prises isolément que ce soit l’hypothyroïdie subclinique, l’hypothyroxinémie ou les anticorps anti-TPO élevés.

On savait déjà que l’hypothyroxinémie maternelle pouvait être responsable d’anomalies du développement cérébral du fœtus et qu’un traitement substitutif précoce permettait de les éviter. En revanche, les données sont moins évidentes lorsque seule la TSH est haute avec une T4 dans des valeurs normales : dans ces cas, l’effet d’un traitement par hormones thyroïdiennes n’est pas clairement évalué. Les anticorps anti-TPO, quant à eux, sont responsables d’un processus de destruction progressif de la thyroïde conduisant à plus ou moins long terme à un déficit de la fonction thyroïdienne. Ces anticorps passent la barrière placentaire et pourrait ainsi interférer sur le fonctionnement de la thyroïde fœtale.

La nécessité d’un parfait équilibre thyroïdien durant la grossesse chez les femmes dont l’hypothyroïdie était connue antérieurement est actuellement parfaitement établie ; il convient bien souvent d’anticiper les modifications de cet équilibre en augmentant dès le début de la grossesse les posologies en hormones thyroïdiennes. La substitution est également clairement nécessaire en cas de T4 basse puisque cette hormone passe la barrière placentaire et va permettre le bon développement cérébral très tôt au cours du développement. Des études sont actuellement en cours visant à déterminer l’effet d’une substitution thyroïdienne en cas d’hypothyroïdie subclinique où seule la TSH est haute mais les hormones périphériques normales. Si une preuve tangible de la répercussion sur l’enfant d’anomalies subcliniques thyroïdiennes maternelles apparaissait, cela pourrait constituer un argument fort en faveur d’un dépistage systématique de telles anomalies en pré-conceptionnel ou en début de grossesse.

Y Li, Z Shan, W Teng, et al. Bnormalities of maternal thyroid function during pregnancy affect neuropsychological development of their children at 25-30 months. Clinical Endocrinology 2010;72:825-829.

 
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