La prévention de l’insuffisance ovarienne post-chimiothérapie par les analogues de la GnRH est-elle possible ?

Environ 6% des femmes atteintes de cancer du sein ont moins de 40 ans. La grande majorité de ces jeunes femmes bénéficient d’une chimiothérapie souvent associée à une hormonothérapie. Sous traitement, le risque d’aménorrhée transitoire ou définitive est élevé et chez celles qui gardent ou récupèrent un cycle menstruel il est fréquent d’assister à une insuffisance ovarienne prématurée. On estime que chaque mois de chimiothérapie induit une diminution de la vie reproductive d’1 ½ an.

L’incidence de la ménopause prématurée dépend principalement de l’âge de la femme et des molécules utilisées pour la chimiothérapie. Le risque le plus élevé est retrouvé pour des chimiothérapies à base de fortes doses cumulées de cyclophosphamide. L’incidence de l’aménorrhée 3 ans après le traitement du cancer passe de 50% pour des femmes entre 35 et 40 ans à plus de 85% après 40 ans. Cette ménopause prématurée présente de nombreuses conséquences comme les symptômes vasomoteurs, les troubles sexuels et la stérilité ; ce dernier aspect pouvant souvent influer les décisions thérapeutiques.

A ce jour, aucune stratégie de prévention n’a apporté des résultats satisfaisants. Quelques données préliminaires suggèrent que l’utilisation d’analogues de la GnRH lors de la chimiothérapie pourrait protéger la fonction ovarienne.

Une étude de phase 3  a été menée pour évaluer l’efficacité, sur l’incidence des ménopauses précoces, d’une suppression ovarienne grâce à un analogue de la GnRH, la triptorelin, chez de jeunes femmes non ménopausées sous chimiothérapie pour cancer du sein stade I à III.

Cette étude, menée dans 16 centres italiens, a randomisé 281 femmes âgées en moyenne de 39 ans devant être traitées par chimiothérapie pour cancer du sein. La moitié d’entres elles recevaient, en association, une injection intramusculaire toutes les 4 semaines de triptorelin. Les 2 groupes de femmes présentaient initialement des caractéristiques cliniques et tumorales similaires. Les injections d’analogue débutaient une semaine avant le début de la chimiothérapie et se poursuivaient tout au long de celle-ci. L’objectif principal de l’étude était de mesurer un an après la fin de la chimiothérapie l’incidence des ménopauses précoces (définies par l’absence de retour des règles et des taux de gonadotrophines élevés). A noter que les femmes dont les tumeurs étaient hormono-dépendantes recevaient du tamoxifène pour une durée de 5 ans à l’issue  de la chimiothérapie.

Un an après la dernière cure de chimiothérapie, le taux de ménopause précoce était de 25,9% dans le groupe chimiothérapie seule et de 8,9% dans le groupe où la triptorelin y avait été associée.  Cette différence absolue de 17% n’était pas modifiée en fonction de l’âge ou du type de chimiothérapie utilisée. La reprise d’activité ovarienne survenait en moyenne 6,7 mois après la fin du traitement lors de l’association thérapeutique. Ce retour à un fonctionnement ovarien était plus fréquent chez les patientes atteintes de tumeurs RE négatives que chez celles bénéficiant du tamoxifène en raison du caractère hormono-dépendant de leur cancer.

La plupart des études antérieures randomisées n’avaient pas permis de mettre en évidence de différence significative dans le risque de ménopause précoce liée à l’association d’un analogue de la GnRH à la chimiothérapie. Des différences dans les définitions, les durées de suivi…pourraient expliquer ces résultats contradictoires. Il existe à ce jour peu de données sur la préservation du cycle menstruel sur le long terme et encore moins sur l’appréciation de la fertilité. Dans l’étude présentée ici, 4 grossesses ont été rapportées : 1 dans le groupe des femmes traitées par chimiothérapie seule et 3 dans le groupe y ayant associé l’analogue. Mais un suivi plus prolongé est nécessaire à l’évaluation de la fertilité ultérieure.

Les mécanismes d’action qui pourraient sous-tendent  cet effet protecteur des analogues ne sont pas totalement élucidés mais quelques pistes sont à l’étude : - un effet de la suppression de sécrétion de FSH, - une diminution de la perfusion utéro-ovarienne,  - la régulation positive de molécules anti-apoptotiques intra-gonadiques, - la protection des cellules germinales indifférenciées.

D’autres méthodes de préservation de la fertilité sont actuellement utilisées comme la congélation d’embryons ou la cryopréservation de tissu ovarien ou d’ovocytes. Les avantages de l’utilisation des analogues de la GnRH, s’ils s’avéraient efficaces en termes de fertilité, seraient d’une part l’autonomie de la patiente qui n’est pas toujours en couple, l’absence de délai de prise en charge thérapeutique, le moindre coût et le caractère moins invasif.

Des questions restent cependant encore posées sur l’absence d’innocuité de cette reprise d’activité ovarienne sur le pronostic du cancer notamment en cas de tumeurs hormono-dépendante.

Cette étude impose, bien sûr, confirmation mais redonne un espoir sur l’intérêt potentiel de l’association d’un analogue de la GnRH à la chimiothérapie  chez des femmes jeunes traitées pour cancer du sein même si retour du cycle menstruel ne signifie pas forcement préservation de la fertilité. Il faudra également confirmer l’absence d’effets délétères, en termes de morbidité et mortalité, d’une telle association.

L Del Mastro, L Boni and all. Effect of the gonadotropin-releasing hormone analogue triptorelin on the occurrence of chemotherapy-induced early menopause in premenopausal women with breast cancer.JAMA.2011; 306(3):269-276.

 
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