Biphosphonates, androgènes : quelle efficacité sur l'os des anorexiques ?

L’anorexie mentale s’accompagne de très nombreuses complications parmi lesquelles une perte osseuse sévère chez 50 % des adultes atteintes. Ce déficit osseux affecte préférentiellement l’os trabéculaire et est caractérisé à la fois par une augmentation de la résorption et une diminution de la formation osseuse. Le traitement estro-progestatif semble insuffisant pour prévenir ou réparer la perte osseuse dans cette population, contrairement à ce qui est observé à la période ménopausique. Son association à un traitement par IGF-1 recombinant sur 9 mois accroît la formation osseuse sans pour autant permettre une récupération de la masse osseuse.

Les biphosphonates sont des agents anti-résorptifs très efficaces pour lutter contre certaines ostéoporoses, en particulier post ménopausique, cortisonnée ou secondaire aux inhibiteurs de l’aromatase. Les données concernant l’intérêt de ces molécules en cas d’anorexie mentale étaient, à ce jour, peu nombreuses et ne permettaient pas de conclure. Certaines semblaient, cependant, en montrer un réel intérêt dans la lutte contre la résorption. Par ailleurs, les androgènes, connus comme agents anabolisants, stimulent quant à eux la formation osseuse dans certaines pathologies, notamment en cas d’hypogonadismes.

Une équipe américaine a émis l’hypothèse que l’association d’un biphosphonate (anti-résorbeur) et d’un androgène (anabolisant) permettrait d’améliorer la masse osseuse de femmes anorexiques. Ainsi, 77 patientes, âgées en moyenne de 25 ans, avec un IMC moyen autour de 17, ont été randomisées pour recevoir sur 12 mois :
- soit du risédronate (35 mg par semaine),
- soit de la testostérone par patch (150 ug par jour,
- soit les 2 en association,
- soit un double placebo.

Le biphosphonate augmentait de 3 à 4 % la BMD vertébrale et de 2 % la BMD fémorale qu’il soit administré seul ou en association avec l’androgène. En revanche, aucun gain osseux n’était observé sous testostérone alors que ce traitement favorisait une augmentation de la masse maigre, sans modification du poids. De même, seules les femmes sous risédronate voyaient leurs marqueurs du métabolisme osseux diminuer. Ni la BMD initiale, ni le poids, ni l’existence ou pas d’une aménorrhée n’étaient prédictifs de la réponse au traitement. En revanche, s’il s’agissait d’une anorexie-boulimie ou si la patiente étaient sous contraception orale, le résultat apparaissait moins probant.

Comparativement, la réponse osseuse aux biphosphanates chez des femmes ménopausées apparait supérieure à celle observée ici ; la dénutrition chronique pourrait en partie expliquer cette moindre efficacité tout comme celle d’autres molécules, les estrogènes par exemple.

Aucun effet secondaire important n’avait imposé l’interruption de l’étude : ni signe patent d’hyperandrogénie clinique sous androgènes, ni symptômes digestifs ou autres sous biphosphonates.

Cette étude très préliminaire semble apporter des résultats encourageants concernant l’effet positif d’un biphosphonate sur la masse osseuse des patientes anorexiques. Cependant, il s’agit d‘une étude de petite envergure de courte durée. La prescription de telles molécules chez des femmes jeunes posent également un réel problème tant pour ce qui est de leur avenir osseux que de leur éventuel projet de grossesse. Dans l’état actuel des connaissances il apparaît, bien sur, tout à fait prématuré de proposer une telle option thérapeutique chez ces jeunes femmes.

Miller K, Meenaghan E, Lawson , misra M, Gleysteen S, Schoenfeld D, Herzog D, Klibanski A. Effects of risedronate and low-dose transdermal testosterone on bone mineral density in women with anorexia nervosa: a randomised, placebo-controlled study. J Clin Endocrinol Metab 2011 as doi:10.1210/jc.2011-0380.

 
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